Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2010 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

En outre, le recours à l’endettement de court terme rend la France très vulnérable à une hausse des taux d’intérêt – je ne m’étends pas sur le sujet, sur lequel M. Jean-Pierre Fourcade s’est montré parfaitement clair –, qui pourrait survenir prochainement. Si nos déficits perdurent après la crise, le risque à terme est bien que la signature de la France perde de sa crédibilité. Nous en avons d’ailleurs discuté hier à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement.

Nous devrons garder à l’esprit cette réalité des chiffres lorsque nous examinerons la question du grand emprunt.

Devant un tel constat, comment ne pas être surpris, voire inquiets, en entendant le Président de la République préconiser devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles de s’endetter davantage pour résoudre le problème de la dette, et lancer l’idée d’un grand emprunt ? En d’autres termes, il est proposé de combler le trou en le creusant davantage. En effet, le grand emprunt, qui servira, nous dit-on, à financer « les priorités nationales », aura pour premier effet mécanique d’augmenter la dette et la charge d’intérêts sur celle-ci.

Si le chef de l’État a évoqué la « grave question des déficits de nos finances publiques », son discours à Versailles a donné le sentiment que la maîtrise des déficits publics et le désendettement n’étaient plus une priorité pour le Gouvernement et que, avec la crise, on pouvait au contraire rouvrir peu ou prou les vannes de la dépense.

Je crains également que, en lançant l’idée d’un grand emprunt national, le président n’ait en quelque sorte fait sauter un « verrou psychologique ». Je trouve cela très dommageable dans un pays où nombre de nos concitoyens pensent encore que les ressources de l’État sont inépuisables et que l’on peut dépenser sans compter. D’ailleurs, en ouvrant grand les vannes de la dépense publique et en faisant sauter la digue des 3 % de déficit, la crise a accrédité cette idée.

Pourtant, depuis la dernière campagne présidentielle – c’était voilà deux ans à peine –, au cours de laquelle plusieurs candidats, notamment un, avaient placé les dangers de l’envolée de la dette publique dans notre pays au premier rang des préoccupations nationales, j’avais le sentiment que beaucoup de nos concitoyens avaient pris conscience de la gravité de nos déficits et de notre dette publique. Sans parler d’un « parti de la dette », chacun prenait conscience du fait que nous laissions une ardoise de plus en plus grosse aux générations futures. Je crains que la crise et l’idée du grand emprunt ne viennent anéantir tous nos efforts en la matière.

L’idée que leurs enfants, voire leurs petits-enfants, auront à régler l’addition de nos dépenses inquiète beaucoup les Français. Le Président de la République évoque un emprunt pour « préparer l’avenir du pays ». Je ne suis pas sûr que les générations futures, qui auront à rembourser nos emprunts, aient à se réjouir de cette annonce.

Une telle fuite en avant dans le surendettement finit par devenir anxiogène. Plusieurs économistes ont décrit le mécanisme dans lequel la hausse de la dette incite les gens à moins consommer – il suffit de considérer le taux d’épargne actuel des Français – pour mettre de l’argent de côté en vue d’inéluctables hausses d’impôts. Si c’était le cas, on ne voit plus très bien ce qu’il resterait à la France pour alimenter sa croissance, puisque notre balance commerciale est en grave déséquilibre.

Pour justifier le recours à l’emprunt, le chef de l’État explique que, à chaque fois qu’une politique de rigueur a été menée, on s’est retrouvé avec moins de croissance, plus d’impôts, plus de déficits et plus de dépenses.

A contrario, si les déficits et la dette créaient de la croissance et permettaient de lutter contre le chômage dans notre pays, nous le saurions depuis longtemps. La France est l’unique pays industrialisé à ne pas avoir connu un seul excédent budgétaire depuis le milieu des années soixante-dix. M. Fourcade, qui a été le grand témoin de cet après-midi, fut le dernier ministre de l’économie et des finances à connaître un budget en équilibre, en 1975 !

L’addiction de notre pays au déficit ne l’a pas empêché de connaître une croissance nettement plus faible et un chômage beaucoup plus élevé que la moyenne.

Il faut rappeler une réalité qui semble avoir été oubliée depuis le discours de Versailles : en empruntant sur les marchés chaque année plus de 150 milliards d’euros, la France fait le grand emprunt tous les jours !

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