Intervention de André Vallini

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 novembre 2019 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence » - examen du rapport pour avis

Photo de André ValliniAndré Vallini, co-rapporteur :

La concurrence est, en effet, exacerbée. L'extension du réseau est bienvenue. Elle devra bien sûr être pérennisée et renforcée.

Je partage l'observation de notre collègue Hélène Conway-Mouret, concernant le hiatus entre l'augmentation du nombre d'établissements homologués et la stagnation des bourses attribuées aux élèves. C'est un vrai problème que nous soulignons dans notre rapport. Les bourses ne suivent pas la tendance à l'augmentation des effectifs.

S'agissant du réseau culturel et de l'Institut français, nous traitons ce point dans notre rapport écrit. La subvention à l'Institut français diminue de 6 %. Les relations avec les alliances françaises s'améliorent toutefois. Le conflit portant sur les bâtiments du boulevard Raspail est en voie de résolution.

Sur l'AEFE, je partage la réponse d'Hélène Conway-Mouret à Olivier Cadic.

Enfin, concernant l'ANEFE, François Delattre, secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nous a récemment assuré que les discussions avec Bercy étaient en bonne voie. Restons toutefois prudents, car, comme cela a été dit, le problème perdure.

Je poursuivrai maintenant avec mon propre rapport, pour compléter les propos que j'ai tenus au nom de notre collègue Robert del Picchia.

La diplomatie d'influence est l'un des piliers nécessaires de toute stratégique diplomatique au 21ème siècle, comme elle l'a d'ailleurs été auparavant dans l'Histoire.

Toutes les grandes puissances ont une stratégie d'influence. C'est plus que jamais nécessaire, à l'ère de la mondialisation et de la médiatisation de tous les enjeux internationaux. La langue et la culture sont non seulement des vecteurs de croissance économique mais aussi un moyen de diffuser nos valeurs, de faire connaître notre vision du monde et de lutter contre les manipulations et la désinformation.

Malgré l'insuffisance des moyens mis en oeuvre, la stratégie déployée par le gouvernement témoigne d'une conscience de ces enjeux.

L'un de nos points d'attention porte, au sein de ce programme 185, sur la nouvelle stratégie nationale d'accueil et d'attractivité des étudiants internationaux, intitulée « Bienvenue en France ».

La France est aujourd'hui le cinquième pays d'accueil des étudiants internationaux, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et l'Allemagne (qui fait jeu égal avec nous). Nous sommes suivis de près par la Russie et le Canada, qui ont des stratégies très offensives, de même que la Turquie dont le nombre d'étudiants internationaux a progressé de + 180 % en 5 ans (et la Malaisie : + 79 %, l'Arabie saoudite : +63 %).

Dans ce contexte, la stratégie « Bienvenue en France » vise à améliorer les conditions d'accueil et à renforcer notre attractivité auprès des pays émergents d'Asie et anglophones, tout en maintenant des liens forts avec les pays francophones, en particulier en Afrique.

Cette stratégie est notamment marquée par la mise en place de frais d'inscription différenciés pour les étudiants extra-communautaires, qui pourrait être remis en cause, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 2019. La portée de cette décision dépasse la seule question de l'accueil des étudiants étrangers, mais il nous faudra attendre son interprétation par le Conseil d'Etat pour être fixés quant à ses conséquences.

La stratégie d'attractivité des étudiants internationaux est fragile à de multiples autres titres :

D'une part, les moyens qui lui sont consacrés sont insuffisants.

Une politique d'exonération a permis de limiter les effets de la hausse des droits d'inscription. Ces exonérations sont toutefois supportées par le système universitaire, dans la limite de 10 % des effectifs (limite qui pourrait être rapidement atteinte). Par ailleurs, pour 2020, les crédits des bourses du programme 185 sont stables à 64,6 M€.

En dix ans (2008-2017), les crédits des bourses du gouvernement français (BGF) ont diminué de 43 %. Cette baisse s'est traduite, d'une part, par une réduction du nombre de bénéficiaires de bourses de 30 % et, d'autre part, par une baisse du montant unitaire des bourses de 18 %.

Par ailleurs, les crédits votés en loi de finances ne sont pas tous consommés. Ainsi, en 2019, les programmes 185 et 209 comportaient à eux deux 73,6 M€ de bourses destinés à être gérés par Campus France mais seuls 56,3 M€ ont été réellement confiés en gestion à l'opérateur, soit 76 %. Compte tenu de l'évolution déjà défavorable des crédits des bourses, il est impératif que les crédits inscrits en lois de finances à ce titre soient effectivement consommés. - D'autre part, comme l'a souligné un rapport récent de la Cour des comptes, le système de gouvernance de l'accueil des étudiants en mobilité est insatisfaisant : il relève de plusieurs administrations, dont les deux agences, Campus France et Erasmus+, les établissements d'enseignement supérieur ainsi que les postes diplomatiques. Il y a un manque de stratégie d'ensemble.

Cette politique des bourses doit être recentralisée et mieux pilotée, grâce à une articulation repensée entre les différents acteurs. Un rapprochement des deux agences doit être étudié. La politique des bourses doit devenir globalement plus visible, au plan international, par l'instauration d'une « marque » (autre que « bourse du gouvernement français ») avec des appels à candidatures mondiaux et un recrutement selon des critères unifiés.

Les questions de visas doivent être résolues. Il semble en effet qu'un certain nombre d'étudiants étrangers ratent la rentrée universitaire, en raison de retards dans l'attribution de ces visas. Ces retards constituent un obstacle à la réussite de ces étudiants et un facteur défavorable à l'image et à l'attractivité de la France.

Je terminerai en évoquant les moyens de la promotion du tourisme qui sont en baisse. Le 4ème Conseil interministériel du tourisme du 17 mai 2019 a demandé à Atout France d'importantes économies sur ses coûts de fonctionnement, c'est-à-dire principalement en termes de ressources humaines et d'immobilier.

Ces économies doivent s'élever, en 2020, à 4,4 M€ ce qui vient se cumuler avec une baisse de 10 ETPT du plafond d'emploi. Le déménagement du siège d'Atout France, ainsi que les relocalisations envisagées à New York, Sao Paulo et Tokyo, doivent générer à terme des économies de l'ordre d'1,8 M€.

La subvention pour charges de service public de l'opérateur passe de 32,7 M€ en 2019 à 30,9 M€ en 2020 (-6 %).

Mais le dynamisme du secteur touristique reste fragile.

Avec 90 millions de touristes internationaux en 2018, la cible de 100 millions en 2020 paraît difficilement atteignable.

Le premier trimestre 2019 a connu un repli, en partie en raison du climat social. Par ailleurs, le Brexit semble jouer négativement sur la fréquentation touristique britannique.

L'activité touristique est toutefois repartie à la hausse à compter d'avril.

Dans un contexte international très concurrentiel, la mise en oeuvre d'une politique de compétitivité spécifique est indispensable. Des rapprochements avec Business France peuvent créer des synergies positives. Des expérimentations sont menées en ce sens dans deux bureaux d'Atout France.

Mais la politique touristique doit continuer à être menée par un opérateur implanté à la fois au plan national et à l'étranger, bien identifié et reconnu par le secteur. C'est d'autant plus nécessaire qu'aucun ministre ou secrétaire d'Etat ne porte aujourd'hui cette mission dans l'intitulé de ses fonctions. Pour mémoire, le secteur touristique dans son ensemble représente près de 8 % du PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects en France.

En conclusion, les orientations de la diplomatie d'influence devront être confirmées dans le temps. Une accélération sera nécessaire dans certains domaines. Les moyens sont pour l'heure insuffisants, mais je vous propose néanmoins aussi d'encourager les évolutions en cours en émettant un avis favorable aux crédits 2020 de la diplomatie culturelle et d'influence.

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