Intervention de Rachid Temal

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 novembre 2019 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « action extérieure de l'état » - programme 151 « français à l'étranger et affaires consulaires » - examen du rapport pour avis

Photo de Rachid TemalRachid Temal, corapporteur pour avis du programme 151 :

Lors de notre déplacement à Londres le 25 octobre dernier, nous avons rencontré la nouvelle ambassadrice, le consul général et les services. Nous avons également pu observer sur pièces et sur place la qualité de l'accueil réservé à nos compatriotes, l'engagement des personnels, les conditions de sécurité, mais aussi la très grande vétusté des locaux.

Comptant parmi les plus importantes communautés françaises à l'étranger, la communauté française au Royaume-Uni représente une population estimée à 300 000 personnes, dont environ la moitié, soit 146 000 Français, est inscrite au registre. Cette communauté, qui a connu une croissance continue depuis une décennie, s'interroge aujourd'hui sur son avenir, qui dépend très largement de l'issue du Brexit.

L'accord global entre le Royaume-Uni et l'Union européenne comprend un volet qui garantit le statut des 3,8 millions de citoyens européens résidant au Royaume-Uni dans l'Union européenne. Ainsi, les citoyens européens présents au Royaume-Uni au 31 décembre 2020 pourront continuer à y vivre, travailler ou étudier dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Ceux ayant déjà résidé cinq ans à cette date pourront accéder au statut de « résident permanent », les autres bénéficiant d'un statut intermédiaire et d'un droit de séjour permanent en attendant. Les citoyens européens arrivés après le 31 décembre 2020 n'y seront pas soumis. Leur statut dépendra de l'accord sur les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Néanmoins, en cas de « Brexit dur », sans accord de retrait, la situation des résidents européens ne sera pas garantie de la même façon et dépendra du gouvernement britannique.

Certes, le gouvernement britannique a confirmé son intention de préserver un statut permanent pour les résidents européens même en l'absence d'accord. Des craintes demeurent cependant : comme l'a souligné M. Nicolas Hatton, cofondateur de l'association The 3 Million, qui a été créée au lendemain du référendum sur le Brexit pour sensibiliser les pouvoirs publics britanniques aux droits des résidents européens, le risque existe d'un alignement de leurs droits sur ceux des non-Européens, c'est-à-dire sur le droit commun.

Quelle que soit l'issue, il a lancé une procédure d'enregistrement en ligne visant à permettre aux résidents européens de solliciter ce statut. Au 30 septembre 2019, un peu plus de 70 000 Français ont effectué la démarche, ce qui représente environ la moitié des inscrits au registre. Un grand nombre de nos compatriotes, bien que préoccupés par la situation, continuent d'adopter une attitude relativement attentiste, estimant que la démarche pourrait ne pas être nécessaire.

Si la procédure d'enregistrement est assez simple, elle présente quelques défauts. Entièrement numérisée, elle ne donne pas lieu à la délivrance d'un document papier, ce qui peut sembler déroutant et peu sécurisant. La principale difficulté concerne les personnes dites « vulnérables », personnes âgées, isolées, souffrant de précarité sociale ou numérique, qui pourraient représenter près de 10 % de l'ensemble des résidents européens.

Quelles seront les conséquences de cette situation pour nos postes consulaires au Royaume-Uni ?

Premièrement, il faut souligner qu'ils ont enregistré une hausse de leur activité dès le lendemain du référendum sur le Brexit. C'est la troisième année qu'ils sont sous tension et ce surcroît d'activité se manifeste dans tous les domaines.

On observe ainsi une hausse sans précédent du nombre des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité. Au poste de Londres, elles ont atteint le chiffre record de 37 000 en 2018, soit une progression de 3,6 % par rapport à 2017, après une hausse de 5 % entre 2016 et 2017. Pour la seule année en cours, la hausse devrait atteindre 15 %.

Les demandes d'actes d'état civil et les déclarations de nationalité ont également enregistré une forte croissance ces dernières années. Les déclarations de nationalité, qui avaient déjà plus que doublé entre 2016 et 2017 (+131 %), ont poursuivi leur hausse exceptionnelle en 2018 (+118 %). Elles sont, en grande majorité, le fait de conjoints britanniques de Français. Il convient de souligner que de nombreux conjoints français sollicitent parallèlement la nationalité britannique.

Au-delà du surcroît d'activité administrative qu'elle entraîne, cette hausse sensible a des conséquences sur l'organisation des cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française qui se déroulent en principe une fois par mois au consulat général. Du fait du nombre de livrets à remettre - cinquante, voire soixante par mois - et compte tenu de l'exiguïté de l'espace de réception, il a été nécessaire, pour réduire le délai d'attente, d'organiser désormais deux cérémonies par semaine.

Enfin, il faut évoquer l'impact du Brexit sur l'activité des visas. Si le Royaume-Uni et l'Union européenne ont exclu de réintroduire des visas de court séjour - ce qui aurait représenté, pour nos postes consulaires, un volume à traiter de l'ordre de 4 millions par an -, le Brexit impliquera, en cas de sortie sans accord, d'attribuer des visas de long séjour aux Britanniques résidant en France. S'il reste difficile d'évaluer le besoin en la matière - de 2 000 à 10 000 -, le traitement des dossiers de visas de long séjour est sensiblement plus lourd que celui des visas de court séjour et représentera une charge supplémentaire pour le réseau. Le personnel du consulat général de Londres travaille dans des conditions difficilement acceptables, quasiment dans un sous-sol, sans lumière ni aération ! Par ailleurs, un nouveau prestataire extérieur chargé du recueil des demandes de visas a été choisi pour trois ans. Au début, les choses se passaient bien, mais les difficultés s'accumulent à présent.

Outre un impact sur les différents volets de l'activité consulaire, la perspective du Brexit a entraîné un développement important des actions de communication afin de répondre aux nombreuses demandes d'information et d'accompagner les résidents français dans leurs démarches auprès de l'administration britannique. Néanmoins, la principale difficulté est de réussir à toucher la population, souvent non londonienne, qui n'est pas connectée aux réseaux de communication. Il s'agit de personnes, parfois vulnérables, présentes depuis longtemps sur le territoire britannique, ayant perdu tout lien avec la France et qui, faute de démarches, pourraient se retrouver dans l'illégalité. Il convient également de souligner le rôle essentiel joué par les ONG et les associations. Je pense à l'association Settled de M. Nicolas Hatton.

La hausse de l'activité de notre consulat général de Londres est bien prise en compte par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Pour autant la situation est difficile : exiguïté des locaux, manque de confidentialité, absence d'un sas de sécurité. De manière générale, ces locaux anciens sont assez mal adaptés et vétustes. Les façades sont délabrées et l'une d'entre elles est même équipée de filets pour prévenir les chutes de pierre !

En conclusion, ma position n'est pas la même que celle de mon collègue Jean-Pierre Grand. Je propose un vote défavorable soutien aux personnels et aux Français résidant à l'étranger. Certes, nous sommes à l'os, mais nous pouvons par exemple passer, comme nous le proposons, de 3 % à 5 % la part des recettes de visas.

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