Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 novembre 2019 à 8h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Examen des articles de la première partie - tome ii du rapport général

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

L'article 5 prévoit la suppression totale de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023. Pour compenser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la perte de cette recette, un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales est proposé à compter de 2021. Il consiste notamment à attribuer aux communes la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - avec les bases de 2020 et les taux de 2017 -, en corrigeant les différentiels de compensation par l'application d'un coefficient correcteur ; à attribuer aux départements une fraction de TVA correspondant au montant de leurs recettes de TFPB en 2020 ; à attribuer aux EPCI, ainsi qu'à la Ville de Paris, une fraction de TVA équivalente au montant de leurs recettes de taxe d'habitation en 2020 ; et à accorder aux régions une dotation budgétaire équivalente à la fraction des frais de gestion de la taxe d'habitation qui leur est transférée par l'État.

Afin de nous permettre d'apprécier les effets de cette réforme, l'administration fiscale a fourni des simulations qui reposent sur les bases et les taux de 2018 alors que le projet de loi retient, respectivement, les années 2020 et 2017 pour les communes et les EPCI, et les années 2020 et 2019 pour les départements.

En outre, rien ne permet de savoir comment vont évoluer ni les ressources financières des communes surcompensées et sous-compensées, ni le différentiel de compensation assumé par l'État, aujourd'hui évalué à 375 millions d'euros.

Enfin, les conséquences de cette réforme sur les indicateurs financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements ne peuvent pas non plus être pleinement appréciées.

Avec l'amendement FINC.14, je vous propose tout d'abord de décaler d'un an l'entrée en vigueur du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, c'est-à-dire en 2022. Cela ne remettra pas en cause l'allégement de fiscalité pour le contribuable, mais un délai supplémentaire est nécessaire pour mieux apprécier les effets de cette réforme pour les collectivités et prévoir les mesures de compensation adéquates concernant le calcul des indicateurs de péréquation. Les auditions que nous avons menées ont bien montré que les services de l'État ne sont actuellement pas capables de mesurer les effets de la réforme sur le calcul du potentiel fiscal et donc sur la péréquation entre collectivités. Ils nous renvoient à d'éventuels correctifs en 2021, mais, plutôt que de bricoler des rustines l'an prochain, je suggère que nous prenions le temps de bien penser la réforme en la décalant d'un an.

Ce décalage dans le temps permettrait la remise par le Gouvernement d'un rapport en 2020 puis en 2021 sur les conséquences financières de la mise en oeuvre de cette réforme avec des simulations « à blanc » et permettrait de travailler sur l'ajustement des indicateurs de péréquation avant l'entrée en vigueur du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales. C'est l'objet de mon amendement FINC.18.

Cette proposition sera sans incidence sur le contribuable puisqu'il n'est proposé de remettre en cause ni la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023 ni le dégrèvement total en faveur des 80 % des ménages les moins favorisés en 2020.

L'amendement FINC.11 prévoit un dégrèvement équivalent à un tiers de la cotisation des ménages faisant partie des 20 % les plus favorisés en 2021. L'amendement FINC.12 prévoit que cet allégement sera transformé en exonération à compter de 2022, comme le propose le Gouvernement dès 2021. L'amendement FINC.13 supprime des dispositions rendues sans objet par le prolongement de ce dégrèvement et prévoit des mesures de coordination avec le décalage.

Plusieurs amendements permettront par ailleurs d'améliorer le dispositif prévu pour accompagner la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, d'une part, et le nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, d'autre part.

Il est ainsi proposé, dans l'amendement FINC.32, de supprimer le mécanisme proposé par le Gouvernement de remise à la charge des communes et des EPCI, pour 2020, des augmentations de taux de la taxe d'habitation depuis 2017. L'amendement FIN.16 prévoit que, lors de l'affectation transitoire du produit de la taxe d'habitation à l'État, ce dernier percevra un montant déterminé en référence aux taux applicables en 2017, par symétrie avec le dispositif de compensation des communes et des EPCI. L'amendement FINC.15 prévoit de revenir sur la revalorisation des valeurs locatives, introduite à l'Assemblée nationale, mais limitée à + 0,9 %, au profit d'un retour au droit en vigueur qui devrait permettre une revalorisation autour de + 1,2 %.

Une série d'amendements prévoit une plus juste compensation des communes, des EPCI, des départements et des autres collectivités territoriales concernées en supprimant les effets de l'« année blanche ». L'amendement FINC.19 majore le montant des recettes de taxe d'habitation retenu pour la fraction de TVA affectée aux EPCI tandis que l'amendement FINC.21 majore les allocations compensatrices afférentes. Les amendements FINC.23 et 25 font de même s'agissant des recettes de TFPB des départements et les amendements FINC.27 et 29 également s'agissant des recettes de taxe d'habitation de la Ville de Paris. Les amendements FINC.17, FINC.20, FINC.24 et FINC.28 modifient les formules de calcul des rôles supplémentaires retenues pour la compensation des collectivités, afin de les rendre plus justes.

L'amendement FINC.52, qui introduit un article additionnel après l'article 21 et que nous examinerons plus tard, prévoit une compensation intégrale des exonérations de TFPB en matière de logement social. Issu d'une initiative de notre collègue Philippe Dallier, il s'agit d'un amendement désormais traditionnel de notre assemblée puisqu'il est voté chaque année.

Les amendements FINC.22, FINC.26 et FINC.30 prévoient un mécanisme de garantie de ressources relatif au montant des fractions de TVA affectées, respectivement, aux EPCI, aux départements et à la Ville de Paris, plus protecteur de ces derniers en cas de retournement conjoncturel : le montant versé ne pourrait être inférieur à celui de l'année précédente.

Enfin, l'amendement FINC.31 prévoit que les collectivités ne peuvent être pénalisées si le montant de TVA encaissé est finalement inférieur à la prévision fixée en loi de finances initiale.

Pour résumer cette longue série d'amendements, retenons que, même si cette réforme nous paraît mal calibrée et extrêmement coûteuse pour l'État, nous ne la remettons pas en cause pour le contribuable. En revanche, nous refusons de voter à l'aveugle le dispositif de financement des collectivités qui est manifestement inabouti sur les logements sociaux, les revalorisations, les potentiels fiscaux, etc. Donnons-nous une année supplémentaire pour mesurer les effets de la réforme et en corriger les faiblesses. Nous avons entendu les associations d'élus en audition.

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