Intervention de Emmanuel Capus

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 novembre 2019 à 16h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « travail et emploi » et articles 79 à 82 - examen du rapport spécial

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus, rapporteur spécial (mission « Travail et emploi » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ») :

Ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même vous présenterons ce rapport à deux voix. Comme les années précédentes, nos avis divergent pour l'essentiel, ce qui ne nous empêche pas de porter certaines appréciations communes sur ce budget.

La première caractéristique de ce budget est sa stabilité par rapport à l'année précédente, faisant suite à plusieurs années de forte baisse des crédits de la mission. Les autorisations d'engagement se stabilisent à 13,5 milliards d'euros, tandis que les crédits de paiement, portés à 12,8 milliards d'euros, connaissent une légère augmentation.

La diminution des crédits de la mission constatée les années précédentes respecte strictement la programmation triennale 2018-2020 et traduit la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. La stabilisation des crédits prévue pour 2020 et les années suivantes doit permettre de concentrer les efforts sur l'accès à l'emploi et sur la formation des publics qui en sont aujourd'hui le plus éloignés.

Cette trajectoire est également à replacer dans le cadre d'une amélioration de la situation de l'emploi. En effet, selon l'Insee, au deuxième trimestre 2019, le chômage s'établit à 8,5 % de la population active, soit 0,6 point sous son niveau de 2018 et 2 points sous son niveau de 2015. Le chômage de longue durée - au moins un an - continue de baisser, s'établissant à 3,1 % de la population active.

La baisse constatée des effectifs du ministère - moins 226 ETP - s'inscrit dans le cadre plus large de la réforme de l'État et de son organisation territoriale. Celle-ci devrait aller de pair avec une revue des missions et des redéploiements d'effectifs cohérents avec les priorités de la politique de l'emploi, avec un renforcement des moyens humains sur la formation et l'apprentissage. Cette baisse doit enfin être appréhendée dans le cadre global, évoqué lors de la présentation du tome I par le rapporteur général la semaine dernière, d'une hausse du schéma d'emploi de l'État de 196 ETP en 2020, concentrée sur les missions régaliennes.

À l'inverse, les effectifs de Pôle emploi augmentent de près de 1 000 ETP en 2020. Cette évolution permettra un renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, mais aussi des entreprises. On sait les difficultés que certains chefs d'entreprise rencontrent pour recruter dans certains secteurs industriels en tension, comme la construction ou la métallurgie.

Une diminution importante des effectifs est en revanche à prévoir à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui poursuit un plan de transformation, indispensable pour redresser sa situation financière.

Ce budget, comme je l'évoquais, s'adresse prioritairement aux publics les plus éloignés de l'emploi.

Les parcours emploi-compétences (PEC), lancés en 2018, constituent un progrès qualitatif par rapport aux anciennes formules de contrats aidés, qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes. Les faibles performances de ces dispositifs en termes de sortie dans l'emploi durable sont là pour en attester. Le niveau des PEC se stabilise en 2020 autour de 100 000 contrats.

Peut également être relevé l'effort important au profit du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui dépasse le milliard d'euros en 2020. C'est un enjeu important de ce budget. Les structures de l'IAE accueillent les publics les plus éloignés de l'emploi, souvent peu qualifiés ou chômeurs de très longue durée. L'objectif visé est la création de 100 000 nouveaux postes dans ce secteur en 2022 par rapport à 2017, soit 230 000 personnes accompagnées. Il s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et va donc au-delà de la politique de l'emploi stricto sensu. Le principal enjeu désormais, pour les structures de l'IAE, est d'être en mesure d'absorber cette hausse de leurs moyens et de leurs effectifs.

Les moyens alloués en faveur de l'emploi des personnes handicapées augmentent également, portés en 2020 à 407 millions d'euros.

Le Plan d'investissements dans les compétences (PIC) constitue un autre volet important de ce budget. Il se fixe pour objectif de former un million de jeunes décrocheurs et un million de chômeurs de longue durée, en mobilisant près de 14 milliards d'euros sur cinq ans. Une grande partie de sa mise en oeuvre relève des régions. Près d'1,5 milliard d'euros d'AE et 1 milliard de CP devaient lui être consacré en 2020 sur les crédits de la mission, auxquels s'ajoutera un concours de France compétences à hauteur de 1,6 milliard d'euros.

Depuis son lancement, le PIC a permis la formation de 475 000 demandeurs d'emploi et l'accompagnement de 200 000 jeunes. L'ensemble des conventions avec les régions ont été signées en 2019, même s'il est à noter que deux régions ont décidé de ne pas s'associer à cette démarche. L'année 2020 constituera la première année de pleine mise en oeuvre du plan.

Comme vous l'avez vu, les crédits qui lui seront consacrés seront en réalité diminués de 120 millions d'euros. Il était en effet nécessaire, pour préserver l'équilibre de ce budget, de compenser financièrement la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances qui entendait recentrer le bénéfice des exonérations applicables aux aides à domicile. L'impact de cette décision sur le bon déroulement du PIC devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation des crédits.

Une difficulté qui ressort des auditions que nous avons conduites concerne le pilotage du Plan. On peut déplorer un déficit de coordination entre l'État et les régions. Il convient par ailleurs de s'interroger sur la pertinence d'un découplage des compétences d'accompagnement des jeunes, qui relèvent des missions locales, et des compétences de formation professionnelle, qui relèvent des régions.

Sophie Taillé-Polian et moi-même regrettons l'absence de ligne de crédit consacrée aux maisons de l'emploi. Ces structures, auxquelles nous avions consacré un rapport de contrôle l'année dernière, jouent un rôle très important de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. Comme l'année dernière, l'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant le maintien d'une ligne de crédit à hauteur de 5 millions d'euros pour les maisons de l'emploi. Comme l'année dernière, notre analyse de leurs besoins nous porte à juger ce montant insuffisant et nous proposerons donc à la commission d'adopter un amendement portant ce financement de l'État à 10 millions d'euros.

Dans l'ensemble, ce budget me paraît toutefois sérieux, en phase avec la situation de nos finances publiques et avec les enjeux actuels de la politique de l'emploi. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission.

J'ajoute que nous serons également amenés à examiner trois articles rattachés.

Comme je l'ai rappelé, l'article 79 recentrant les exonérations en faveur de l'emploi des aides à domicile a bien été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale. Son coût de 203 millions d'euros pour les finances publiques a été compensé à hauteur de 120 millions d'euros par les crédits de la mission « Travail et emploi ».

L'article 80, qui, lui, nous sera bel et bien transmis, concerne le recentrage de l'Aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) sur son public-cible, c'est-à-dire les publics prioritaires de la politique de l'emploi. L'article soulève toutefois toute une série de problèmes ; c'est pourquoi nous vous proposerons de l'amender.

Enfin, deux articles additionnels ont été adoptés lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Le premier est purement technique et ne devrait pas soulever de difficulté. Le second prend la forme d'une demande de rapport sur l'impact de la réforme de l'apprentissage sur les finances du Centre national de la fonction publique territoriale.

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