Intervention de Jean Pierre Vogel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 novembre 2019 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » « sécurité et éducation routières » et cas « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « sécurité civile » - examen des rapports spéciaux

Photo de Jean Pierre VogelJean Pierre Vogel, rapporteur spécial (programme « Sécurité civile ») :

En 2020, le programme 161 « Sécurité civile » sera doté de 493 millions d'euros en autorisations d'engagement et 519,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution par rapport aux crédits ouverts en 2019. Cette diminution s'explique essentiellement par une réduction du périmètre du programme 161, avec le transfert d'environ 15 millions d'euros de ses crédits vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». À l'instar des autres programmes de la mission « Sécurités », ce transfert fait suite au regroupement des fonctions d'achat et de développement numérique au niveau du secrétariat général du ministère de l'intérieur.

Si l'on neutralise les conséquences de ce transfert, les CP du programme 161 sont en légère baisse, et sont inférieurs à la programmation triennale de près de 10 millions d'euros.

Je tiens à évoquer la situation des SDIS, particulièrement tendue ces derniers mois. Ils font en effet l'objet d'une sollicitation croissante alors que leurs moyens stagnent.

Leurs dépenses d'investissement ont même connu une baisse importante, de près de 18 % en dix ans. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que le soutien de l'État pour leurs investissements s'amoindrit. La dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui s'élevait à 25 millions d'euros en 2017, ne représente plus que 7 millions d'euros en 2020. Cette faible dotation est d'autant plus incompréhensible que les crédits prévus par le PLF sont inférieurs à la programmation pluriannuelle.

Par ailleurs, cette dotation n'accordera plus aucun crédit en faveur des projets locaux des SDIS en 2020, et financera exclusivement le projet NexSIS 18-112. Le développement de ce projet, qui consiste à mutualiser les systèmes d'information des SDIS, a été confié à un opérateur spécifique, créé fin 2018 : l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC). Une première version de NexSIS 18-112 devrait être livrée fin 2020, et sera mise en place début 2021 dans le département de Seine-et-Marne. Outre son intérêt sur le plan opérationnel, ce projet permettrait d'engager des économies de plus de 250 millions d'euros sur 10 ans.

J'évoque enfin un dernier motif de préoccupation au sujet des SDIS : leur soutenabilité financière demeure menacée par les suites de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne de 2018 - l'arrêt Matzak -, considérant que la directive européenne de 2003 sur le temps de travail doit s'appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Pour garantir une capacité opérationnelle constante, l'application de la directive supposerait une hausse de 2,5 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses des SDIS. La préservation d'un statut dérogatoire pour les SPV appelle donc une initiative forte du Gouvernement français vis-à-vis de la Commission européenne. Pourtant, ce dernier semble camper sur une position attentiste alors que plusieurs recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs.

Le PLF pour 2020 marque aussi la seconde période de financement du SAIP. Ce projet continue de concentrer les crédits sur la rénovation des sirènes, et il fait donc l'impasse sur le développement d'un volet mobile. Ce dernier est pourtant vivement souhaitable :

D'une part, les moyens d'alerte par téléphone se font de plus en plus nécessaires, comme l'illustre l'exemple récent de l'accident de l'usine de Lubrizol : une technologie de diffusion cellulaire - ou Cell Broadcast -, aurait été bien plus efficace et aurait permis une alerte claire et immédiate.

D'autre part, une directive européenne adoptée fin 2018 impose aux États membres la mise en place d'une transmission des alertes par téléphone. Cette obligation doit être transposée en droit interne au plus tard en 2022. D'ici là, le ministère de l'intérieur affirme que sa mise en oeuvre est en cours. Pourtant, pas un seul euro n'est prévu pour le développement d'un quelconque volet mobile dans ce PLF, ni pour 2021 et 2022.

Pour finir, je ferai une dernière remarque à la suite à mon rapport d'information sur la lutte contre les feux de forêts, que j'ai présenté fin septembre devant vous. J'avais estimé nécessaire de garantir l'avenir de nos moyens de lutte, et particulièrement nos moyens aériens. Le PLF pour 2020 prévoit toujours la poursuite de l'acquisition de nouveaux Dash, en remplacement des Tracker vieillissants. Leur livraison me paraît toutefois tardive et j'avais donc recommandé de l'accélérer, afin d'éviter tout risque de rupture capacitaire ces prochaines années.

Or, depuis ce constat, les 7 Tracker restants sont immobilisés à la suite d'une défaillance technique. Pour l'heure, la mise en oeuvre du guet aérien armé ne peut donc s'appuyer que sur 3 Dash. Cette situation est très inquiétante, même si la période automnale est moins propice aux départs de feux.

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