Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mise en place d’une carte Vitale biométrique, sujet récurrent depuis quelques années, a principalement pour objectif de limiter deux types d’abus.

En premier lieu, un tel dispositif rendrait extrêmement difficile, voire impossible, la circulation de cartes frauduleuses. Comme le rappelaient les journalistes de Libération dans un article consacré au sujet en 2016, les 100 millions de cartes pointés du doigt par l’IGAS en 2004 étaient non pas des cartes frauduleuses, mais des cartes en surnombre.

Ce surplus de cartes Vitale résultait en effet d’un changement de régime ou de région des bénéficiaires, qui entraînait presque systématiquement la création d’une nouvelle carte, sans restitution de la précédente. Ces anciennes cartes existent toujours, mais sont devenues inactives. Par ailleurs, les contrôles effectués dans le système d’information bloquent les flux portés par les fausses cartes.

La lutte contre les cartes frauduleuses ne me semble donc pas être le cœur du problème.

En second lieu, l’objectif d’un tel dispositif est d’éviter que des personnes ne fassent usage d’une carte valide dont elles ne seraient pas titulaires.

Ce problème préoccupant demeure à ce jour sans réponse. Le remplacement des cartes actuelles par des cartes Vitale biométriques permettra-t-il de le résoudre ?

D’un point de vue théorique, je suis tenté de répondre par l’affirmative puisque falsifier des empreintes digitales est compliqué et nécessite une certaine technicité.

De plus, le système biométrique n’est pas nouveau : il existe déjà pour les cartes d’identité et les passeports. Néanmoins, c’est justement cette analogie qui suscite un certain nombre d’interrogations.

Chacun connaît les portiques Parafe de vérification des passeports biométriques utilisés dans les aéroports. Devrions-nous équiper l’ensemble des hôpitaux, des cliniques, des cabinets médicaux ou encore des cabinets de professions paramédicales de cette technologie ? Qui financerait alors le coût de l’installation et de la maintenance ?

On peut concevoir un tel investissement à l’échelle d’une grande structure, comme un hôpital, mais quid des professions libérales, comme les médecins ou les infirmiers ? Comment contrôler les patients qui ne peuvent se faire soigner qu’à domicile ?

Au-delà des infrastructures nécessaires, il faudrait également mobiliser du personnel pour contrôler l’utilisation des appareils de lecture par les usagers, afin d’éviter que la carte ne serve à un bénéficiaire autre que son titulaire.

Enfin, il faudra également renouveler intégralement l’ensemble des cartes Vitale actuellement en circulation.

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, posait donc des problèmes importants en termes de coûts de fabrication, d’achat de matériel et de mobilisation de personnel, qu’il paraissait extrêmement difficile d’évaluer avec précision.

Consciente de ces difficultés, la commission des affaires sociales a jugé utile de modifier le texte initial et de proposer une expérimentation sur une période limitée à douze mois et à un certain nombre d’organismes gestionnaires de l’assurance maladie.

S’il paraissait hautement périlleux de s’engager à mettre en œuvre ce dispositif à grande échelle sans avoir au préalable une idée de son coût réel, une expérimentation limitée dans le temps et à un certain nombre de bénéficiaires me semble en revanche être une manière efficace d’en mesurer les effets.

Il nous appartiendra, dans un second temps, d’évaluer cette expérimentation pour décider de l’intérêt de sa généralisation, qui serait probablement progressive.

En somme, les membres du groupe RDSE ne sont pas opposés au texte proposé par la commission des affaires sociales et voteront majoritairement en faveur de son adoption.

Je tiens cependant à souligner que nous ne devons pas perdre de vue que notre objectif ultime doit être de mieux lutter contre toutes les fraudes et non pas seulement contre certaines d’entre elles. Il est également indispensable de se saisir du problème de la fraude fiscale, dont le coût est estimé entre 60 et 100 milliards d’euros par an, et sur laquelle nous attendons les résultats du rapport de la Cour des comptes commandé par le Premier ministre en début d’année.

La lutte contre les fraudes de toutes natures doit constituer une priorité, car elles pèsent lourdement sur les finances publiques et représentent, très probablement, un manque à gagner de plus de 100 milliards d’euros pour l’État, pour les collectivités locales et donc pour l’ensemble des citoyens.

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