Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 était très attendu par les professionnels de santé et paramédicaux mobilisés et en grève depuis six mois. Ils seront d’ailleurs de nouveau dans la rue le 14 novembre.
Mes collègues du groupe CRCE et moi-même serons à leurs côtés, car leurs revendications sont légitimes.
Mais voilà, madame la ministre, vous refusez d’affronter Bercy et de changer de cap ! Vous poursuivez les exonérations de cotisations et remettez ainsi en cause les fondamentaux de notre protection sociale, née du programme du Conseil national de la Résistance.
Nous craignions les attaques de la réforme des retraites, mais finalement vous n’en avez jamais assez, surtout quand il faut prendre aux familles, aux salariés, aux retraités, aux jeunes et aux plus fragilisés. On pourrait parler de boulimie !
Vous avez décidé de vous attaquer comme jamais au secteur de la santé, bien que celui-ci ait déjà souffert ces dernières années. Là, pour 2020, c’est le coup de massue : l’hôpital public va servir de variable d’ajustement à votre budget, avec un objectif de croissance de l’Ondam à 2, 3 % en 2020, alors que vous savez pertinemment que celui-ci devrait être à 4, 5 %.
Les services d’urgence et de nombreux SAMU traversent une crise grave, très grave. Ils multiplient les grèves et les 4, 2 milliards d’euros d’économies sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les personnels hospitaliers. Ils sont en souffrance, en raison du manque de moyens en personnel ; ils ne veulent plus travailler dans des conditions indignes, pour eux-mêmes, mais surtout pour la qualité des soins aux patients.
Et votre seule réponse, madame la ministre, est de fixer une progression de l’Ondam à 2, 1 % pour l’hôpital, en dessous de l’évolution naturelle des dépenses de santé. Décidément, quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage !
Et ce n’est pas votre réforme du financement des hôpitaux de proximité qui va changer la donne. Vous aurez beau jeu de déplacer les services pour mutualiser toujours davantage les moyens. Les malades, eux, ne déménagent pas avec les hôpitaux !
Vous allez donc éloigner encore davantage les services de santé des populations, qui n’arrivent déjà plus à trouver un médecin de ville et des médicaments.
L’obligation pour les industriels de constituer un stock de sécurité de deux à quatre mois sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et les sanctions contre les laboratoires pharmaceutiques en cas de pénurie du médicament, prévues par ce PLFSS, vont dans le bon sens, mais elles arrivent trop tardivement par rapport à la crise que connaissent les malades.
Il n’est pas normal que, en France et en Europe, la puissance publique ne soit plus en capacité de produire des médicaments, d’autant que nous disposons, dans les pharmacies des hôpitaux, notamment à l’AP-HP, d’un savoir-faire à valoriser. Les hôpitaux ont tendance à délaisser leurs pharmacies pour assurer d’autres financements essentiels comme les investissements et les travaux de rénovation.
Sur ce sujet, vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale un amendement visant à offrir aux établissements de santé une visibilité pluriannuelle, et non plus seulement annuelle, sur l’évolution de leurs ressources financières. Mais si c’est pour leur dire que les caisses resteront vides pendant trois ans, à quoi cela sert-il ?
L’État doit arrêter de se défausser sur la sécurité sociale et assumer les travaux de rénovation et de modernisation des hôpitaux publics.
L’État doit également assumer ses dépenses lui-même ! Les « gilets jaunes » se sont mobilisés, exprimant la colère populaire et le ras-le-bol face à la fin des services publics, aux fins de mois difficiles et aux petits salaires. Le président Macron a fait des annonces et mis en place des aides d’urgence pour répondre à cette colère, mais ce n’est pas au budget de la sécurité sociale de les supporter ! C’est au budget de l’État que doivent être imputées les dépenses légitimes liées aux « gilets jaunes ».
Ce sont 3 milliards d’euros que vous prenez à tous les services de santé pour les donner aux autres salariés. La colère des uns ne peut pas se régler par un tour de passe-passe qui consiste à déshabiller les infirmiers, les aides-soignantes, les aides à domicile et les retraités, tous en lutte, pour habiller, très légèrement, certaines catégories de travailleurs pauvres.
Ce PLFSS est truffé de contradictions. Alors que, chaque année, 60 000 femmes doivent faire plus de quarante-cinq minutes de trajet pour se rendre à la maternité, plutôt que de maintenir les maternités de proximité et les services de maternité dans les hôpitaux de proximité, vous préférez les éloigner davantage et payer l’hôtel aux mères concernées.
Ce mécanisme est un non-sens pour les femmes enceintes, qui devront se rapprocher de la maternité quelques jours avant la date prévue de l’accouchement, alors que nous savons toutes que les accouchements ne se déclenchent pas quand on fait la réservation de sa chambre d’hôtel !
Ces contradictions sont trop nombreuses pour ne pas penser qu’il s’agit en réalité d’une volonté délibérée de faire des économies sur le dos des plus précaires, en réduisant les indemnités journalières pour les parents de familles nombreuses, ou encore en refusant de réindexer les pensions de retraite de 4 millions de retraités qui dépassent 2 000 euros par mois.
Nous savons que vous préparez le prochain mauvais coup avec la réforme des retraites. Si le PLFSS 2020 ne prévoit finalement aucune mesure s’y rapportant, la fusion des caisses au sein des Urssaf s’apparente bien à un test pour préparer la fusion des régimes dans le système de retraite par points.
En attendant votre future loi sur la dépendance, dont nous ne connaissons même plus la date, à force de la voir reportée, ce PLFSS prévoit pour 2020 une enveloppe de 405 millions d’euros pour les Ehpad. Je voudrais relativiser ces chiffres par rapport aux besoins actuels et à venir de nos aînés. Madame la ministre, nous avons déposé plusieurs dizaines d’amendements visant à supprimer la taxe sur les salaires ou à instaurer un moratoire sur les fermetures de lits et de services, etc.
En conclusion, votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 est très dangereux. Vous faites le choix de l’austérité contre l’humain et la santé. Vous faites le choix du libéralisme contre celui du service public.
L’argent existe, vous le savez, il est dans la poche de ceux que vous avez décidé de privilégier, ceux à qui vous faites des cadeaux depuis plusieurs mois et qui n’ont nullement besoin de plus pour l’hôpital public, puisqu’ils ne le fréquentent pas.
En plus d’être dangereux en l’état, votre projet de loi n’est pas fiable. Surprise de dernière minute : vous annoncez vouloir présenter, le 20 novembre, des mesures qui ne figurent pas dans le projet de loi. Nous nous apprêtons donc à discuter un budget incertain et donc insincère !
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas votre budget !