Intervention de Ladislas Poniatowski

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 novembre 2019 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « action extérieure de l'état » - programme 105 « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, corapporteur pour avis du programme 105 :

Avant de commencer, je tiens à dire que je n'ai pas du tout apprécié les déclarations des autorités maliennes avant-hier, selon lesquelles les forces étrangères sur le territoire malien ne feraient pas le nécessaire pour assurer la sécurité du pays. C'est une honte !

Pour en revenir à nos travaux, il faut reconnaître que le programme 105 de la mission « Action extérieure de l'État » contient de bonnes choses et de moins bonnes.

Parmi les points positifs, il faut citer la légère hausse du montant global des crédits, qui s'élèvent à 1,78 milliard d'euros pour 2020.

On observe une très légère diminution des contributions obligatoires de la France qui, pour mémoire, représentent près de 38 % des crédits de paiement du programme, soit 676 millions d'euros. Cette baisse n'est pas inquiétante, car l'enveloppe dépend du poids économique de la France par rapport aux autres pays contributeurs. Le deuxième poste de dépenses du programme 105, en légère progression quant à lui, est consacré au fonctionnement du réseau diplomatique à l'étranger, qui représente un peu moins de 35 % du total des crédits de paiement, soit 621,6 millions d'euros.

Il y aussi du moins bon, notamment en ce qui concerne la réforme consistant à mutualiser et à moderniser les services de l'État français à l'étranger. Cette réforme vise à mettre le réseau des ministères, qu'il s'agisse des effectifs ou des locaux, sous la responsabilité des ambassadeurs, ce qui doit conduire à des économies d'échelle.

Pour le moment, seul le quai d'Orsay a vraiment joué le jeu. Les autres ministères n'ont pas respecté l'objectif qui leur était assigné en termes d'effectifs. Quant au transfert des crédits d'entretien des bâtiments de ces ministères vers le programme 105, il est très lent. Comme vous le voyez, tout cela ne fonctionne pas très bien.

Dans les six mois qui ont suivi le lancement de la réforme, les ambassadeurs ont été priés de faire des propositions pour moduler cette diminution de la masse salariale. Poussés par leur ministre, certains ambassadeurs se sont montrés tellement ambitieux qu'ils s'aperçoivent aujourd'hui que leurs propositions les empêchent d'exercer correctement leurs missions. C'est pourquoi je suggère que nous leur demandions un nouveau retour sur les difficultés qu'ils rencontrent. Cette remise à plat permettrait à certains d'entre eux de revenir sur leurs déclarations initiales. Il faut accorder davantage de souplesse pour tenir compte de la mauvaise volonté dont ont fait preuve les ministères dans certains pays.

Si je soutiens la réforme de notre réseau diplomatique, que nous avions tous soutenue et votée, celle-ci ne doit pas être purement statistique : elle doit prendre davantage en compte l'humain et la réalité de la situation politique dans chaque pays.

Enfin, on observe des éléments réellement inquiétants dans ce programme 105, notamment pour ce qui concerne la politique immobilière du Quai d'Orsay.

J'évoquerai en premier lieu les travaux de rénovation du quai d'Orsay, dit QO21. Ce projet se décompose en trois grandes opérations.

La première concerne la réhabilitation de l'accueil du ministère : ces travaux, les plus modestes, sont achevés. Le deuxième, le plus problématique, a trait à la réhabilitation de l'immense bâtiment se situant le long de l'Assemblée nationale, l'Aile des Archives. Le problème est d'abord financier, puisque le coût des travaux, estimé initialement à 70 millions d'euros, est aujourd'hui évalué à près de 95 millions d'euros. L'autre problème tient au retard qu'ont pris les travaux, puisqu'ils devaient débuter en 2020 et ne commenceront probablement qu'en 2022. La troisième opération, la construction d'un bâtiment neuf, a également pris du retard.

Ce plan de rénovation est particulièrement mal engagé en raison de retards et de dérapages financiers, alors même qu'une partie du financement des opérations provient du produit des cessions des emprises à l'étranger, normalement destiné à l'entretien et à la maintenance de notre patrimoine immobilier à l'étranger.

En second lieu, je veux parler de la politique immobilière de la France à l'étranger qui est, de mon point de vue, à réinventer d'urgence. Cette politique de cession de notre patrimoine immobilier arrive en fin de course, puisque l'on vend de moins en moins d'immeubles. Ainsi, en 2019, le montant des cessions n'a atteint que 4 millions d'euros, quand les prévisions de recettes s'établissaient à 30 millions d'euros.

Je suis très inquiet quant aux prévisions du ministère pour l'an prochain : celui-ci escompte réaliser 30 millions d'euros de cessions grâce à la vente de l'immeuble de New York, des trésoreries de Tunis et de Dakar, de l'ancienne résidence de Nairobi, d'un immeuble à Séville, d'un immeuble à Mexico, et de logements à Copenhague et Rome.

Pour maintenir notre patrimoine immobilier, nous devons continuer à développer les mutualisations et les colocalisations. Les deux principaux partenariats que nous avons conclus le sont avec l'Allemagne et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE). Avec le SEAE, les projets les plus aboutis sont au Timor oriental, au Rwanda, au Soudan du Sud, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle Guinée, au Canada, en Turquie et au Nigéria. Les colocalisations avec l'Allemagne sont effectives en Chine, en République démocratique du Congo, en Corée du Nord, au Brésil, en Érythrée, au Brunei, au Koweït et au Bangladesh.

Cela étant, s'il faut développer les colocalisations, il faut aussi veiller à ce qu'elles ne se traduisent pas par une dépense supérieure, comme c'est le cas à Khartoum où l'ambassade construite sous maîtrise d'ouvrage allemande reviendra beaucoup plus cher qu'une localisation française.

En conclusion, nous devons nous demander si nos dirigeants souhaitent vraiment préserver notre réseau diplomatique et maintenir la place actuelle de la France dans le monde. Je rappelle que notre réseau diplomatique est passé du deuxième au troisième rang l'année dernière, derrière les États-Unis et la Chine. Si nous parvenons à rester devant l'Angleterre, dont le budget des affaires étrangères augmente, ce n'est que grâce à nos consulats.

Mes chers collègues, malgré ces réserves, je vous propose d'adopter les crédits du programme 105.

- Présidence de M. Christian Cambon, président - 

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