Intervention de Philippe Dominati

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 novembre 2019 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » « sécurité et éducation routières » et cas « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « sécurité civile » - examen des rapports spéciaux

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur spécial (programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ») :

C'est à nouveau un budget en hausse que nous soumet le Gouvernement, puisque les crédits de paiement demandés pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » augmentent de 1,91 %, tandis que l'augmentation des autorisations d'engagement (AE) atteint 1,84 %. Il y a deux mesures de périmètre importantes : la création de la direction du numérique (DNum) et du SAILMI, qui entraînent des transferts de crédits sortants, empêchant une comparaison claire des crédits avec ceux de l'année précédente.

Je dénonce, depuis plusieurs années maintenant, l'augmentation constante de la part des dépenses de personnel dans l'ensemble des dépenses des deux forces. Le budget connaît les mêmes travers que ceux des années précédences, de manière particulièrement aggravée cette fois-ci : la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses va dépasser les 90 % pour la police nationale, ce qui laisse un peu moins de 10 % pour le fonctionnement et l'investissement. C'est une situation qui m'a conduit à proposer le rejet. Si en termes d'emploi, l'objectif du gouvernement est tenu, il se fait au détriment des moyens et de l'investissement.

Avant d'évoquer les crédits de personnel, je voudrais parler du climat social. Cette année 2019, nous avons atteint un niveau record en matière de suicides, puisqu'ils s'élèvent à 54 dans la police nationale. 2019 fût également marquée par l'émergence d'un malaise particulièrement fort, qui s'est exprimé au cours de la grève intersyndicale du 2 octobre, dont l'ampleur était inédite. C'est la première fois depuis 20 ans que toutes les organisations syndicales ont manifesté ensemble. La question des retraites cristallise une bonne part des préoccupations. Le taux d'absentéisme remonte également en 2019, et s'élève à 7,7 % dans la police nationale, contre 4 % en moyenne dans le reste de la fonction publique de l'État.

Ce budget prévoit donc une hausse importante des dépenses de personnel, en augmentation de 3,6 % pour la police nationale et de 2,5 % pour la gendarmerie nationale. Cette hausse s'explique principalement par le niveau important des recrutements et l'ampleur des mesures indemnitaires. Une augmentation de 1 398 emplois à périmètre constant est prévue pour la police nationale en 2020, contre 1 735 en 2019. Pour la gendarmerie nationale, l'évolution des emplois devrait être de 490 ETP, contre 643 l'an dernier. Ces augmentations sont conformes aux annonces présidentielles du début de quinquennat.

Le coût de ces recrutements (2019 et 2020) en 2020 devrait s'élever à 47,45 millions d'euros pour la police nationale et 16,36 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. L'année 2020 devrait également être marquée par le poids budgétaire des mesures catégorielles prises en faveur des policiers et des gendarmes (PPCR et primes « gilets jaunes »), qui s'élèveront à 192,36 millions d'euros pour les premiers et 91,22 millions d'euros pour les seconds.

L'année 2019 est également marquée par l'abandon de la vacation forte. Cet abandon était, je le dis depuis 2016, inévitable. Il est donc regrettable que les difficultés liées à ce nouveau cycle de travail aient fait perdre trois années à l'institution policière, cristallisant de nombreuses crispations et générant des tensions entre les unités bénéficiant de ce dernier et les autres. Cette perte de temps apparaît d'autant plus dommageable que le caractère insoutenable, en raison de son coût en effectifs, condamnait la vacation forte avant même son expérimentation. En remplacement de ce dernier cycle de travail, la police nationale devrait généraliser un nouveau cycle en 2020 (le 2/2/3/2/2/3), qui comprend de longues vacations de 12h08, qui apparaît davantage adapté aux exigences opérationnelles. Ce cycle fait actuellement l'objet d'une expérimentation qui, je l'espère, en confirmera la pertinence.

Le dernier point relatif aux personnels porte sur les heures supplémentaires de la police nationale. Ces dernières s'élèvent à 23 millions et leur coût budgétaire de rachat serait de l'ordre de 230 millions d'euros. Pour la première fois, le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle visant à diminuer l'augmentation du flux, à hauteur de 26,5 millions d'euros et une mesure visant à contingenter ces heures supplémentaires.

Pour la gendarmerie nationale, à périmètre constant, les dépenses d'investissement et de fonctionnement seront quasi-stables en CP et connaîtront une hausse de plus de 6 % en AE. Pour la police nationale, les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont en diminution, de 8,8 % en AE et de 0,8 % en CP par rapport à l'an dernier.

Les crédits affectés au renouvellement des véhicules, qui constituent à mes yeux un bon indicateur de la volonté de restaurer la capacité opérationnelle des forces de l'ordre, apparaissent cette année très insuffisants. 40 millions d'euros supplémentaires auraient été nécessaires pour empêcher le parc des deux forces de vieillir ou de voir son format réduit, alors même que son état est d'ores et déjà préoccupant, et que les véhicules constituent un des principaux outils des agents, notamment en gendarmerie nationale. Pour la gendarmerie nationale, la moyenne d'âge du parc est de 7 ans et le kilométrage moyen de 110 000 km. De même, 8320 véhicules de la police nationale sont maintenus en service alors qu'ils ont dépassé les critères de gestion.

Je rappelle que sur les dix dernières années, les dépenses de personnel ont augmenté de 25 % tandis que le reste n'a augmenté que de 8 %. Le présent budget perpétue ce déséquilibre, et je proposerai donc à la commission des finances de le rejeter.

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