Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2010 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les finances publiques, sujet complexe et technique, prennent, avec la crise internationale, une dimension politique essentielle. Ainsi, depuis plus de six mois, les débats budgétaires ne cessent de se succéder. Entre les rendez-vous traditionnels et ceux qui sont imposés par les turbulences de la crise, nous avons examiné pas moins de quatre projets de loi de finances rectificative depuis novembre dernier !

Aujourd’hui, nous tentons de préparer un budget pour 2010 dans un contexte d’une difficulté inconnue. En effet, jamais l’état de nos finances publiques n’a été aussi dégradé. Dans cette situation préoccupante, considérant la très faible visibilité à court, à moyen et à long terme, il est particulièrement ardu d’apporter des réponses.

La situation est particulièrement délicate, puisque, pour la première fois depuis 1945, notre pays devrait connaître cette année une croissance négative de 3 %. Espérons que cette dernière se hissera à 0, 5 % en 2010. Compte tenu de tels déficits et de la baisse très forte des recettes fiscales, les marges de manœuvre du prochain exercice budgétaire seront quasi inexistantes. De plus, à la crise conjoncturelle se juxtapose une crise structurelle où un État boursouflé s’épuise à cacher son incapacité à s’adapter à un contexte mondial nouveau, tout en gérant une société conservatrice.

La cause principale de la crise est un endettement accéléré sur les dix dernières années. M. le rapporteur général, employant une image poétique qui souligne d’ailleurs l’apathie des gouvernements successifs, a évoqué le « monde étrange des déficits sans pleurs ». Dire que nous sommes le troisième État le plus endetté de la zone euro, avec une dette publique qui risque de se stabiliser à près de 100 points de PIB et un déficit public supérieur à 7 points de PIB, me semblerait cependant plus approprié pour décrire la réalité. Toujours est-il que le désendettement des acteurs économiques prendra beaucoup de temps.

L’État réalise des efforts, mais il est condamné à en faire encore davantage. L’effort ciblé et temporaire mis rapidement en place s’illustre par le plan de relance engagé par la France. Celui-ci est judicieusement axé sur les investissements. Néanmoins, quand serons-nous en mesure d’avoir un retour sur ceux-ci ? Contrairement à nos voisins, mais à l’instar de la Grande-Bretagne, nous avons orienté ce plan essentiellement sur l’année 2009. Les résultats en seront-ils plus rapidement perceptibles ?

Nous connaissons la difficulté de votre tâche, monsieur le ministre. Votre choix de privilégier l’investissement plutôt que la consommation fut de toute évidence le bon, malgré la forte augmentation du chômage.

La consommation se tient en raison des divers garde-fous sociaux et des différentes allocations que vous avez accordées aux ménages les plus fragiles. Au-delà de l’aspect social, celles-ci leur ont permis – espérons-le pour une majorité d’entre eux – de ne pas sombrer dans un découragement contagieux. Compte tenu de la forte propension de nos compatriotes à épargner – la Chine mise à part, la France constitue une exception dans l’économie mondiale avec un taux d’épargne de 15 % –, les ménages font face relativement bien à la crise. La TVA liée à la consommation représente 61 % de cette recette et résiste donc bien.

Il n’en va pas de même pour les recettes résultant de l’activité économique. Pour maintenir celle-ci, vous ne pouviez pas faire beaucoup plus que garantir les dépôts des ménages auprès des banques et inciter ces dernières, grâce à l’action des médiateurs, à tenir des lignes de crédit aux entreprises.

Les entreprises françaises sont en effet en mauvais état : elles perdent de leur compétitivité, elles suppriment des emplois et contribuent deux fois moins aux recettes de l’État dans le cadre de l’impôt sur les sociétés, dont les rentrées ont diminué de plus de 50 % en un an. On estime la baisse de leurs investissements à 9, 4 % en 2009 et à 1, 2 % en 2010 avec une chute de l’ordre d’un tiers des achats de logements neufs par les ménages.

La situation financière des collectivités est également en dégradation constante : à la fin de 2008, le déficit de ces dernières a atteint 7, 5 milliards d’euros avec un endettement global de 113 milliards d’euros. Ce montant est certes faible en regard de l’endettement de l’État, qui s’élève à plus de 1 000 milliards d’euros. Néanmoins, avec le déficit des collectivités territoriales, c’est aussi l’endettement de la France qui augmente.

Le Premier président de la Cour des comptes a indiqué que la dette des administrations publiques locales représente environ 10 % de la dette publique. L’état des finances locales est d’autant plus inquiétant que, en 2008, nous avons assisté à une augmentation des dépenses et à un tassement des recettes de fonctionnement.

Les collectivités subissent d’importantes pertes de recettes en raison du ralentissement de l’activité immobilière, qui vient fortement réduire les droits de mutation – de 30 % à 40 % dans certains départements –, entraînant une sérieuse diminution des recettes. Quelle sera la situation à la fin de 2009 ? L’activité sur le marché immobilier restant faible, les droits de mutation le seront tout autant. Les recettes des collectivités diminueront et leurs dépenses sociales, qui concernent au premier plan les départements, exploseront.

La prochaine réforme de la taxe professionnelle, bien que souhaitée par les entreprises, doit impérativement faire l’objet d’une juste et intégrale compensation financière pour les collectivités territoriales. Dans ce domaine, le Sénat devra jouer son rôle. La compensation sera bien sûr versée par l’État, ce qui implique de trouver de nouvelles ressources évolutives sans porter atteinte au principe d’autonomie financière des collectivités.

Dans ce contexte de déficit, la question centrale reste donc celle des recettes fiscales. Comme je le soulignais hier, il est urgent de relancer leur dynamique, tant par les entreprises que par les ménages, sans alourdir l’impôt. Or nous avons fort peu de gisements de ressources. Le plus important reste celui des niches fiscales. Il en existe plus de 400 et nous évaluons le manque à gagner entre 50 et 70 milliards d’euros. Dans la mise en place de dispositions tendant à plafonner certaines de ces exceptions fiscales, un grand pas a été franchi l’année dernière avec la loi de finances pour 2009. Pour 2010, cette piste doit être poursuivie. Peut-on imaginer que l’on en récupère 50 % d’ici à la fin de la législature ?

Je dirai maintenant un mot de la fonction publique dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. On estime l’économie réalisée avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux à près de un milliard d’euros annuel, somme à laquelle s’ajoutent les dépenses de fonctionnement inhérentes aux postes. Je rappelle à nouveau les propos du Président de la République qui soulignait que l’État, en France, dépensait proportionnellement 150 milliards d’euros de plus que l’Allemagne sans que les citoyens s’en trouvent mieux servis.

Nous ne sommes pas un îlot de déficit dans un monde prospère. Les États-Unis ont des déficits publics situés entre 10 % et 13 % de leur PIB et l’épargne des ménages y est nulle, comme en Grande-Bretagne où l’épargne des entreprises est souvent négative.

Avec Jean de La Fontaine, je dirai : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » ! Un chômage dépassant les 10 %, une perte de recettes fiscales de 30 milliards d’euros, des droits de mutation en baisse de plus de 30 %... J’arrête là cette énumération. Ce paysage cataclysmique touche aujourd’hui tous les acteurs économiques, mais, demain, ces chiffres peuvent être inversés.

Soyons optimistes pour l’évolution de la crise. Imaginons que, en 2012, elle soit derrière nous et que les entreprises voient leurs carnets de commandes remplis, que l’immobilier soit relancé et que les droits de mutation suivent par conséquent, que les collectivités aillent mieux, que les Français consomment. Mais qu’en sera-t-il de l’État ? Comment fera-t-il face à une dette qui dépassera sans doute 80 % du PIB et à une charge induite augmentant en proportion ?

Le budget prépare l’avenir, mais pas uniquement à court terme. Le plan de relance s’inscrit dans le court, le moyen et le long terme. Monsieur le ministre, comment préparez-vous la sortie de crise ? Quand pouvons-nous escompter réintégrer les critères de Maastricht ? Y aura-t-il une action concertée des pays de la zone euro ? Y aura-t-il une initiative européenne ?

Toutes ces interrogations ont trait au moyen terme, mais on ne peut imaginer que les mesures prises aujourd’hui se résument à un sauve-qui-peut ; elles s’inscrivent dans le temps.

Suivons donc le conseil de Raymond Barre : « Un avenir, cela se façonne, un avenir cela se veut. » Demain se prépare aujourd’hui ! C’est en tout cas la certitude partagée par tous les membres du groupe du RDSE.

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