Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement nous avait annoncé la fin du déficit de la sécurité sociale dès 2019. Le présent projet de loi de financement en apporte un cruel démenti.

L’exercice 2019 marque une vraie rupture avec la trajectoire de retour à l’équilibre annoncée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait atteindre 5, 4 milliards d’euros, alors qu’un excédent de 0, 1 milliard d’euros était espéré en début d’exercice.

Nous allons évidemment débattre de la non-compensation des mesures d’urgence économiques et sociales. Leur impact est estimé à 2, 8 milliards d’euros. La sécurité sociale a donc été utilisée pour répondre à des impératifs politiques d’augmentation du pouvoir d’achat, en contradiction avec ses missions originelles. Le traitement de la crise des « gilets jaunes » a en fait été financé par la sécurité sociale.

Cependant, de telles mesures ne peuvent pas justifier à elles seules le creusement du déficit des comptes sociaux, qui résulte pour moitié d’un défaut de pilotage. Le ralentissement de la croissance économique était en effet prévisible. La progression des dépenses aurait pu être mieux contenue. Un tel retournement trahit un manque de crédibilité des prévisions soumises au Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Venons-en désormais aux perspectives pour 2020. Le projet de loi de financement prévoit un déficit cumulé du régime général et du FSV établi à 5, 1 milliards d’euros et diffère donc le retour à l’équilibre à l’horizon de 2023. D’ailleurs, une telle perspective peut apparaître optimiste compte tenu des hypothèses retenues en matière de progression de la masse salariale et en l’absence de mesures structurelles visant les dépenses de l’assurance maladie. Je pense en particulier aux indemnités journalières, plus de 11 milliards d’euros chaque année hors congés de maternité, ou au transport médicalisé, qui représente une dépense de plus 5 milliards d’euros chaque année. L’Ondam annoncé sera-t-il par ailleurs tenu face à la crise constatée au sein des hôpitaux ? Ce sera bientôt, me semble-t-il, l’actualité de la commission des affaires sociales.

Le texte confirme la non-compensation par l’État d’un certain nombre de dispositions ayant un impact sur les comptes sociaux, dont les mesures d’urgence économiques et sociales. Certaines de ces dérogations à la loi Veil, si modestes soient-elles – je pense notamment aux exonérations visant les jeunes entreprises innovantes ou les indemnités de rupture conventionnelle des fonctionnaires –, démontrent bien que la logique sur laquelle reposent ces transferts de financement reste confuse et se révèle inadaptée aux difficultés que rencontrent par ailleurs les comptes sociaux. Elles traduisent une lecture à géométrie variable par le Gouvernement de sa propre doctrine, telle qu’il l’avait définie en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

La volonté affichée de clarifier les relations financières entre l’État et la sécurité sociale ne résiste pas à celle de minorer l’effet pour le budget de l’État de nouveaux dispositifs plus ou moins coûteux. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 privilégie de fait la confusion et la gestion à vue par rapport à la rationalisation, qui avait pu susciter un certain consensus.

Je ne suis bien entendu pas hostile à l’idée que l’État puisse bénéficier du retour à meilleure fortune de la sécurité sociale et limite donc les compensations. Cependant, si cette option pouvait s’entendre en 2018, elle est aujourd’hui à rebours de la réalité des comptes sociaux. Faute de recettes nouvelles, le PLFSS table sur une stabilisation de leur montant en 2020. Celle-ci relève cependant pour partie du faux-semblant, en se cantonnant à supprimer les rétrocessions à l’État de fractions de TVA et de CSG d’un montant de 3, 1 milliards d’euros votées l’an dernier et à majorer la fraction de TVA versée à la sécurité sociale, qui atteindra plus de 50 milliards d’euros. Aucune réflexion n’est véritablement engagée pour réduire le coût des niches fiscales, estimé à 90 milliards d’euros.

Je relève en outre que le financement de la sécurité sociale ne repose plus aujourd’hui que pour moitié sur les cotisations sociales. De fait, madame la ministre, je m’interroge à titre personnel – mes propos n’engagent pas la commission des finances – sur la pertinence du maintien d’une loi spécifique pour le financement de la sécurité sociale : aujourd’hui, on ne sait plus très bien qui doit quoi et à qui. À mon sens, une réflexion pourrait être engagée pour n’avoir plus qu’une seule loi de finances, avec – pourquoi pas ? – un grand ministère de la sécurité sociale et de la santé.

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