Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les excédents cumulés de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui culmineront à 4, 8 milliards d’euros en 2020, sont en passe de se transformer en cagnotte. Le Gouvernement ne souhaitant pas poursuivre la baisse du taux de cotisation AT-MP, le solde de la branche s’établira à 1, 4 milliard d’euros en 2020 et se maintiendra à ce niveau jusqu’en 2023 ; de quoi alimenter, paraît-il, la trésorerie des autres branches.

Le gonflement des capitaux propres de la branche, de même que le transfert, au bénéfice de l’assurance maladie, d’un milliard d’euros pour la sixième année consécutive, amène à s’interroger sur les fondements assurantiels de la branche AT-MP.

Au titre de la solidarité « interbranches » – c’est un terme qui vient de sortir ! –, les cotisations AT-MP, qui sont pourtant censées responsabiliser les employeurs sur la sinistralité de leurs établissements, sont en partie détournées au profit du rééquilibrage d’une branche maladie toujours en difficulté. Dans le même temps, quand bien même la branche AT-MP dispose d’une cagnotte qui dépassera rapidement les 5 milliards d’euros, les rentes AT-MP resteront sous-revalorisées, à hauteur de 0, 3 % en 2020, bien en deçà de l’inflation.

De même, les excédents de la branche ne seront pas mobilisés pour le développement de la prévention au sein des entreprises. Les moyens du Fonds national de prévention des AT-MP ne représenteront que 2, 7 % des dépenses en 2020. Le Gouvernement préfère ne pas toucher aux excédents qui dorment confortablement en trésorerie à l’Acoss.

Parmi les mesures relatives aux AT-MP, je me concentrerai sur le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Nous nous félicitons effectivement de la création de cet outil, que notre collègue Nicole Bonnefoy – vous l’avez rappelé, madame la ministre – avait défendue en présentant sa proposition de loi dans cet hémicycle. Mais les avancées du nouveau fonds sont, en définitive, très limitées. La réparation reste forfaitaire et le niveau d’indemnisation des salariés agricoles ne changera pas par rapport à ce qu’ils peuvent aujourd’hui espérer de la Mutualité sociale agricole.

Seul un effort est réalisé en faveur des travailleurs agricoles non-salariés, notamment les chefs d’exploitation retraités avant 2002, avec un alignement de leurs conditions d’indemnisation sur celles des salariés agricoles et le versement d’un complément d’indemnisation. En outre, les enfants exposés en période prénatale pourront être indemnisés au titre de la solidarité nationale, mais à la condition que l’un des parents ait été exposé professionnellement.

Si la création d’un fonds apparaît généreuse, notre commission ne peut que regretter que le Gouvernement en fasse intégralement reposer le financement sur les agriculteurs et les employeurs. Ces derniers supporteront le coût des transferts des branches AT-MP des différents régimes et du relèvement de la taxe sur les pesticides.

Or – faut-il le rappeler ? – c’est l’État qui autorise l’usage des pesticides. C’est lui qui a permis l’utilisation du chlordécone, qui a durablement contaminé les sols antillais et dont le lien avec les récidives de cancer de la prostate est de plus en plus étayé par la science. Pourquoi ne pas avoir retenu une participation de l’État au financement du fonds au titre de sa responsabilité, comme cela avait été le cas pour l’amiante ou les contaminations transfusionnelles ? Notre commission a adopté plusieurs amendements pour améliorer le dispositif d’indemnisation.

Au final, étant donné qu’il y a un excédent global, et eu égard à l’avancée que constitue une telle compensation pour les victimes, la commission vous demande d’adopter, sous les réserves que je viens d’énoncer, les dispositions du PLFSS relatives à la branche AT-MP.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion