Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2010 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

La Cour des comptes démontre, dans son dernier rapport, que la dégradation du déficit en 2008 n’est que très peu due à la crise économique : elle estime que seuls 4 milliards d’euros sur 14 milliards d’euros résultent de ladite crise. Les 10 milliards d’euros restants proviennent donc des mesures fiscales et sociales décidées par l’actuelle majorité. François Marc ayant traité ce sujet, je ne m’y attarderai pas.

Voilà quelques semaines, lors du débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires, je pronostiquais un déficit du régime général de la sécurité sociale de l’ordre de 20 milliards d’euros pour 2009. Le secrétaire d’État chargé de l’emploi semblait particulièrement dubitatif. §Malheureusement, la réalité est là : ce déficit est historique, et ce à plusieurs titres. Il l’est non seulement en raison du volume sans précédent qu’il atteint, mais aussi parce qu’il est organisé et programmé sciemment.

Pour ce qui concerne les comptes sociaux, il en est de même que pour les comptes de l’État. Rappelons-nous que le Gouvernement promettait une croissance de la masse salariale de l’ordre de 3, 5 % pour cette année et de 4, 6 % pour les années suivantes. Nous en sommes bien loin ! Le nombre de demandeurs d’emploi a crû de 18, 4 % cette année. Il nous faut maintenant nous préoccuper du financement de cette dette sociale.

Le Gouvernement a choisi de ne pas relever le taux de la CRDS ; c’est donc à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale que reviendra la mission de porter cette dette, dont la charge ne pèse pas moins de 10 milliards d’euros par an. Cet accroissement de la dette pénalise les générations à venir qui devront l’acquitter.

Monsieur le ministre, depuis 2002, votre majorité n’a eu de cesse de s’en remettre au seul viatique qui vaille à vos yeux : la réduction des dépenses.

En matière de santé, nos concitoyens ont dû faire face à l’augmentation du forfait hospitalier, aux déremboursements massifs, à la mise en œuvre de la franchise médicale… Le Gouvernement, non content de culpabiliser les assurés sociaux puis les malades, leur a fait supporter en plus un poids croissant des dépenses évalué à plus de 3 milliards d’euros.

Cette politique pénalise l’ensemble des citoyens, notamment les plus modestes, mais, à plus long terme, elle ne manquera pas d’avoir des conséquences lourdes sur la santé publique.

Pour s’en persuader, il suffit de considérer les effets de la réduction du panier de soins de l’aide médicale d’État sur les ayants droit. Il s’agit bel et bien d’une diminution de l’accès aux soins. Le fait que notre pays soit passé de la première place à la onzième place pour la qualité de son système de santé signifie que votre bilan est très inquiétant.

Venons-en aux branches de notre système de protection sociale.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, que la majorité a adopté, le déficit prévu pour la branche vieillesse s’élevait à 5 milliards d’euros. Selon toute vraisemblance, il atteindra 7, 7 milliards d’euros, avec un fonds de solidarité vieillesse déficitaire de 2, 1 milliards d’euros, et ce malgré une remise à zéro de ses comptes via le transfert de ses déficits cumulés à la CADES.

Il s’agit là de l’illustration de l’échec de la réforme Fillon de 2003. À l’époque, nous avions dit que cette réforme ne constituait pas une réponse aux besoins de financement pérenne de nos retraites par répartition et qu’elle allait immanquablement en appeler d’autres. Mais une fois de plus, peu vous importe : vous maintenez le cap. Vous évoquez un départ à la retraite à soixante-sept ans, puis vous rectifiez le tir en parlant d’une durée de cotisations portée à quarante-deux ans, voire à quarante-trois ans.

Mais, monsieur le ministre, vous êtes-vous rendu compte que le taux d’emploi des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans n’est que de 38 % dans notre pays, alors qu’il atteint 70 % en Suède, par exemple ?

Vous rendez-vous compte que, si le comportement des employeurs ne se modifie pas, vos propositions aboutiront à un abaissement drastique du montant des retraites par répartition, lequel est déjà bien bas ?

Avez-vous pris la mesure de ce qui se passe ? L’UNEDIC, qui affichait un excédent de 4, 5 milliards d’euros en 2008, se retrouve dans le rouge à hauteur cette année de 1, 3 milliard d’euros et probablement, l’année prochaine, de 4, 6 milliards d’euros. Dans ce contexte, quelle incidence ont vos propos alors que vous affirmiez, voilà un an, que, grâce à la baisse du chômage, une diminution des cotisations chômage et une hausse des cotisations de retraite pouvaient voir le jour ?

Pensez-vous sérieusement que des dispositions aussi contestables que l’auto-entreprise soient à même de constituer une solution pour des millions de nos concitoyens ? N’est-il pas temps de reconsidérer cette problématique essentielle dans son ensemble et, au moins, de conclure enfin les négociations relatives à la pénibilité que le patronat bloque, avec votre assentiment, depuis 2003 ?

À ce titre aussi, il ne suffit pas de rappeler à Versailles que le programme du Conseil national de la Résistance entendait « assurer une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » ; il faut passer aux actes, et les vôtres sont loin de satisfaire à cet objectif.

J’en viens à la branche maladie, qui, si les prévisions se vérifient, devrait enregistrer un déficit record de 9, 4 milliards d’euros en 2009, contre 4, 4 milliards d’euros en 2008, soit une augmentation de l’ordre de 120 %. Face à cette situation, qu’allez-vous faire ?

Allez-vous encore une fois procéder à des coupes budgétaires qui n’auront comme seule vertu que de conforter une analyse comptable sans lien avec les besoins sanitaires de nos concitoyens ?

Allez-vous mettre en scène de nouveaux boucs émissaires, tels que semblent l’être devenus depuis quelques jours les salariés en arrêt de travail ? Non seulement ce procédé est détestable, mais, en plus, il instaure le culte de la défiance au plus haut niveau de l’État. En lieu et place, nous aurions préféré, tout comme les Français, que la réforme de l’hôpital s’accompagne d’une augmentation tant du numerus clausus que du nombre de médecins du travail. Mais peine perdue ! Vous n’avez visiblement que faire des conditions de travail, qui se dégradent très sensiblement. Les conclusions de la CNAM, chargée d’élaborer des référentiels portant sur les pathologies les plus fréquemment observées dans le monde du travail, seront un excellent témoin de cette précarisation.

Votre politique comptable s’applique aussi aux transports sanitaires. Ce poste budgétaire connaît effectivement une croissance rapide, et ce depuis quelques années. Mais au lieu de vous contenter d’un simple constat, pourquoi ne vous posez-vous pas la question de l’incidence directe des fermetures d’hôpitaux et de services, par exemple ?

Cette situation appelle un sursaut. Nous vous le demandons depuis des années, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Or, comme l’indique le rapporteur général de la commission des affaires sociales, « le retour de la croissance au niveau d’avant la crise permettra seulement de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit peut-être 30 milliards d’euros. » Nous ne pouvons qu’être d’accord avec lui lorsqu’il pronostique ceci : « Le retour d’une croissance modérée […] des dépenses ne permettra en aucun cas – ou de manière marginale – de résorber les déficits massifs qui auront été atteints. Leur résorption ne pourra passer que par une croissance des recettes durablement plus forte que la croissance des dépenses » Mais il n’y a rien concernant l’augmentation des salaires qui aurait une incidence directe sur les recettes de la sécurité sociale, rien concernant la hausse de la taxation sur les stock-options, rien sur les fonds spéculatifs, rien sur les 6 milliards d’euros que coûte la défiscalisation des heures supplémentaires, rien, enfin, concernant une réorientation de votre sacro-sainte politique d’exonération de cotisations sociales !

Pourtant, à plusieurs reprises, notamment au mois de septembre dernier, la Cour des comptes a pointé le fait qu’elle était peu efficiente en matière d’emploi. Pourquoi ne pas procéder au réexamen des conditions d’exonération ? Pourquoi ne pas les lier très directement à la politique menée par les entreprises en matière de salaires et d’emploi ?

Les sommes en jeu sont colossales : 42 milliards d’euros par an, soit un peu plus du double du déficit de la sécurité sociale cette année.

Dans le même ordre d’idée, pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux niches fiscales, que la Cour des comptes n’hésite désormais pas à qualifier d’« obsolètes, injustes et inefficaces » ?

Pourquoi ne veillez-vous pas à appliquer le principe d’universalité de la CSG ?

Enfin – mais le sujet est une véritable arlésienne –, pourquoi ne pas remettre à plat l’assiette de cotisations, afin d’intégrer justement le rapport entre le capital et le travail ? Rappelons que le financement de la protection sociale dépend aux deux tiers des revenus du travail.

Mes chers collègues, derrière l’aridité des chiffres se fait jour non seulement le quotidien, mais aussi l’avenir de nos concitoyens. Il conviendrait de se fixer comme objectif de tout mettre en œuvre pour que la société souffre le moins possible et que la dépense publique, en période de crise, puisse sinon annihiler, du moins atténuer les conséquences des décisions prises par le secteur privé.

Malheureusement, ce débat d’orientation budgétaire nous démontre que le Gouvernement a choisi de réduire son effort, alors que nous n’avons pas rattrapé le niveau de 2006.

Monsieur le ministre, il s’agit d’une faute politique qui sera lourde de conséquences et empêchera de relever les défis que pose une société de plus en plus inégalitaire.

Pour notre part, nous sommes prêts à contribuer à redéfinir et à réorienter cette politique, notamment dans les domaines de la fiscalité et de l’emploi. C’est ce que commande la recherche d’une plus grande justice sociale et d’une plus grande efficience économique.

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