Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d’orientation des finances publiques offre l’occasion au rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse que je suis de faire un point sur les comptes de cette dernière.
Vous ne serez pas étonnés que je qualifie la situation de cette branche financière de préoccupante. En dépit de la réforme de 2003, son déficit n’a en effet cessé de se creuser depuis quatre ans, passant de 1, 9 milliard d’euros en 2005 à 5, 6 milliards d’euros en 2008. La branche vieillesse est aujourd’hui la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale.
Cette dégradation continue des comptes ne s’explique pas seulement par les facteurs démographiques que nous connaissons bien désormais : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie. Elle résulte aussi de la montée en charge du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, instauré par la loi du 21 août 2003. Depuis sa mise en œuvre, 560 000 retraites anticipées ont été accordées par le régime général. Cette mesure a coûté sans cesse davantage à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, sur la période 2004-2008, pour atteindre 2, 4 milliards d’euros en 2008, soit trois fois plus qu’on ne le prévoyait voilà cinq ans.
Fort heureusement, l’année 2009 devrait être marquée par une nette diminution des départs anticipés en raison des nouvelles conditions d’éligibilité au dispositif et des mesures réglementaires prises pour encadrer le recours aux arriérés de cotisations. Pour la première fois, le coût du dispositif pour le régime général diminuerait cette année, ce qui expliquerait, pour une modeste part, le ralentissement de la croissance des charges de la CNAV en 2009.
Pour autant, cette tendance n’empêcherait pas le déficit de la branche vieillesse de continuer à se creuser, puisqu’il atteindrait 7, 7 milliards d’euros cette année.
L’aggravation des comptes est d’autant plus inquiétante que les projections font état d’une dégradation financière accrue des régimes de retraite à l’horizon 2020-2050, principalement due au choc démographique. En conséquence, notre système de retraite devra faire face à un besoin de financement croissant, estimé à 24, 8 milliards d’euros pour 2020 et à 68, 8 milliards d’euros pour 2050.
Malgré la nécessité et l’urgence du retour à l’équilibre des comptes de la branche vieillesse, le rendez-vous de 2008 n’a apporté aucune réponse au problème du financement des retraites. Certes, il y a bien eu quelques avancées louables sur l’emploi des seniors ou la solidarité envers les retraités les plus modestes, mais des questions essentielles sont restées en suspens : le dossier de la pénibilité est bloqué et la hausse des cotisations vieillesse, qui devait être compensée par une baisse des cotisations chômage, a été reportée sine die.
Comme le Président de la République s’y est engagé devant le Congrès, le bilan d’étape de 2010 devra absolument déboucher sur des solutions pérennes à même de garantir la viabilité financière des régimes de retraite. Il ne doit pas être un rendez-vous manqué comme l’a été celui de 2008.
Les différents instruments de pilotage sont bien connus. Jusqu’à présent, le levier privilégié a été l’augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Celle-ci, actuellement de 40 annuités, sera de 41 annuités en 2012. La question qui se pose aujourd’hui est donc la suivante : cette durée ne doit-elle pas être portée à 42 annuités, voire à 43 ou plus ? Une telle réforme nécessite cependant de surmonter l’obstacle du dossier de la pénibilité. Les syndicats n’accepteront pas l’augmentation de la durée de cotisation si, parallèlement, la pénibilité au travail n’est pas prise en compte.
Une autre piste, de plus en plus souvent évoquée, est le report de l’âge légal de départ en retraite qui, en France, a été abaissé à soixante ans en 1983. Ce qui a été vécu, à l’époque, comme un progrès social entre aujourd’hui en totale contradiction avec les évolutions démographiques en cours. Alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, la période consacrée au travail au cours d’une vie est de moins en moins longue !
La logique voudrait donc que l’âge légal de départ en retraite soit repoussé, comme l’ont fait plusieurs pays européens. Mais l’utilisation de ce levier se heurte, en France, à un obstacle de taille : le taux d’emploi des seniors, qui se situe autour de 38 %, est l’un des plus bas des pays développés. Retarder l’âge de la retraite sans favoriser le maintien dans l’emploi des seniors aboutirait à créer des demandeurs d’emplois supplémentaires.
Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que l’augmentation de l’âge de la retraite ne peut à elle seule résoudre le problème du financement des régimes de retraite. Pour le régime général, le report à soixante-deux ans apporterait 6, 6 milliards en 2020, sur 13 milliards d’euros de besoins, mais seulement 5, 7 milliards sur un besoin total de 46 milliards d’euros en 2050. Il s’agirait en définitive d’une mesure de court terme.
C’est pourquoi, au-delà de la nécessité d’une nouvelle réforme paramétrique à brève échéance, il est indispensable de préparer l’étape suivante : réfléchir à d’autres modes de gestion de l’assurance vieillesse. Le pilotage actuel des régimes de retraite ne pourra en effet enrayer le mouvement de dégradation de la situation financière de la branche vieillesse ni proposer de solution solide face au défi démographique à l’horizon 2020-2050.
Cette situation rend impératif l’engagement d’une réforme de type structurel ou systémique, seule à même d’assurer la survie de notre système de retraite.
Un rapport sur ce sujet du Conseil d’orientation des retraites, le COR, commandé par le Parlement sur l’initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, sera rendu au début de l’année 2010. Il sera l’occasion d’engager un vaste débat public sur l’avenir des retraites.
Monsieur le ministre, certes, ce soir, je n’ai évoqué que la branche vieillesse, mais l’évolution des pensions civiles et militaires connaît depuis quelques années dans notre pays une dérive de l’ordre de 6 % à 8 %. Le poids de ces dernières devient lui aussi très lourd pour le budget de l’État. Mais nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet au cours des prochains mois.