L’art de la politique est peut-être, comme pour la pédagogie, la répétition…
Il y a un an, le Gouvernement annonçait que la sécurité sociale dégagerait, après dix-huit ans de déficit, un excédent en 2019. Nous y sommes : le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2019 sera de 5, 4 milliards d’euros. Pour 2020, le déficit prévisionnel est à peine réduit à 5, 1 milliards d’euros. Certes, la masse salariale est moins favorable que prévue, certes les dépenses des branches maladie et vieillesse sont plus élevées qu’attendues, mais, surtout, les mesures adoptées dans le cadre de la loi Mesures d’urgence, en décembre dernier, pèsent pour près de 2, 7 milliards d’euros et ne sont pas compensées par le budget de l’État.
En refusant de compenser par les crédits du budget de l’État les conséquences de ses propres choix fiscaux, le Gouvernement déroge à la loi Veil de 1994, qui avait instauré une sorte de règle d’or – le président de la commission des affaires sociales l’a bien exprimé cet après-midi –, selon laquelle « toute mesure d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État ». Vous organisez – le terme a déjà été utilisé – une sorte de pillage de l’édifice social issu des ordonnances de 1945, qui est non pas le produit d’un monde ancien, mais un édifice de valeurs : la solidarité, la justice, dont découle l’autonomie de la sécurité sociale.
À l’aube du retour à l’équilibre de la sécurité sociale, Bercy – c’est ainsi que l’on s’exprime – fait peu de cas de son autonomie, accroît son emprise et prépare la captation des excédents potentiels des années suivantes. Comment ne pas percevoir l’orchestration politique de ce déficit, que l’on crée pour le déplorer et pouvoir poursuivre une politique d’austérité ? Quelle sera la prochaine étape ? La fongibilité totale du budget de l’assurance maladie dans celui de l’État ? Hier, il nous a été indiqué que cette perspective n’était pas réelle ; nous osons l’espérer…