…à laquelle s’ajoutera une charge résiduelle d’au moins 6 milliards d'euros due à la future compensation de la taxe professionnelle.
Lors de son audition au Sénat, M. Séguin estimait qu’il était urgent de trouver 70 milliards d'euros d’économies pour endiguer le déficit structurel. Nul doute que ces 39 milliards d'euros gaspillés indûment y contribueraient efficacement !
Il est aussi possible de chercher du côté des niches fiscales, car ces exonérations, déductions ou réductions diverses occupent aujourd'hui une place considérable dans les politiques publiques. Leur nombre a été estimé en 2008 à 483, soit un manque-à-gagner pour l’État de 73 milliards d'euros, ou 27 % des dépenses et 21 % des recettes fiscales. La perte de recettes qu’elles génèrent s’élève au total à 3, 8 % du PIB. Or, malgré les critiques unanimes, une quinzaine de niches fiscales sont créées chaque année.
Si l’on additionne les 39 milliards d'euros d’allégements et les 73 milliards d'euros de niches fiscales, mes chers collègues, on aboutit à un total de 112 milliards d'euros, que l’on peut aisément rapprocher du déficit annoncé pour 2009. C’est un chiffre effrayant à lui seul, et le constat est accablant.
Néanmoins, il y a plus grave, me semble-t-il. En effet, si la politique menée par le Gouvernement avait un sens sur le plan économique, si elle était efficace et produisait des effets positifs, nous pourrions, même en désaccord sur la perception des choses, convenir de ses bienfaits. Mais en l’occurrence, c’est loin d’être le cas, car cette politique fondée sur un idéologique, sur une certaine doctrine de l’offre, révèle ses limites.
Quelles intentions et quelle stratégie nous a-t-on annoncées ? Depuis 2003, on nous disait qu’il fallait moderniser l’État devenu impotent, baisser les prélèvements pour libérer les énergies, attirer les investisseurs afin de retrouver le chemin de la croissance. Le Gouvernement affirmait que la politique fiscale et sociale de la France était un fardeau pénalisant et qu’il fallait mettre fin à l’exode des capitaux pour une fiscalité attrayante.
Cette promesse faite par M. Sarkozy devant l’université d’été du MEDEF en 2007 est sans doute le péché originel de toute la politique économique menée depuis deux ans. Ce que l’un de nos collègues, sur les travées de l’UMP, qualifiait de « cocktail gagnant » s’est conclu par un échec cuisant qui n’a aucunement rendu plus compétitif le territoire national.
Ces baisses d’impôt avaient vocation à améliorer la croissance. Qu’en est-il aujourd'hui ? Les choses sont simples : le taux de croissance de la France, qui était au début des années 2000 supérieur à la moyenne européenne, est aujourd'hui inférieur à celle-ci. Les baisses d’impôt n’ont donc pas du tout produit les effets escomptés.
À ce sujet, une étude récente sur le comportement des contribuables dits « à fort potentiel économique », autrement dit les riches, montre que ceux-ci orientent leurs placements vers la rente – livrets, assurance-vie, immobilier – plutôt que vers l’investissement productif, forcément risqué. Un quotidien économique ne titrait-il pas récemment, monsieur le ministre : « Même les riches ont le blues » ? Ces derniers ne croient en effet plus à la politique économique du Gouvernement.
Le deuxième objectif visé était de rendre de la compétitivité à notre pays. « La France a une situation calamiteuse sur le plan fiscal, nous disait-on ; il faut attirer les investissements et empêcher que ne fuient à l’étranger un certain nombre d’investisseurs ».
À vrai dire, si l’on se fie aux études comparatives internationales – la dernière en date, celle d’Ernst & Young présentée récemment en commission des finances, l’établit clairement –, la fiscalité n’est en rien un argument dissuasif pour l’investissement et les choix d’implantation des investisseurs.
La situation est donc catastrophique, avec un déficit considérable, et le Gouvernement s’échine à poursuivre une politique qui ne produit pas les effets annoncés !
La situation de la dette mérite que l’on s’y penche sérieusement. En vingt-cinq ans, elle n’a cessé de croître, à l’exception d’une courte embellie de 1997 à 2002, quand la gauche gouvernait. À ce rythme, la dette devrait atteindre 86 % en 2010, puis 100 %, voire 130 % en 2020. Actuellement, un montant équivalent au produit de l’impôt sur le revenu est avalé par le remboursement des intérêts, qui représente 2 000 euros par actif ! Il faudra bientôt parler non plus d’effet boule-de-neige, mais d’un risque d’avalanche de niveau 5 !
Cette dette, aussi pharaonique soit-elle, aurait pu servir à préparer la France du XXIe siècle par des investissements dans les infrastructures utiles, dans la connaissance, la recherche et l’innovation. Malheureusement, le sous-investissement récurrent dans ces domaines mine les fondations du pays, notamment l’industrie et l’enseignement supérieur. Et ce n’est pas votre plan de relance qui a changé cet état de fait !
La dette provoque aussi des tensions sur la trésorerie de l’État, obligé de se financer sur les marchés.
Nous savons tous que cette situation dans laquelle vous avez mis la France depuis 2002 est impossible à tenir. Il faudra tôt ou tard relever les prélèvements obligatoires et réduire les dépenses. Deux voies s’offrent à vous : ou bien vous abrogez les privilèges consentis à quelques-uns, ou bien vous lancez un plan de rigueur en cassant le service public et la protection sociale.
Pour notre part, nous pensons que le plus urgent est de retrouver une politique de recettes conforme à l’idéal républicain de solidarité, en réhabilitant l’impôt progressif. Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte au pied du mur : vous devez changer au plus vite de cap pour ne pas entrer dans les manuels d’histoire comme le ministre d’un gouvernement ayant causé la banqueroute de notre pays !