Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 novembre 2019 à 16h50
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal secrétaire d'état

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Le budget de la mission « enseignement scolaire » traduit la priorité accordée à l'éducation par le Président de la République et par le gouvernement. Il s'agit d'un budget de confirmation de nos engagements. Il prolonge la loi pour une école de la confiance qui a été votée cet été. L'idée est de se donner les moyens de faire de l'école un levier de réussite pour tous les élèves. Cette ambition implique, en premier lieu, de hisser le niveau général du pays, mais également de favoriser la justice sociale par le biais de l'éducation. Ce double objectif reste notre ligne permanente de conduite. La réussite des élèves passe par une action vigoureuse mise en place dès le plus jeune âge, par leur accompagnement constant et en offrant à chacun la possibilité progressive de personnaliser son orientation afin qu'il puisse réussir pleinement sa vie, tant professionnelle que personnelle. C'est la raison pour laquelle vous avez voté le principe de l'instruction obligatoire à partir de trois ans. De plus, nous avons décidé de mettre autant l'accent sur l'étape de l'école maternelle que sur le CP et le CE1 avec une série de mesures sur lesquelles je reviendrai au cours de cette audition.

Le budget de la mission « enseignement scolaire » pour l'année 2020 s'établit à 52,1 milliards d'euros hors cotisations et pensions de l'État. Cela représente une augmentation de près de 2 %, soit plus d'un milliard d'euros supplémentaires. Par ailleurs, les emplois de mon ministère sont sanctuarisés en 2020. Il y aura donc autant d'arrivées que de départs. Il s'agit d'un gage de continuité et de confiance dans la politique que nous menons au bénéfice des élèves. Ce milliard d'euros supplémentaire dégagé au titre de l'enseignement scolaire signifie que nous entendons poursuivre une transformation profonde de ce secteur. Je rappelle que cette augmentation est deux fois supérieure à l'inflation. Elle nous donne, de fait, les moyens de nos ambitions. La première d'entre elles est l'égalité des chances. Nous souhaitons ainsi donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Elle répond également au défi de la transmission, notamment celle des savoirs fondamentaux. Nous voulons également répondre au défi environnemental sur lequel j'ai déjà beaucoup insisté au moment de la rentrée scolaire. Nous avons désormais des éco-délégués présents dans les classes. L'éducation nationale joue, à cet égard, tout son rôle. Nous souhaitons enfin répondre au défi de la confiance, celui de la confiance en l'avenir. J'évoque souvent la notion d'école de la confiance. En effet, derrière les enjeux budgétaires existent des enjeux de nature qualitative qui visent à donner confiance à chacun des acteurs impliqués dans l'école (élèves, enseignants, familles). Nous envisageons ainsi l'école comme un vecteur de confiance pour l'ensemble de la société.

Ce budget dévolu à l'éducation est le premier de la Nation. À ce titre, il nous oblige collectivement.

Il réaffirme une priorité : celle donnée à l'école primaire. Elle se traduit, au premier chef, par la maîtrise des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui). Cet objectif est la clé de toute égalité sociale. Nous nous sommes donnés les moyens de créer de nouveaux postes dans le premier degré : 440 postes supplémentaires dans l'école primaire alors même que nous sommes dans un contexte de baisse démographique. Nous comptons, en effet, 50 000 élèves de moins à la rentrée de 2020. Je vous rappelle que la France a sous-investi dans son système primaire au cours des précédentes décennies. Nous investissons ainsi moins que la moyenne des pays de l'OCDE dans l'école primaire alors que nous investissons davantage que cette moyenne dans l'enseignement secondaire. C'est à mon avis un choix - ou un non-choix - absurde. Nous nous devons, à cet égard, de rééquilibrer cette tendance non pas au détriment du second degré, mais bel et bien au service de l'école primaire. Plus nous agirons en faveur de l'école primaire, plus l'école secondaire en bénéficiera. Si tous les élèves arrivent au collège en maîtrisant les savoirs fondamentaux, c'est l'ensemble du système scolaire qui s'en trouvera renforcé.

Nous souhaitons, à cet effet, diminuer le nombre d'élèves par classe. Nous savons que cette décision est particulièrement pertinente dans le cas de l'école primaire. Nous souhaitons, par ailleurs, consolider la situation de l'école rurale. Il s'agit, je le sais, d'un sujet auquel le Sénat est particulièrement sensible. Je le suis tout autant. J'ai maintes fois déclaré que nous étions en phase sur ce sujet. Nous souhaitons, vous comme moi, une école rurale dynamique, qui donne l'exemple et se situe à l'avant-garde de l'école primaire. Cette priorité se traduit de manière quantitative avec des moyens significatifs pour l'école rurale, mais aussi avec des mesures destinées à favoriser son degré d'attractivité - par des regroupements pédagogiques intercommunaux, par exemple. L'école rurale doit ainsi se situer à la pointe de l'enseignement et susciter le désir de s'installer en milieu rural.

Ce budget poursuit, en outre, des mesures de justice sociale qui sont parmi les plus importantes de ce gouvernement, notamment via la réduction du nombre d'élèves dans les classes où se jouent les bases de l'apprentissage. Nous consolidons, à cet effet, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP +. 300 000 élèves sont concernés aujourd'hui par cette mesure. Il s'agit de 20 % d'une classe d'âge qui bénéficiera de conditions privilégiées d'apprentissage. Nous étendons ce dédoublement des classes en grande section de maternelle, conformément aux engagements pris par le Président de la République en avril 2019, à l'issue du grand débat. Ces mesures concerneront, à terme, 150 000 élèves. Nous allons, en parallèle, limiter sur l'ensemble du territoire à 24 le nombre d'élèves par classe pour les classes de grande section, de CP et de CE1. Cette mesure s'appliquera dès la rentrée de 2020.

Nous accueillerons 26 000 élèves supplémentaires, du fait de l'abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans, en application des dispositions de la loi pour une école de la confiance. J'ai souvent plaisir à répéter que vous, mesdames et messieurs les Sénateurs, avez voté à l'unanimité l'article 2 de cette loi. Lors de mes visites à l'étranger, je rappelle ainsi à mes interlocuteurs qu'il s'agit d'un sujet de consensus national.

Ce budget vise, de façon générale, à accompagner l'ensemble des élèves vers la réussite. Nous souhaitons, en effet, que la force du premier degré puisse se répercuter dans le second degré. Le volume d'enseignement dans le second degré public sera maintenu en 2020 grâce à une augmentation du volume des heures supplémentaires. La baisse du nombre de postes dans le second degré - en nombre équivalent à la hausse du nombre de postes dans le premier degré - sera compensée par le recours à ces heures supplémentaires. Il s'agit, pour les enseignants volontaires, d'une mesure de pouvoir d'achat.

Au collège, le budget consacré au dispositif « devoirs faits » monte en puissance progressivement depuis 2017. Nous le consolidons encore. Il fait l'objet d'une enveloppe globale de 247 millions d'euros dans le budget pour 2020. 80 millions d'euros seront pris en charge par l'agence du service civique afin d'indemniser les volontaires du service civique intervenant dans ce cadre. Nous avons également étendu ce dispositif à l'école primaire pour les élèves d'outre-mer. Ce budget renforce donc le soutien aux élèves les plus fragiles socialement. Nous avons aussi augmenté, à hauteur de 5 %, les crédits alloués aux bourses de collèges et de lycées. Cela se traduit par une hausse de 777 millions d'euros en 2020 (231 millions d'euros pour le collège, 411 millions d'euros pour le lycée et enfin 136 millions d'euros alloués à l'aide complémentaire spécifique). Par ailleurs, afin de favoriser la scolarité en internat, le montant de la prime d'internat évoluera en 2020 en fonction de l'échelon de bourse. Le cumul de cette prime et du sixième échelon de bourse sera proche du coût de l'internat. Cette revalorisation représente 7,6 % du financement de la prime d'internat.

Ce budget s'attaque également aux fragilités liées aux situations de handicap. Cette rentrée s'avère, à cet égard, particulièrement décisive. Des moyens supplémentaires ont été dédiés pour favoriser une école véritablement inclusive. Nous avions déjà pris des mesures fortes à la rentrée 2019. Nous allons intensifier nos efforts à la rentrée 2020. Le nombre d'élèves bénéficiant de ces mesures a augmenté de près de 50 % depuis la rentrée 2012-2013. Le ministère consacrera, dès 2020, plus de 3 milliards d'euros par an à l'accompagnement de ces élèves en situation de handicap. Il s'agit d'une hausse de 44 % depuis 2017. Du chemin reste certes à parcourir, mais ce rythme de progression est continu. De tous les budgets qui se trouvent sous la responsabilité de mon ministère, c'est celui qui fait l'objet de la plus forte hausse budgétaire - et ceci de très loin. Cette priorité se traduit notamment par le déploiement de plus de 3 000 pôles inclusifs d'accompagnement spécialisé (PIAL). Ils permettent la coordination des moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et des établissements. La loi pour une école de la confiance crée également un service de gestion dédié aux accompagnants, visant à renforcer leurs compétences professionnelles. Ce budget 2020 réaffirme enfin la détermination sans faille de mon ministère sur la question fondamentale du handicap. Nous souhaitons, dans cette optique, que les personnels soient formés et « déprécarisés », notamment par l'achèvement de la transformation d'ici à juin 2020 des 29 000 contrats aidés en activité (les contrats des auxiliaires de vie scolaire - AVS) en agents recrutés sous contrats AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap). Ce sont actuellement 16 571 agents qui ont été recrutés sous contrat AVS. En outre, nous allons généraliser le recrutement des AESH sur la base d'un contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois - avant signature d'un CDI pour ceux qui le souhaitent. Le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires à la rentrée 2020 est prévu. Enfin, le programme de création des classes ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) se poursuivra en 2020.

La rentrée 2020 sera celle de l'aboutissement de la refonte du baccalauréat ainsi que des programmes du lycée. Je vous rappelle que les bacheliers généraux et technologiques de la rentrée 2020-2021 devront passer ce nouveau baccalauréat. Il s'agit de mieux accompagner nos élèves dans la conception de leur projet d'orientation. Cette réforme leur laisse, à cet effet, plus de choix, de liberté et de responsabilité.

Notre budget vise enfin à renforcer l'attractivité du métier de professeur ainsi que des personnels concourant aux missions d'éducation. Je souhaite particulièrement insister sur l'enjeu de ressources humaines des rentrées 2019 et 2020. Dans la société du XXIe siècle naissent de nouvelles opportunités ainsi que des missions inédites qui touchent l'ensemble de nos personnels. Nous devons, dès lors, réinventer la notion de « professeur du XXIe siècle ». Cette réinvention passe par une gestion efficace des carrières ainsi que par la reconnaissance de l'investissement et du niveau de formation de nos personnels. Comme je l'ai précisé en introduction, le schéma d'emploi de mon ministère a été sanctuarisé. La stabilisation des emplois administratifs doit également être soulignée. Elle vise à accompagner au plus près la mise en oeuvre d'une politique plus qualitative de gestion des ressources humaines, et ce dans un souci de plus grande proximité. Je tiens à préciser, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que l'enjeu de ce budget n'est pas de créer ou de supprimer des postes, mais de faire évoluer qualitativement notre système. Notre ministère a besoin de moderniser son administration.

La hausse d'un milliard d'euros de ce budget est surtout consacrée aux crédits de masse salariale. Ils font l'objet d'une augmentation nette de 823 millions d'euros. 80 % de cette hausse bénéficient directement aux personnels du ministère de l'éducation nationale ainsi qu'à la revalorisation de leurs carrières. 2020 verra une amélioration du pouvoir d'achat de ces personnels. Il s'agit, également comme vous le savez, d'un sujet de dialogue social. Cette hausse de 823 millions d'euros provient pour moitié du déroulé normal de progression des carrières et de l'ancienneté (le glissement vieillesse technicité - GVT). Il se situe à hauteur de 300 millions d'euros. Cela se traduit, concrètement, par des hausses de rémunérations pour les personnels concernés - pour un coût budgétaire de 11 millions d'euros en année pleine. Il existe, en outre, des dispositifs spécifiques, à l'instar de l'augmentation du volume d'heures supplémentaires. Les autres 400 millions d'euros de cette hausse budgétaire se déclineront entre des mesures catégorielles pérennes (300 millions d'euros au titre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunération - PPCR) et la poursuite du soutien aux jeunes professeurs avec une revalorisation des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Nous aurons également dynamisé les parcours de carrières pour 900 000 agents entre 2017 et 2022. 60 000 euros seront alloués à la troisième revalorisation des enseignants de REP +. Entre 2018 et 2020, 137 millions d'euros au total auront été alloués à la reconnaissance de l'engagement de ces professeurs oeuvrant en REP +. Cette troisième et dernière revalorisation, actée en 2020, se traduit par une augmentation de 1 000 euros pour ces personnels. Travailler en REP + devient, à cet égard, très intéressant financièrement. Enfin, une enveloppe indemnitaire de 30 millions d'euros accompagnera les mesures de ressources humaines de l'agenda social, par exemple en améliorant le taux d'accès à la hors classe pour les professeurs des écoles.

Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs les grandes lignes de ce budget. Il concrétise notre engagement pour une école de la confiance pour laquelle nous souhaitons une hausse du niveau de chaque élève et de la justice sociale par le biais de l'éducation. Je vous remercie de votre écoute.

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