Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, construire l’État-providence du XXIe siècle serait l’objectif visé par le Gouvernement à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. La reconstruction du système de protection sociale est un vaste chantier, et le groupe Les Républicains espère avoir l’occasion, durant ces débats, d’ajouter sa pierre à l’édifice.
Je ne reviendrai pas sur l’équilibre financier du texte, qui a déjà été évoqué par ma collègue Corinne Imbert. À mon sens, il est dommageable de creuser le déficit de la sécurité sociale en raison de la non-compensation de la perte de recettes. La quasi-totalité des orateurs l’a rappelé. Comme a pu le souligner la Cour des comptes, un retour durable à l’équilibre financier ne peut être assuré par un simple décalage de quelques années.
Tout d’abord, je voudrais saluer les mesures proposées par le Gouvernement s’agissant des proches aidants et des personnes en situation de handicap, même si un doute persiste sur leur financement. S’y ajoutent l’intensification des recrutements dans les Ehpad, le forfait transport et mobilité pour les femmes enceintes habitant à plus de quarante-cinq minutes d’une maternité ou encore la création d’une agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires. Néanmoins, bien qu’essentielles, ces mesurettes ne sont pas suffisantes pour repenser durablement notre système de santé.
En effet, comme souligné plus tôt, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a provoqué davantage de déception que de soulagement. Je pense notamment aux membres du personnel hospitalier, aux retraités, aux acteurs de la chaîne du médicament, aux employeurs et aux salariés, ainsi qu’aux patients ne pouvant se procurer les produits prescrits par un professionnel de santé.
À cet égard, je souhaite évoquer devant vous l’article 34 du texte relatif à la pénurie de médicaments. J’en profite pour saluer les travaux de mes collègues Jean-Pierre Decool et Yves Daudigny sur le sujet. Madame la ministre, je m’adresse à vous en votre qualité de membre du Gouvernement, mais également en pensant à votre carrière de médecin. Comment pouvez-vous imaginer qu’en sanctionnant les industries de santé vous répondrez durablement aux tensions d’approvisionnement ?
En mai dernier, je vous ai ici même alertée sur la pénurie de cortisone. Mme Dubos m’avait répondu que « le retour à une disponibilité normale de ces médicaments dans les pharmacies d’officine ou hospitalières [était] attendu d’ici à la fin du mois de juin ». Nous sommes le 12 novembre ! Les patients, qui vont finir par cesser de l’être, si je puis me permettre cette boutade, sont parfois contraints d’aller en Belgique pour se procurer leur traitement. C’est ce qui se passe dans ma région, en tout cas.
Plutôt que de renforcer les sanctions à l’égard des industries de santé, il faut repenser la position des acteurs de la chaîne du médicament. Ces derniers dénoncent des coûts trop bas, ce qui les incite à cibler prioritairement le marché international. Il faut également revoir les contrôles de qualité, qui imposent des exigences auxquelles les industries n’ont pas les moyens humains et financiers de répondre.
En septembre dernier, vous posiez les thèmes principaux de votre plan de lutte contre la pénurie en indiquant que le résultat des premières mesures serait évalué en janvier prochain, date à laquelle prendront effet les sanctions à l’encontre des industriels. Permettez-moi de trouver confus le calendrier que vous déroulez. Mieux vaudrait apporter une réponse à l’urgence.
Par ailleurs, voilà un an, le Gouvernement était contraint de prendre des mesures d’urgence pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Certes, je me réjouis que vous vous soyez inspirée des initiatives sénatoriales portées par plusieurs de mes collègues, dont Olivier Paccaud, et un peu moi-même, mais aussi par le député Olivier Dassault. Cependant, je regrette que cette prime ne soit pas pérenne. En effet, aujourd’hui, vous proposez de reconduire cette mesure en faveur du pouvoir d’achat, alors que ses modalités d’application désincitent plus qu’elles n’encouragent les employeurs à valoriser le travail de leurs salariés.
Vous souhaitiez de la simplification – je pense notamment à la création de France Recouvrement. Pourtant, vous imposez aux employeurs la mise en place d’un accord d’intéressement pour permettre l’exonération de la prime exceptionnelle. Un devoir de sincérité s’impose : on ne peut pas se vanter de mesures en faveur du pouvoir d’achat tout en se cachant pour faire des économies. J’ai donc déposé, avec mes collègues du groupe Les Républicains, un amendement visant à supprimer cette condition d’accord d’intéressement. Il me tarde de pouvoir en débattre avec vous dans cet hémicycle.
Enfin, ma qualité de rapporteur spécial des crédits alloués à la recherche m’incite à m’intéresser à l’innovation thérapeutique.
Madame la ministre, vous déclariez devant mes collègues députés vouloir affirmer la présence de l’État social à chaque étape de la vie, ce sur quoi je suis pleinement d’accord avec vous. Participer à un programme thérapeutique innovant me semble être une étape de la vie non négligeable, étape qui peut paraître sombre, mais qui est aussi, convenez-en, une source d’espoir. Or l’article 30 du PLFSS prévoit un durcissement notoire de l’octroi d’une autorisation temporaire d’utilisation nominative. Par cette disposition, la France perd davantage en compétitivité sur ses voisins européens.
Ce constat m’invite à citer une étude menée par le Collège de France et démontrant que, pour 1 milliard de dollars investis, nous sommes passés de dix médicaments mis sur le marché en 1970 à un seul au début des années 2000. C’est la conséquence de la complexité croissante des procédures de mise sur le marché. En appliquant les dispositions de l’article 30, la situation risque de s’aggraver. Il ne faudrait pas que la sécurisation à l’excès empêche l’innovation thérapeutique en France.
Pour conclure mes propos, en faisant écho à ceux de ma collègue Catherine Deroche, je dirai que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas à la hauteur des enjeux rencontrés par les acteurs de santé et les ayants droit. Les mesures qui le composent s’interprètent politiquement et semblent être bridées par des considérations davantage économiques que sociales et médicales.
J’espère que, à travers ce temps d’échange qui s’ouvre, nous aurons l’occasion d’engager un véritable dialogue, comme nous avons pu déjà le faire lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité. Nous souhaiterions être mieux entendus par le Gouvernement, qui semble parfois hermétique aux propositions concrètes de notre chambre sur le système social.