Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Olivier Dussopt :

Je vais essayer d’apporter quelques éléments de réponse aux différentes interventions, notamment sur les questions de compensation financière, de relations financières entre l’État et la sécurité sociale, ainsi que sur les questions d’endettement, avant que Mme la ministre ne revienne sur ce qui est le cœur du PLFSS, à savoir les prestations servies à nos concitoyens et l’amélioration du système de protection sociale.

Concernant les compensations – je sais que nous aurons de nouveau ce débat à l’article 3 –, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne marque pas une rupture. Nombreux sont celles et ceux qui ont évoqué la loi Veil, en rappelant le principe de compensation des exonérations accordées par l’État. Ce principe n’a pas toujours été respecté, c’est le moins que l’on puisse dire, puisque, année après année, sur une période longue, quasiment depuis le vote de cette loi, de nombreuses mesures n’ont pas été compensées. Avec la loi de programmation et le PLFSS de l’an dernier, nous avons fait en sorte de revenir à ce principe, que l’on qualifie parfois, de manière un peu familière, de « chacun chez soi ».

Pour faire écho à l’intervention de Mme Cohen lors de la défense de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je souligne qu’il ne faudrait pas laisser penser – je ne pense pas que tel soit votre objectif, madame la sénatrice – que l’État ne compenserait absolument aucune exonération. Certes, le train de mesures est évalué à 2, 8 milliards d’euros, mais d’autres mesures d’allégement font l’objet d’une compensation intégrale. Les allégements généraux, que vous avez cités à plusieurs reprises et qui représentent plus de 51 milliards d’euros, font, eux, l’objet d’une compensation intégrale par l’État grâce à un transfert de TVA.

Vous avez été nombreux à pointer que le contexte a changé. En 2019, nous avons constaté un déficit de 5, 4 milliards d’euros, dont 2, 8 milliards d’euros liés aux mesures d’urgence économiques et sociales. Reste que, pour une part non négligeable, à savoir un peu plus de la moitié, ce déficit est lié à une dégradation des hypothèses macroéconomiques. Nous en tenons compte dans ce PLFSS. Ainsi, nous supprimons les transferts qui avaient été prévus vers la Cades et vers l’État à compter de 2020. Il s’agit donc de 3 milliards d’euros qui vont rester dans les caisses de la sécurité sociale pour tenir compte de ce contexte et participer au redressement des comptes sociaux.

Je voudrais souligner que les mesures prises au titre de l’urgence économique et sociale bénéficient principalement à ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin. Je pense notamment à l’exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires, qui se traduit par un gain moyen de pouvoir d’achat de 450 euros par an. Il faut avoir en tête que les deux tiers des ouvriers et 46 % des employés réalisent des heures supplémentaires, contre seulement, si je puis dire, 20 % des cadres. Je vous rappelle que cette mesure a aussi été étendue aux agents publics, qu’ils soient titulaires ou contractuels.

Nous avons pris la décision de réindexer les pensions de moins de 2 000 euros sur l’inflation. Concrètement, un retraité qui perçoit une pension de 1 500 euros par mois retrouve ainsi 338 euros de pouvoir d’achat ; un retraité qui perçoit une pension de 1 900 euros retrouve, lui, un pouvoir d’achat de 428 euros.

Au total, je l’ai dit, ces mesures représentent un peu moins de 17 milliards d’euros. Le budget de l’État en porte plus de 14 milliards, et, effectivement, 2, 8 milliards sont portés par la sécurité sociale. Nous avons souhaité ainsi répartir l’effort en fonction de la nature des mesures, en ayant en tête, aussi, que le budget de l’État présente un déficit qui tangente les 100 milliards d’euros. Nous serons, pour l’année 2019, à environ 97 milliards d’euros, annonce faite la semaine dernière en commission des finances à l’occasion du premier examen de la loi de finances rectificative. Pour la sécurité sociale, nous avons une prévision à 5, 1 milliards d’euros, soit un peu moins que le niveau constaté en 2017.

Vous avez également soulevé trois interrogations auxquelles je souhaite répondre.

Les principes d’autonomie financière de la sécurité sociale et d’affectation de recettes spécifiques, à savoir les cotisations, à la sécurité sociale sont la base du système d’assurance collective et solidaire.

Le premier principe est respecté. Le budget autonome de la sécurité sociale est examiné dans un seul et même texte, distinct du budget de l’État : le PLFSS dont nous débattons à partir de ce jour. Si, effectivement, il y a eu un certain nombre de débats pour évoquer la fusion de ces deux textes, il n’est en plus question. Les choses sont claires : le PLFSS détermine le budget de la sécurité sociale et a vocation à continuer à le faire.

S’agissant du second principe, c’est-à-dire les ressources affectées à la sécurité sociale, permettez-moi de souligner, peut-être pour relativiser ou nuancer les affirmations que j’ai pu entendre, qu’il n’est plus respecté depuis plusieurs années pour une part non négligeable des recettes. Cela étant, j’ai déjà évoqué les 50 milliards d’euros de compensation des allégements généraux, auxquels il faut y ajouter non seulement 5 milliards d’euros de crédits budgétaires compensant des exonérations ciblées, mais aussi quelques milliards de fiscalité affectés à la sécurité sociale au titre de tel ou tel dispositif.

Je termine par les deux autres questions.

S’agissant de la dette sociale, que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a évoquée en commission et aujourd’hui, en séance publique, je voudrais rappeler que les deux tiers ont été à ce jour apurés, alors que la dette publique se stabilise autour de 98 %. Il importe de le souligner, car cela garantit, à terme, la soutenabilité de notre système de protection sociale.

La résorption de la dette sociale est une priorité, car nous refusons de léguer aux générations futures un système déséquilibré. À court terme, j’y insiste, il n’y a pas de difficulté pour la gestion de la dette par l’Acoss. Elle a été financée en 2018, avec un taux moyen annuel négatif de 0, 65 %, et nos perspectives pour 2019, comme pour 2020, sont favorables, puisque nous anticipons encore des taux légèrement négatifs, ce qui est rassurant, car de nature à garantir à l’Acoss un traitement tout à fait soutenable de cette dette. Le plafond maximal d’emprunt de cet organisme n’augmenterait que de 1 milliard d’euros en 2020, malgré un déficit de plus de 5 milliards d’euros, grâce à l’optimisation de la gestion de trésorerie.

Par ailleurs, la Cades aura remboursé 16 milliards d’euros de dette en 2019 et 16, 7 milliards d’euros en 2020, alors que le déficit est prévu à hauteur de 5 milliards d’euros sur les deux années. Il y a donc un effort de désendettement trois fois plus important que les déficits. Nous pouvons nous en féliciter, car c’est un gage de respect de sa trajectoire d’apurement.

Je me retrouve dans les affirmations d’un certain nombre d’entre vous, à savoir que la dette de l’Acoss devrait s’élever, d’ici à 2022, à 40 milliards d’euros. Je le répète, elle est soutenable, mais nous devons la financer et veiller à son apurement. Pour ce faire, nous pourrions envisager son transfert à la Cades, comme c’est parfois préconisé, mais il ne pourra se faire que par une disposition de loi organique. Nous pourrions aussi, et c’est une option que le ministère de l’action et des comptes publics porte évidemment en priorité, faire en sorte de travailler à des économies pour permettre le financement et la résorption de cette dette.

Nous allons avoir ce débat, que nous devons faire en sorte d’articuler avec les nouvelles perspectives que le Conseil d’orientation des retraites devra nous donner. En effet, vous le savez, le Gouvernement a saisi ce conseil pour qu’il puisse travailler sur différentes hypothèses et, ainsi, nous accompagner dans la préparation de la réforme systémique qui a été évoquée à plusieurs reprises.

Veuillez me pardonner, mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère un peu décousu de mes propos, mais je veux terminer par une précision à l’attention de M. le rapporteur Joyandet et d’autres sénatrices et sénateurs. À plusieurs reprises a été évoquée la question des niches sociales. Nous sommes évidemment ouverts à un travail d’optimisation, d’amélioration et d’évaluation de l’efficacité des niches sociales. Nous aurons l’occasion de nous exprimer à ce sujet pendant le débat.

J’ai entendu dans la bouche de plusieurs d’entre vous le montant de 90 milliards d’euros. J’appelle votre attention sur le fait que cette somme correspond à l’estimation que fait la Cour des comptes du total des niches sociales, qui comprend les taux réduits de CSG. Or je pense que personne ici n’a pour objectif de revenir sur ce dispositif. Si nous défalquons le montant correspondant aux taux réduits de la CSG des niches sociales identifiées par la Cour des comptes, nous sommes non pas à 90 milliards d’euros, mais à un peu plus de 60 milliards d’euros. Certes, c’est une somme considérable, mais il faut la ramener à sa juste mesure par rapport à la somme communément avancée par les uns et par les autres.

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