En tout état de cause, il est essentiel d’affirmer clairement l’engagement de l’État à l’égard de l’ACOSS pour éviter que la crédibilité de celle-ci ne soit remise en cause sur les marchés.
Quoi qu’il en soit, il faudra bien trouver une solution pérenne pour porter cette nouvelle dette. Il existe, à mon sens, trois possibilités : premièrement, la reprise de la dette par l’État, idée dont j’ai cru comprendre que le Gouvernement l’avait abandonnée ; deuxièmement, la création d’une caisse chargée de porter la dette de crise, idée dont j’ai également cru comprendre qu’elle était abandonnée ; troisièmement, la reprise de la dette par la CADES, idée à laquelle le Gouvernement, ne souhaitant ni allonger la durée de vie de la CADES ni, dans l’immédiat, augmenter les prélèvements obligatoires, ne semble pour l’instant pas favorable.
J’admets que toutes ces solutions ont des inconvénients ou entraînent des difficultés.
La reprise de la dette par l’État mettrait fin au principe très sain du cantonnement de la dette sociale, et je n’y suis donc moi-même pas très favorable. Le transfert à la CADES pose, pour sa part, le problème des ressources et de l’augmentation de la durée de vie de la caisse.
Comme vous le savez, le législateur organique a décidé en 2005 qu’aucune reprise de dette ne pourra plus être effectuée sans que soit accordée à la CADES la ressource nécessaire. Or nous avons vu les résultats du transfert, l’an dernier, de 0, 2 point de CSG au FSV : ce dernier se retrouve dans la situation que j’évoquais tout à l’heure.
Si vous ne voulez pas augmenter la durée de vie de la CADES, il n’est d’autre solution que d’augmenter les ressources. Or la caisse doit achever sa mission en 2021, soit dans douze ans.
Il faut savoir – peut-être M. Jégou en dira-t-il quelques mots tout à l’heure – que, comme M. Patrice Ract Madoux, président du conseil d’administration de la CADES, l’a confirmé devant le comité de surveillance de celle-ci et lors d’un entretien que j’ai eu avec lui, plus on approche de l’échéance de 2021, plus les transferts de dette vont nécessiter la fourniture de recettes importantes.
Par exemple, si nous transférons 50 milliards d’euros de dette au début de l’année 2011, cela impliquera de fournir 0, 425 point de CRDS à la CADES, ce qui représenterait quasiment le doublement de la contribution actuelle. Plus on attendra, plus le coût de la reprise sera élevé, dans la mesure où nous voulons respecter l’échéance de 2021.
Dans ces conditions, je me demande si nous pourrons éviter un débat sur une éventuelle prolongation de la durée de vie de la CADES ; mais le risque serait alors très grand d’abandonner toute perspective d’extinction de la dette et de reporter celle-ci sur les générations futures, ce que nous avons toujours voulu éviter, et ce qu’a également voulu éviter le législateur organique en prenant la disposition que j’ai rappelée voilà quelques instants. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que tel était aussi votre état d’esprit. Or, reporter l’extinction de la dette à 2030, à 2040 ou à 2050, c’est bien faire porter le poids de la dépense sur nos petits-enfants et à nos arrière-petits-enfants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à cette situation sans précédent, que pouvons-nous faire ? La priorité me semble être de comprendre que nous devons agir tout de suite, qu’il s’agisse d’accroître les recettes ou de maîtriser les dépenses. Tout ce que nous ne ferons pas maintenant coûtera plus cher ultérieurement.
La priorité des priorités est aujourd’hui de préserver et d’accroître les ressources de la sécurité sociale – j’ai cru comprendre que le Gouvernement partageait cet état d’esprit –, qui devront, après la crise, être plus dynamiques que les dépenses.
Cela passe, d’une part, par une meilleure évaluation des dispositifs d’exonération de charges, qui devront être compensés à l’euro près, ce qui n’est pas le cas pour le moment.
Mais il faut surtout, d’autre part, accroître l’assiette des cotisations en remettant en cause ou en limitant, dans toute la mesure du possible, les niches sociales, qui mitent les recettes de la sécurité sociale. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, la perte de recettes potentielles représentée par ces mécanismes est estimée à 9, 4 milliards d’euros. Ce chiffre, même s’il doit être relativisé – les employeurs procéderaient sans doute à des arbitrages différents si les sommes concernées étaient soumises aux cotisations sociales –, montre qu’il est possible d’agir dans le sens d’un encadrement de ces dispositifs. Quelques progrès ont déjà été faits avec la taxation des stock-options ou la création du forfait social de 2 %, idée dont Mme Dini a rappelé tout à l’heure qu’elle avait été émise par le Sénat et que le Gouvernement n’y avait tout d’abord pas été favorable, jusqu’à ce que M. le député Yves Bur dépose un amendement à une loi de financement de la sécurité sociale ; le Gouvernement, reprenant cet amendement à son compte, a alors finalement considéré que l’idée émise par le Sénat un an plus tôt n’était pas si mauvaise et qu’il y avait lieu de la mettre en œuvre. Ne désespérons donc jamais d’être suivis dans nos propositions, mes chers collègues, même si cela prend et fait perdre un peu de temps : il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Nous pourrons donc aller plus loin. Plusieurs pistes devront être explorées, que je suggère à M. le ministre : l’élargissement de l’assiette du forfait social, le relèvement du taux de ce forfait, le relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d’actions gratuites, la remise à plat de la taxation des indemnités de rupture, la taxation des retraites chapeau. Voilà toute une série de recettes potentielles de nature à améliorer la situation de nos comptes sociaux !
Cette remise en cause de certains mécanismes devra aussi s’accompagner du respect des nouvelles règles fixées par la loi de programmation des finances publiques, selon laquelle une création ou une extension de niche fiscale ou sociale doit être compensée par la suppression ou la diminution d’une autre de ces niches.