Je m'exprimerai tout d'abord au nom de notre collègue Robert del Picchia, co-rapporteur du programme 185.
Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », les crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence s'élèvent à 718 M€, en légère augmentation, de 2,6 %, ce qui est la conséquence d'une hausse de la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Les réseaux de la diplomatie culturelle et d'influence sont touchés, comme l'ensemble du ministère, par la réforme des réseaux de l'État à l'étranger dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Une réduction de 5,5 % de la masse salariale est visée, plus raisonnable que la cible de 10 % envisagée l'an dernier.
Malgré ces restrictions budgétaires, des orientations majeures ont été fixées à la diplomatie culturelle et d'influence, posant la question de l'adéquation des moyens aux ambitions.
Dans un contexte d'intense concurrence, au niveau international, une dynamique nouvelle a été impulsée par le plan pour la langue française et le plurilinguisme présenté par le Président de la République le 20 mars 2018.
Il s'agit d'accroître l'attractivité de notre pays sur les plans tant éducatif que culturel, linguistique et universitaire. La diplomatie économique et la promotion des activités touristiques demeurent, par ailleurs, des priorités.
Le développement des réseaux d'établissements d'enseignement français à l'étranger est au coeur de cette dynamique.
La subvention à l'AEFE augmente de 24,6 M€ (+6%). Cette augmentation devrait être pérenne, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un rebasage de la subvention, non d'une augmentation ponctuelle. Pour la première année, elle ne fait toutefois que compenser, et encore partiellement, l'annulation de crédits que l'agence avait connu en 2017. La baisse des emplois sous plafond de l'agence se poursuit (-9 % depuis 2014).
Dans ce contexte, que penser de l'objectif de doubler les effectifs d'élèves scolarisés dans ces établissements d'ici 2030 ? - En premier lieu, on note une lente érosion de la part des enfants français scolarisés dans le réseau, qui est passée en cinq ans de 38 % à 35 %.
L'accès de nos compatriotes au réseau est essentiel au maintien du lien avec la France. Il facilite le retour des familles dans le système scolaire français ainsi que la transmission de la langue française aux nouvelles générations, y compris dans les familles qui ne reviendront pas s'installer en France.
Afin de faciliter l'accès des familles françaises à cet enseignement, il faudra privilégier les régions d'implantation de ces familles et mener une politique d'aides à la scolarité qui soit à la hauteur de la dynamique de progression du réseau et des effectifs. Ce n'est pas le cas dans ce budget 2020 puisque les aides à la scolarité stagnent (105 M€ inscrits au programme 151). Les droits d'inscription sont, eux, en constante augmentation. L'extension du réseau ne doit pas reposer sur un modèle purement privé, ce qui équivaudrait à un processus de labellisation. Il y aurait probablement une demande pour des écoles de ce type, mais au risque d'exclure une partie des familles françaises.
En deuxième lieu, le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger comporte l'annonce de 1000 détachements supplémentaires de personnels titulaires de l'éducation nationale dans le réseau à l'horizon 2030. Est-ce le nouveau départ, tant attendu, dans les relations entre les ministères de l'éducation nationale et des affaires étrangères ? Il est permis d'en douter.
Cet effort est, tout d'abord, insuffisant puisque l'on vise un doublement du nombre d'élèves avec seulement 11 % de détachements supplémentaires.
Ces détachements devront, par ailleurs, être optimisés grâce à un pilotage conjoint par les deux ministères concernés. Il faut sortir d'une gestion « au fil de l'eau » pour mener, au contraire, une véritable politique de ressources humaines, cohérente avec les priorités qui seront identifiées pour l'extension du réseau.
La croissance du réseau reposera essentiellement sur l'emploi de recrutés locaux, formés au sein de 16 nouveaux instituts régionaux de formation.
Une véritable transformation de la nature de l'enseignement français à l'étranger est donc en cours. Il faudra veiller à ne pas dénaturer profondément un réseau aujourd'hui reconnu dans le monde entier, qui est un vecteur majeur d'influence pour la France. Le maintien de la qualité de cet enseignement doit être une priorité.
Enfin, en troisième lieu, le développement du réseau, sur le plan immobilier, est freiné par des obstacles à l'emprunt qui doivent être levés.
En tant qu' « organisme divers d'administration centrale », l'AEFE ne peut pas emprunter à long terme. Cette limitation du recours à l'emprunt est une mesure de portée générale qui vise à limiter le gonflement de la dette publique.
L'AEFE fait donc appel à des avances de l'agence France Trésor, ce qui présente de nombreux inconvénients : ces avances sont irrégulières, doivent être consommées dans l'année, et sont remboursées sur des durées plus courtes que ce qui pourrait être obtenu par emprunt. C'est pourquoi il serait souhaitable que l'AEFE puisse recourir à l'emprunt auprès d'établissements de crédits.
Par ailleurs, un dispositif alternatif à l'association nationale pour les écoles françaises à l'étranger, l'ANEFE, doit être mis en place dans les meilleurs délais, pour permettre le recours des établissements à la garantie de l'État.
Lors de son audition, M. François Delattre, Secrétaire général du Quai d'Orsay, a fait part d'avancées récentes dans les discussions avec Bercy à ce sujet.
Jusqu'à l'été 2018, les établissements conventionnés et partenaires pouvaient en effet bénéficier d'un emprunt garanti par l'État par l'intermédiaire de l'ANEFE pour financer leurs travaux immobiliers. 160 projets ont ainsi été garantis dans 110 établissements en 40 ans. La suspension du dispositif par Bercy empêche actuellement une quinzaine de projets d'être financés.
En définitive, s'agissant de l'enseignement français à l'étranger, un nouvel élan est perceptible : un service d'accompagnement au développement du réseau a été mis en place au sein de l'AEFE, les critères et procédures d'homologation ont été simplifiés, la formation initiale des enseignants est en voie d'être améliorée, tant en formation initiale qu'en formation continue.
La croissance du réseau est déjà effective, avec 30 nouveaux établissements homologués à la rentrée 2019.
Le programme 185 est donc sous forte tension : réaliser les objectifs fixés, avec les moyens disponibles, constituera un défi.
Mais les orientations sont bonnes et méritent d'être encouragées. C'est pourquoi, avec Robert del Picchia, nous sommes favorables au budget de ce programme.