Intervention de Corinne Feret

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose d’examiner un projet de loi, non pas de financement, mais de sous-financement, et même d’affaiblissement de la sécurité sociale Il y a de quoi être inquiet. Le budget de la sécurité sociale ne saurait être une variable d’ajustement de celui de l’État.

Tout naturellement, par voie de conséquence, ce PLFSS est, sur de nombreux points, loin d’être à la hauteur des attentes et des besoins. Cette semaine, nous évoquerons bien évidemment la situation, très critique, de l’hôpital et de ses urgences. Je souhaite pour ma part m’attarder sur le secteur médico-social et, particulièrement, sur l’aide à domicile. Une somme de 50 millions d’euros, seulement, lui est consacrée dans le PLFSS pour 2020. De nos jours, pour les personnes en perte d’autonomie, l’option privilégiée, parce qu’elle est aussi la plus abordable financièrement, reste le maintien à domicile. C’est le choix que font neuf Français sur dix.

Environ 830 000 personnes travaillent auprès des personnes âgées. Du fait de la seule évolution démographique, ce nombre devrait augmenter d’environ 20 % d’ici à 2030, sans tenir compte des hausses des effectifs qui seront nécessaires pour améliorer la qualité des prises en charge.

Il faut bien avouer que ces métiers de l’aide à domicile sont difficiles, compte tenu des publics à accompagner et des kilomètres à parcourir, notamment dans les territoires ruraux. Ils souffrent d’un déficit d’attractivité qui rend le recrutement particulièrement compliqué. De même, le manque de reconnaissance aggrave l’absentéisme et le taux de renouvellement du personnel. Dans le Calvados, mon département, où j’ai notamment reçu des représentants du réseau de l’ADMR, les professionnels du secteur sont confrontés à une inquiétante pénurie de personnel ; ils sont même parfois contraints de refuser des interventions.

La situation est très préoccupante et pose un véritable problème de société, pointé d’ailleurs dans le rapport de Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, remis en mars dernier. Celui-ci plaide pour un virage domiciliaire, préconisant un soutien financier de 550 millions d’euros pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, afin d’améliorer le service rendu aux personnes âgées et de revaloriser les salaires des professionnels.

Plus récemment encore, l’ancienne ministre Myriam El Khomri, dans son rapport ciblé sur l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie, dressait une série de constats partagés par tous les professionnels du secteur, notamment le morcellement des métiers, l’incapacité à recruter et le défaut de vocations. Elle y fixe, entre autres objectifs, celui de créer 18 500 postes supplémentaires par an d’ici à la fin de 2024, avec, in fine, des propositions qui s’élèvent à 825 millions d’euros par an.

Au regard de ce PLFSS pour 2020, on ne voit pas très bien comment vous trouverez ces moyens.

Votre projet de budget consacre le retour d’un trou de la sécurité sociale, avec 5, 4 milliards d’euros de déficit cette année au lieu des 700 millions d’euros d’excédent prévus voilà un an. Cela assombrit considérablement les perspectives d’avenir, alors que nous sommes dans l’attente de votre grande loi sur la prise en charge de la dépendance, bien évidemment conscients des coûts qu’elle engendrera. Le chef de l’État lui-même avait annoncé que cette loi serait discutée avant la fin de 2019. Il n’en sera rien, malheureusement. Il y a pourtant urgence, d’autant que les conseils départementaux, qui, bien souvent, versent les aides permettant de financer ces emplois et ces activités dans les territoires, sont exsangues et n’ont plus de levier fiscal.

Ce PLFSS pour 2020 pourrait permettre d’amorcer la prise en compte des enjeux du vieillissement et la prise en charge de l’épineuse question de la dépendance. Il devrait engager une transformation en profondeur de notre système, dont le domicile deviendrait le pivot. Or cet aspect est encore et toujours le parent pauvre de votre budget. Cela n’est plus tenable. Les prestataires de santé à domicile réclament non seulement un vrai statut, pour être enfin pleinement reconnus par leurs homologues professionnels de santé, mais aussi un soutien financier. À l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire, ce budget offre pourtant la perspective d’un quasi-statu quo.

Madame la ministre, en juin dernier, dans sa déclaration de politique générale devant la Haute Assemblée, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait annoncé que ce PLFSS serait la première étape d’une grande réforme de la prise en charge du grand âge, elle-même le grand marqueur social du quinquennat. Pour le moment, vous refusez d’aborder véritablement ces questions, sous prétexte qu’un projet de loi serait en préparation. Je préférerais pour ma part que nous profitions de ce texte pour faire avancer les choses. Sinon, dans les semaines et mois qui viennent, qu’allez-vous nous demander, si ce n’est de débattre d’un plan, d’une loi sur le grand âge et l’autonomie dont les dispositions ne seront pas financées ? Cela n’aurait pas de sens.

Nous ressentons tous l’urgence qu’il y a à répondre à la détresse de celles et ceux qui perdent leur autonomie et aux inquiétudes de leurs proches. Nous devons apporter des solutions, et ce dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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