Intervention de Jean-Marc Gabouty

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 novembre 2019 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » « sécurité et éducation routières » et cas « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « sécurité civile » - examen des rapports spéciaux

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty, rapporteur spécial (programmes « Sécurité routière » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » de la mission « Sécurités ») :

En 2018, la mortalité a atteint son plus bas niveau, il n'y a jamais eu aussi peu de décès sur les routes de France, 3392 en France et dans les DOM, 96 dans les COM, soit 200 de moins qu'en 2017.

De même l'accidentalité a enregistré une baisse de 3 % et le nombre de blessés hospitalisés diminue de plus de 20 %.

Si l'on doit se réjouir de ces bons chiffres il ne faut pas crier victoire trop vite et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, cette baisse doit être encore confirmée sur l'année 2019, or les premiers éléments dont nous disposons laissent entrevoir une année légèrement moins bonne que la précédente.

Ensuite à échelle de l'Union européenne, la France se situe seulement à la moyenne des pays de l'Union européenne, plusieurs de nos voisins, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse, affichent de meilleurs résultats : la France doit donc encore faire mieux.

Enfin, les DOM, les COM et certaines régions de France restent particulièrement touchés, une inégalité territoriale dont on ne peut se satisfaire.

Concernant l'impact de l'abaissement de la vitesse à 80 km/h, le projet de loi de finances lui attribue un gain de 206 vies. Je pense qu'il faut rester prudent sur ce chiffre et observer sur la durée l'évolution de la mortalité sur ce réseau routier ce que permettra le nouvel indicateur créé à cet effet « nombre de tués hors agglomération, hors autoroutes ».

Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », augmentent de nouveau légèrement - de 2,3 % par rapport à 2019 pour s'établir à 42,64 millions d'euros.

L'action principale de ce programme concerne le permis de conduire, dont les coûts d'organisation représentent plus de la moitié des crédits.

La réforme de cet examen, initiée en 2014, devrait connaître un second souffle suite aux dix mesures annoncées le 2 mai 2019 par le Premier ministre dont l'objectif est de rendre le permis moins cher et plus accessible : deux mesures (l'extension de la formation sur simulateur et la conversion facilitée du permis boîte automatique) sont déjà entrées en vigueur en juillet 2019. Les autres le seront après la promulgation de la loi d'orientation sur les mobilités (LOM).

Par ailleurs, devant les indicateurs de performance qui stagnaient, le PLF 2020 a remplacé le délai moyen d'attente par le délai médian ce qui devrait mieux refléter la baisse des délais pour la majorité des candidats.

Enfin, l'opération « permis à un euro par jour », m'apparaît, depuis son lancement, surbudgétée, et plus largement l'aide au financement du permis de conduire doit sans doute être repensée.

S'agissant du « CAS Radars », l'estimation, en projet de loi de finances, du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement reste à un niveau élevée, soit 1 837 millions d'euros.

Il s'agit là à mon sens d'une estimation plutôt optimiste : le montant du produit réalisé en 2019, estimé à 1700 millions d'euros, devrait se situer très en-dessous des prévisions de la loi de finances initiale, 1867 millions d'euros, donc en retrait d'environ 10 %.

En effet, comme vous le savez, de nombreux radars ont été vandalisés, plus de 10 000 dégradations ont été constatées en 2018, 7 500 au 1er septembre 2019 et le taux moyen de disponibilité des radars est passé de 93 % en 2017 à 88 % en 2018, pour s'établir à seulement 75 % en 2019.

L'impact sur les recettes de l'État s'est immédiatement fait sentir pour les amendes forfaitaires radars dont le produit sera encore inférieur en 2020 à son niveau de 2017.

En conséquence, et contrairement à 2019, les crédits du programme 751 devraient être consommés en 2020, notamment pour faire face aux réparations et investissements nécessaires à la restauration et à la modernisation du parc.

Par ailleurs, si l'objectif de déploiement a certes été revu à la baisse passant de 4 700 à 4 400 équipements d'ici fin 2020, il comptera en revanche des équipements plus modernes, et notamment environ 1200 radars tourelles contre 400 fin 2019, permettant un contrôle plus étendu et moins prévisible. Sur ce point, le délégué à la sécurité routière nous a confirmé lors de son audition la capacité technique à installer 800 nouveaux radars tourelles durant l'année 2020.

S'agissant des collectivités locales, je constate que les crédits du programme 754, augmentent sensiblement (d'environ 29 %) en 2020 malgré l'entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant. Cette hausse s'explique par le dynamisme des amendes forfaitaires majorées et abonde directement la section 2 du CAS.

Enfin, j'aimerais terminer sur la complexité de ce CAS. Alors que les recettes sont stables par rapport à la prévision de la LFI 2019, la part attribuée au désendettement de l'État a bondi de plus de 10 points en 2019 passant de 8,8 % à 20,9 % des recettes totales. Cette ventilation se fait au détriment de l'AFITF qui ne percevrait plus que 193 millions d'euros en 2020.

Le manque de lisibilité et de cohérence de ce système est devenu tellement contreproductif que l'État a présenté il y a quelques jours dans le PLFR un article visant à réaffecter une partie du flux en provenance des AF Radars, initialement destiné à l'État et aux collectivités territoriales, vers le budget de l'AFITF. Sans quoi cette dernière ne pourrait faire face à ses engagements financiers qui portent sur des investissements de long terme.

Au lieu de continuer à apporter ainsi des correctifs à un système aussi complexe, je réitère ma préconisation d'une refonte complète de ce CAS.

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