Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2010 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Le déficit cumulé des années 2009 et 2010 pourrait donc atteindre 50 milliards d’euros. Comme M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure, si aucune réforme structurelle n’est engagée, le déficit cumulé des comptes sociaux pourrait ainsi s’élever à 80 milliards d’euros, montant inédit qui fait froid dans le dos.

Bien sûr, la dégradation massive des comptes sociaux résulte, cette année – M. le ministre des comptes publics l’a rappelé tout à l’heure –, des effets de la crise économique. Cela dit, il faut bien reconnaître que, si la sécurité sociale avait affronté cette crise sans le handicap considérable d’un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions tout à fait différentes de celles que nous allons connaître. Le retard que nous avons pris dans l’engagement de réformes structurelles, dont chacun sait depuis longtemps qu’elles sont absolument indispensables, pourrait être payé fort cher dans le contexte de la récession actuelle.

Il faut, mes chers collègues, prendre dès à présent conscience de la chose suivante : le retour de la croissance au niveau antérieur à la crise permettra seulement de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit, peut-être, 30 milliards d’euros. Or, si la sécurité sociale a pu supporter, depuis 2003, des déficits annuels de l’ordre de 10 milliards d’euros au prix d’un accroissement important de la dette sociale, elle ne résistera pas à plusieurs années d’un déficit qui se stabiliserait à 30 milliards d’euros.

Sans vouloir aucunement dramatiser les enjeux, je crois que la situation actuelle menace la pérennité de notre système de protection sociale et que nous devons agir avec vigueur, sans attendre et sans croire que le retour de la croissance arrangera tout.

Mme la présidente de la commission des affaires sociales ayant détaillé tout à l’heure la situation des comptes, je n’y reviendrai pas. Qu’il me soit cependant permis, monsieur le ministre, d’insister sur la nécessité d’une présentation par le Gouvernement, lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, d’hypothèses économiques réalistes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 était effectivement caduque dès son adoption ! Il vous a fallu corriger un certain nombre d’éléments au cours de son examen pour essayer de vous rapprocher de la réalité de la situation !

Sur la base des prévisions inscrites dans cette loi, nous avons transféré des ressources de CSG du FSV vers la CADES, pour permettre à cette dernière de faire face à une nouvelle reprise de dette. Le résultat, c’est que le FSV, qui avait renoué avec les excédents, sera en déficit de plus de 2 milliards d’euros cette année.

De même, M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait pris le pari que nous pourrions transférer des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse pour un montant non négligeable de l’ordre de 10 milliards d’euros, selon les estimations de l’époque. La crise étant passée par là, cette mesure n’a pu être mise en œuvre.

Nous aurions peut-être intérêt à nous inspirer de certains pays qui construisent leur budget sur des hypothèses économiques pessimistes pour être sûrs de les atteindre, voire de les dépasser.

Quoi qu’il en soit, deux dangers, parmi ceux que comporte la situation actuelle, me paraissent devoir être particulièrement soulignés.

Il y a, tout d’abord, un risque de découragement de tous les acteurs de notre système de protection sociale : « pourquoi s’acharner à rechercher des économies de 50 ou 100 millions d’euros quand les déficits atteignent de telles profondeurs ? », peuvent-ils se dire. Certains peuvent légitimement se demander si nous connaîtrons un jour de nouveau l’équilibre des comptes sociaux.

La dette est bien sûr le deuxième danger qui nous guette, car – je ne vous apprends rien – le déficit d’aujourd’hui est la dette de demain. Jusqu’à présent, contrairement à la dette de l’État, la dette sociale est restée à des montants d’un niveau relativement maîtrisé et en rapport avec les ressources affectées à son remboursement. En principe, à ce jour, la dette sociale devrait être entièrement éteinte en 2021, c’est-à-dire dans douze ans. Qu’adviendra-t-il cependant si les comptes sociaux demeurent plusieurs années dans les zones de déficit vers lesquelles nous nous dirigeons ? D’ores et déjà, la question est posée : dans quelles conditions la dette sociale résultant de la crise en cours, qui pourrait atteindre 50 milliards d’euros à la fin de l’année 2010 alors même que la CADES vient à peine de reprendre une dette de 27 milliards d’euros, sera-t-elle portée ?

Voilà peu, monsieur le ministre, vous avez indiqué que les décisions relatives à une éventuelle reprise de dette n’interviendront pas dans l’immédiat et que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, aura les moyens de faire face, en 2009 et en 2010, aux besoins découlant des déficits.

Cette situation, vous le savez, ne sera cependant pas tenable très longtemps.

En effet, l’ACOSS a deux sources principales de financement : d’une part, la Caisse des dépôts et consignations, la CDC ; d’autre part, l’émission de billets de trésorerie. L’ACOSS et la CDC mettent actuellement la dernière main à un avenant à la convention qui les lie depuis 2006, dont il résulterait notamment que la CDC ne s’engagerait à prêter à l’ACOSS, à des conditions prédéterminées, qu’à hauteur de 25 milliards d’euros et qu’elle ne pourrait en tout état de cause prêter plus de 31 milliards d’euros.

En ce qui concerne les billets de trésorerie, les émissions de l’ACOSS sont actuellement plafonnées à 11, 5 milliards d’euros ; mais, en réalité, l’ACOSS, lorsqu’elle a recouru aux billets de trésorerie, n’a jamais dépassé le montant de 5 milliards d’euros. Parfois, l’État lui-même achète des billets de trésorerie. Nous pouvons aujourd'hui nous poser la question suivante : l’État le fera-t-il à nouveau et, le cas échéant, à quelle hauteur ? Je serais heureux que M. le ministre puisse nous répondre sur ce point.

Pour faire face aux déficits, le plafond des ressources non permanentes de l’ACOSS a été fixé pour 2009 à 18, 9 milliards d’euros par le Parlement, plafond que vous allez relever par décret de près de 10 milliards d’euros, monsieur le ministre. Jusqu’à ce montant, l’ACOSS devrait pouvoir se financer sans trop de difficultés. En revanche, l’année prochaine, si aucune reprise de dette n’est intervenue, l’ACOSS risque de devoir faire face à un besoin de trésorerie compris entre 50 et 60 milliards d’euros. Les 25 à 31 milliards de la Caisse des dépôts et consignations n’y suffiront pas, même si vous y ajoutez les 11, 5 milliards de billets de trésorerie.

Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il donc pour faire face à cette situation ? L’État ou d’autres entités publiques pourraient-ils se porter acquéreurs de billets de trésorerie ? Nous serions heureux de le savoir, M. Jégou n’étant pas le moins intéressé par votre réponse, monsieur le ministre.

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