Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ce début d’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le contexte écrase presque le texte lui-même.

Le contexte, c’est la grande manifestation du 14 novembre, qui mobilisera médecins, chefs de service, infirmiers, internes, après l’émergence du collectif Inter-Hôpitaux dans le sillage du collectif Inter-Urgences. Le contexte, ce sont aussi les énièmes annonces du Journal du dimanche, qui interrogent vraiment sur le fonctionnement de l’exécutif, en particulier dans son rapport avec le Parlement.

Le 28 octobre dernier, le Président de la République se déclare bouleversé par la « souffrance au travail » de « nos infirmières, nos aides-soignantes et nos médecins, qui sont d’un dévouement incroyable ». Il promet une « réponse d’urgence » et précise : « Soyons clairs, il faut qu’on remette des moyens ! »

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, tout est dit, en matière de constat : des personnels médicaux et non médicaux désabusés et épuisés, qui quittent de plus en plus nombreux l’hôpital, une dégradation de la qualité des soins, une sécurité des patients menacée, une crise de l’hôpital public qui atteint un paroxysme insupportable. Est conforté le jugement d’une loi de financement « hors du temps », qui, avec une progression de 2, 1 % des crédits des établissements, ne répond pas aux exigences immédiates – vous le dites vous-même, madame la ministre.

Alors que l’hôpital traverse une crise sans précédent, le projet approuvé à l’Assemblée nationale accentue son asphyxie : ces dix dernières années, l’hôpital public, devenu depuis 2003 « l’hôpital-entreprise », a réduit de 8 milliards d’euros ses coûts, tout en augmentant de 14 % ses activités.

Vous annoncez, madame la ministre, un plan à venir, doté de moyens. La méthode interroge vraiment sur l’intérêt et la pertinence de nos débats à venir. Nous partageons bien évidemment les propos initiaux du rapporteur général.

Pour l’hôpital, le groupe socialiste et républicain proposera de réfléchir, dans le cadre de la discussion, à la présentation, dès le premier trimestre de 2020, d’une loi d’orientation et de programmation pour l’hôpital et notre système de santé garantissant des moyens pluriannuels pour stopper la crise sanitaire, répondre aux attentes des personnels et relancer un plan d’investissement massif.

« Ils vont tuer la Sécu » : cette phrase qualifie le plus simplement possible la décision de remise en cause du principe majeur d’autonomie, qui assure la pérennité du système social. L’État se doit de compenser à la sécurité sociale tous les allégements de cotisations sociales qu’il décide. Le Gouvernement fabrique et affiche ainsi un « déficit politique » qui rompt la trajectoire de rétablissement des comptes maintenue par tous les gouvernements depuis 2008. Il crée les conditions de discours inquiets, nourris d’idées reçues et de poncifs sur la viabilité de notre protection sociale.

La loi de programmation des finances publiques, dès 2017, annonçait le pillage des futurs et potentiels excédents de la sécurité sociale pour venir combler le déficit de l’État. En 2019, la sécurité sociale prend à sa charge une part du financement des mesures d’urgence, mais l’État ne compense plus les déficits liés à ses décisions politiques. Tous les efforts consentis depuis plusieurs années par les assurés sociaux ne serviront donc pas à dégager de nouveaux moyens pour l’hôpital, les personnes âgées et le maintien de l’autonomie ou encore l’accueil de la petite enfance. C’est une injustice totale. La dette portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale pourrait atteindre 47, 5 milliards d’euros en 2024.

Appelle encore une vive opposition le maintien d’une augmentation de 0, 3 %, bien en deçà de l’inflation, des pensions de retraite et d’invalidité supérieures à 2 000 euros bruts et des allocations familiales. Les familles et des retraités qui ne sont pas des nantis de notre pays verront leur pouvoir d’achat affecté, avec ce paradoxe que la sécurité sociale doit porter les conséquences des mesures « gilets jaunes », en n’assurant pas dans sa fonction fondamentale, assurantielle et de solidarité, le maintien du pouvoir d’achat de celles et ceux à qui elle s’adresse : les retraités et les familles.

Madame la ministre, nous approuverons plusieurs éléments du texte que vous nous présentez : l’indemnisation du proche aidant, le bilan de santé obligatoire pour les entrées dans l’aide sociale à l’enfance, l’usage médical expérimental du cannabis ou encore le forfait pour un parcours global post-traitement aigu du cancer.

Nous avons déposé des amendements dans le champ du médicament et des dispositifs médicaux, sur l’article 46 élargissant l’indemnisation des victimes de pesticides, ainsi que sur les missions des hôpitaux de proximité, dont la définition par étapes ne facilite pas vraiment la compréhension globale.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est dur : un texte qui renonce à l’équilibre des comptes sociaux, une frilosité des moyens donnés à la mise en œuvre de la feuille de route « Ma santé 2022 », un objectif de dépenses en total décalage avec la réalité de la crise de l’hôpital, une interrogation sur la dévalorisation du rôle du Parlement. Pourtant, 82 % des Français jugent tout à fait prioritaire le thème de la santé – c’est le résultat d’un sondage publié récemment dans le Journal du dimanche.

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