Intervention de Delphine Batho

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 novembre 2019 à 9:5
Audition de Mme Delphine Batho ancienne ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Delphine Batho, ancienne ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je sais que la force d'intervention rapide a été mise en oeuvre de façon partielle et incomplète : non seulement elle n'a été mise en place que dans trois territoires, avec le partenariat des Aasqa, mais les outils de mesure et les types de mesures sont incomplets. On est dans une situation comparable à celle de 2012 : près de dix ans après la loi Bachelot de 2003, la moitié à peine des PPRT étaient établis et signés. Certes, il y a des raisons : le temps que prennent les études, la réduction des risques à la source, les enjeux financiers, etc., mais cela traduit tout de même un niveau de mobilisation anormal pour ce qui concerne les risques technologiques.

Vous avez évoqué le fait que les conclusions de ce rapport aient été mises de côté. Je me permets d'y insister, il y a là une spécificité liée à l'écologie et à l'absence de considération sur le fait qu'il s'enrichit d'un enjeu de sécurité de la population. L'appareil d'État ne fonctionne pas du tout de la même façon pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, certains aspects de la sécurité civile, la sûreté des centrales nucléaires, etc., c'est-à-dire tout ce qui est bien identifié comme des risques majeurs. Il est, à mes yeux, fondamental de le comprendre. Et cet état de fait ne vaut pas que pour les risques technologiques ; cela vaut aussi dans bien d'autres domaines qui impliquent des conséquences écologiques ou pour la santé humaine. Il s'agit d'une culture profonde de la relativisation.

Bien sûr, il y a dysfonctionnement, mais je vois bien là la tentation de chercher un lampiste, le nom d'un responsable que l'on pourrait sanctionner. Ce serait trop facile et nous passerions à côté du véritable enjeu. On met de côté l'information qui dérange ou celle qui demande trop d'efforts. Je maintiens l'expression de « culture de raison d'État industrielle ». J'ai été confrontée dans l'exercice de mes responsabilités au refus - ou à la résistance - d'un certain nombre de préfets de prendre des mesures destinées à faire cesser une pollution industrielle. Je l'ai vécu, c'est un fait incontestable. L'année dernière, en tant que parlementaire, j'ai posé une question sur le site Alteo à Gardanne et les boues rouges : j'ai demandé pour quelles raisons un arrêté préfectoral n'était pas respecté de façon officielle ; il n'y a pas de mise en demeure ni de suites judiciaires, ce qui me paraît anormal et me conduit à dire que l'État de droit n'est pas appliqué.

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