Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion d'un projet de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’indiquait M. le rapporteur général, le compte n’y est pas !

Mêmes causes, mêmes effets ! L’année dernière, je profitais de la discussion générale pour indiquer aux membres du Gouvernement que la commission des affaires sociales du Sénat avait adopté deux amendements relatifs à la branche vieillesse.L’un visait à supprimer l’article qui sous-revalorisait les prestations sociales par rapport à l’inflation ; l’autre tendait à reculer l’âge minimum légal de départ à la retraite de 62 ans à 63 ans pour apporter une première réponse durable au déséquilibre de la branche, qui se profilait déjà ; c’était dans l’annexe B du PLFSS pour 2019.

Mêmes causes, mêmes effets ! Cette année, notre commission a adopté deux amendements similaires à ceux de l’année dernière. Le premier vise à supprimer l’article 52, qui prévoit un mécanisme complexe de revalorisation différenciée des prestations sociales, et singulièrement des pensions, dont la constitutionnalité est douteuse. Le deuxième tend à décaler, cette fois-ci, l’âge minimum légal de 62 ans à 64 ans à compter du 1er janvier 2025 pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1963. Je le rappelle, l’âge moyen de départ à la retraite à taux plein est actuellement de 63, 1 ans, hors départs anticipés.

Que s’est-il passé entre-temps ?

D’abord, il y a eu une crise sociale majeure qui a placé la question du pouvoir d’achat, en particulier des retraités, au centre des revendications. Cette crise a conduit le Gouvernement à revenir en partie sur deux décisions dont le Sénat avait souligné l’an dernier le risque quant à leur effet cumulatif : d’une part, le retour à un taux de CSG de 6, 6 % pour les retraités dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 2 000 euros, prévu dans le cadre de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) ; d’autre part, le maintien, prévu dans ce PLFSS, d’une sous-revalorisation à 0, 3 % en 2020 pour les seules pensions de retraite dont les assurés perçoivent un montant total, base et complémentaire, supérieur à 2 000 euros, l’ensemble des allocations familiales étant concernées par cette sous-revalorisation.

L’autre changement, c’est la sévère dégradation de la trajectoire financière de la branche vieillesse, qui accuserait un déficit de 4, 6 milliards d’euros en 2020. Ce déficit se dégraderait jusqu’en 2023 pour atteindre 6, 6 milliards d’euros.

À la fin du mois, le Conseil d’orientation des retraites devrait rendre son diagnostic sur les perspectives financières du système dans son ensemble, mais certains estiment que son déficit pourrait avoisiner 10 milliards d’euros à 15 milliards d’euros par an vers 2025 ! Et ce n’est pas la réforme envisagée qui va résorber un tel déficit : dans les propositions du haut-commissaire, le mode de calcul différentiel se fonde sur la même trajectoire financière !

C’est à la lumière de ces deux changements qu’il faut examiner les propositions qui vous seront soumises par le Sénat cette semaine, madame la ministre. Je vous invite à nous écouter. En supprimant l’article 52, notre Haute Assemblée réaffirme sa conviction que la baisse des pensions n’est pas le levier souhaitable pour rééquilibrer financièrement la branche vieillesse.

La sous-revalorisation, parce qu’elle emporte des effets de base qui se répercutent d’année en année, est une rupture fondamentale avec le principe contributif au cœur du système des retraites, mais aussi avec le contrat social implicite de notre pays, selon lequel, une fois liquidée, la retraite évolue en fonction de l’inflation pour garantir le pouvoir d’achat des retraités. Cette question est également au centre de la confiance que les jeunes générations peuvent avoir en leur retraite.

Notre amendement tendant à porter l’âge minimum légal à 64 ans ne doit pas être balayé d’un revers de main, comme ce fut le cas l’an dernier : il pose en toute transparence la question du recul de l’âge effectif de départ à la retraite. C’est le moyen le plus efficace de garantir l’équilibre, donc de donner confiance à nos concitoyens, notamment les plus jeunes.

Oui, il faut assumer le fait qu’avec l’allongement de l’espérance de vie, donc du temps passé à la retraite, et alors que la France accuse un retard important en matière de taux d’emploi des 60-64 ans, les Français, comme les habitants des autres pays européens, devront travailler plus longtemps pour financer un bon niveau de retraite, sachant que la retraite sera plus longue. D’ailleurs, le rapport entre cotisants et retraités devient de plus en plus inquiétant.

Le recul de l’âge doit être assumé, afin d’envisager sereinement la question de ce qu’un rapport récent du Sénat a appelé « le défi des fins de carrière ». Je souhaite que le Gouvernement puisse examiner la pertinence du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue pour le recentrer sur les carrières pénibles.

Madame la ministre, n’hésitez pas à suivre nos propositions.

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