Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de nos collègues Philippe Mouiller, Bruno Retailleau et Alain Milon tendant à instituer une carte Vitale biométrique.

Comme il s’agit d’un sujet sensible, susceptible de déclencher promptement des procès d’intention, je tiens à rappeler que les débats au sein de la commission des affaires sociales ont permis l’émergence d’une solution approuvée, sinon par tous les groupes, du moins par la majorité d’entre eux.

Ensemble, nous nous sommes entendus pour réaffirmer la nécessité, dans des temps critiques où les fondements de notre pacte républicain sont plus fragilisés que jamais, de raffermir le juste versement des droits à travers la sécurisation des titres qui y donnent accès.

Ensemble, nous sommes convenus qu’il était vain et stérile d’opposer les fraudes entre elles, qu’elles soient sociales ou fiscales, alors qu’elles procèdent toutes du même fléau.

Certes, les moyens mis en œuvre pour lutter contre la fraude doivent rester proportionnés au préjudice financier qu’ils combattent ; mais tout acte frauduleux, quelle que soit son ampleur, porte une atteinte intolérable à cette juste attribution des droits.

Il convient de rappeler que la carte Vitale ouvre droit uniquement à des prestations d’assurance maladie, non aux autres prestations sociales, qui participent elles aussi de la fraude sociale. Cela étant, son usage abusif ne fait pas qu’obérer le budget de la sécurité sociale : il touche la solidarité nationale au cœur tout en entretenant doutes et suspicions.

Certes, le préjudice financier lié à la fraude à la carte Vitale n’est peut-être pas le plus significatif, mais des incertitudes demeurent quant à son chiffrage. En outre, cette fraude est l’une de celles dont l’occurrence est la plus fréquente ; et c’est celle qui porte le plus visiblement atteinte à la solidarité nationale. C’est donc à un dommage aussi financier que symbolique que le présent texte entend s’attaquer.

La proposition de loi initiale défendait une idée ambitieuse : substituer des cartes Vitale biométriques à l’ensemble des cartes Vitale existantes. La commission est attachée à ce principe ; elle a néanmoins estimé nécessaire d’y apporter quelques aménagements afin d’assurer sa réalisation.

Compte tenu de la sensibilité de la question biométrique, la commission n’a pas souhaité que l’attribution généralisée de cette nouvelle carte Vitale donne lieu à la constitution d’une base de données où seraient consignées les empreintes digitales numérisées de tous nos concitoyens. Un tel instrument nous exposerait à de multiples risques : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’a pas manqué de nous le rappeler.

Par ailleurs, l’attribution d’une carte Vitale biométrique doit tenir compte des chantiers déjà lancés par le Gouvernement en la matière. Je pense notamment à l’expérimentation déployée dans les départements du Rhône et des Alpes-Maritimes d’une carte Vitale dématérialisée, laquelle présente quelques similitudes avec la carte Vitale biométrique, sans toutefois se confondre avec elle.

Certes, la carte Vitale dématérialisée fait intervenir l’élément biométrique, mais uniquement lors de l’enrôlement : le bénéficiaire est alors invité, et non contraint, à une identification biométrique lors de l’attribution de la carte, dont l’usage sera par la suite simplement conditionné à la présentation de son téléphone portable.

Cette piste est intéressante, mais elle ne garantit pas vraiment la stricte identification. Les téléphones se prêtent certes moins facilement que les cartes Vitale actuelles. Toutefois, ils circuleront sans aucun mal dans les cercles intrafamiliaux, qui sont précisément ceux où la fraude est la plus pratiquée.

De plus, l’attribution fondée sur le volontariat et la distribution limitée aux seuls bénéficiaires équipés d’un support mobile nous feraient, sans aucun doute possible, manquer la cible que notre proposition de loi a identifiée comme devant être visée par la biométrie, à savoir les fraudeurs.

Pour autant, nous n’avons pas souhaité, par réalisme, que notre proposition « écrase » l’expérimentation en cours. La commission a même considéré que les deux dispositifs pourraient être utilement déployés de concert : l’on pourrait ainsi livrer, d’ici un an, leurs résultats comparés.

C’est le sens de la modification que nous avons apportée à l’article 1er, en substituant à la carte Vitale biométrique généralisée une carte Vitale biométrique expérimentale, testée dans un nombre limité de territoires.

En revanche, et dans l’esprit du texte initial, il nous a paru important de conserver le caractère obligatoire de l’enrôlement. En effet, nous restons persuadés que l’outil biométrique doit, à terme, servir à la stricte identification du bénéficiaire pour tout usage de sa carte, afin que soient bel et bien anéantis les risques de fraude en obtention des droits.

Un enrôlement total permettra de mettre un terme au problème persistant des cartes surnuméraires, dénoncé dans leur rapport par nos collègues Mmes Nathalie Goulet et Carole Grandjean.

Mes chers collègues, tel est le sens des modifications que nous avons apportées à cette proposition de loi. Nous en avons conservé le principe et n’en avons modifié les contours, avec l’accord de ses auteurs, que pour permettre son effectivité !

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