Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Derrière cette fraude se dessine une réalité tangible qui, si elle n’écornait pas autant le pacte républicain, pourrait prêter à sourire. Je me fais ici l’écho des nombreux articles parus dans la presse ces dernières semaines, dont l’un avait pour titre : « Fraude sociale : 67 millions de Français, 84 millions de cartes Vitale ». Bien entendu, les chiffres assenés par certains médias doivent impérativement être nuancés ; il est malgré tout permis de s’interroger.

En effet, comment imaginer que le nombre de cartes Vitale actives dépasse le nombre de bénéficiaires effectivement couverts, et ce dans de telles proportions ? Les estimations varient entre 2 et 5 millions. Comment accepter que des personnes utilisent régulièrement une carte Vitale attribuée à une autre ? Comment comprendre que l’Insee recense près de 3 millions de centenaires en France ?

Ces différentes incohérences exigent des réponses, car elles causent un préjudice financier non négligeable à notre système de santé.

Au regard du poids qu’occupe l’assurance maladie dans les dépenses publiques, elles-mêmes déjà considérablement sous tension, notre politique de contrôle et de lutte contre la fraude constitue un enjeu fondamental. En 2015, par exemple, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) évaluait le total des impayés subis par elle à près de 118 millions d’euros. Depuis 2005, l’assurance maladie a mis un terme à 2, 4 milliards d’euros de fraudes ou d’activités fautives.

Si les estimations sont très difficiles à établir en la matière, les occasions de fraude sont, en tous les cas, nombreuses. La France compte en effet 60 millions d’assurés et des centaines de milliers de soignants. Chaque année, près de 1, 2 milliard de feuilles de soins sont établies et quelque 500 millions d’actes médicaux sont pratiqués.

J’en suis convaincu : la carte Vitale biométrique serait un instrument de lutte contre la fraude à la carte Vitale classique, grâce à l’image numérique des empreintes digitales du titulaire qu’elle contiendrait.

En outre, cette lutte revêt une dimension morale : nous nous devons de la renforcer, dans la mesure où la fraude porte atteinte à l’intérêt général, abîme la solidarité nationale et amoindrit notre contrat social. Aussi, quand bien même son coût pour les dépenses publiques serait modique, la fraude n’est pas, et ne doit pas être, une variable d’ajustement.

Il n’est en aucun cas question de stigmatiser ceux d’entre nous qui sont les plus défavorisés ou de flécher telle ou telle partie de la population. Il s’agit, en revanche, de préserver un principe : l’intérêt général, en vertu duquel les droits accordés au citoyen impliquent en contrepartie des devoirs, au premier rang desquels celui de ne pas frauder. Ne pas chercher à préserver ce principe, c’est mettre en danger l’intérêt collectif et la pérennité de notre système de soins.

Lorsque nous échangeons avec les professionnels de santé, nous constatons que beaucoup d’entre eux sont démunis face aux usurpations d’identité au moyen de la carte Vitale. Leur rôle n’est d’ailleurs pas d’effectuer des contrôles. La mise en place d’une carte Vitale biométrique devrait leur permettre de se protéger face à ce type de situations frauduleuses.

Je conclus en saluant les suggestions formulées par notre rapporteure : à mes yeux, elles constituent une bonne solution. Chère Catherine Deroche, je saisis cette occasion pour souligner la qualité de votre travail, …

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