Intervention de Bernard Bonne

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion générale

Photo de Bernard BonneBernard Bonne :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une carte Vitale biométrique pour lutter contre les fraudes à la sécurité sociale : l’idée ne date pas d’aujourd’hui. Nicolas Sarkozy, alors candidat, l’avait soutenue en 2012 ; puis, dès 2015, certains de nos collègues avaient déposé une proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale, dont l’article 12 prévoyait la mise en œuvre d’une telle carte.

Le texte que nous examinons cet après-midi tend à sécuriser le dispositif de remboursement des soins, souvent soupçonné d’être massivement utilisé à des fins frauduleuses.

On peut considérer qu’il y a fraude à l’assurance maladie de la part des assurés dès lors qu’il y a, chez le fraudeur, conscience de percevoir des indemnités injustement versées. Les sanctions encourues sont lourdes : le code de la sécurité sociale prévoit une amende pouvant atteindre 5 000 euros.

Si la circulation de fausses cartes Vitale relève davantage du mythe, l’utilisation de cartes Vitale par des personnes qui n’en sont pas les titulaires apparaît, en revanche, comme une évidence, de même que l’utilisation de leur carte Vitale par des personnes ne résidant plus en France. Il n’est pas aisé de chiffrer ces fraudes potentielles, comme l’ont souligné notre collègue Nathalie Goulet et la députée Carole Grandjean lors de la présentation du pré-rapport de leur mission sur la lutte contre la fraude sociale.

Je rappelle que, pour bénéficier des prestations sociales, il faut répondre à des conditions d’existence, de résidence et de ressources. La CNAM mène chaque année des campagnes de contrôle de la situation des assurés sur la résidence desquels elle ne dispose pas d’informations récentes ; entre janvier 2018 et mars 2019, elle a ainsi procédé à la fermeture des droits de 130 000 personnes.

Face à un préjudice lié à la fraude qui se situerait aux environs de 120 millions d’euros, nos deux collègues parlementaires ont présenté un certain nombre de propositions, notamment la limitation à deux ans de la durée de validité des cartes Vitale, avec reconduction sous conditions.

La proposition de loi soumise à notre examen va plus loin encore : il s’agit de remplacer la carte Vitale actuelle par une carte d’assurance maladie électronique et biométrique. En d’autres termes, on inclurait dans la puce les données biométriques du patient, comme ses empreintes digitales. Cet enregistrement serait accompagné des informations relatives à l’identité, au sexe, à la taille et à la couleur des yeux du titulaire, ainsi que de sa photographie.

Ce dispositif nécessitera la mise en œuvre d’un traitement des données à caractère personnel, et seuls les agents habilités des organismes de sécurité sociale pourront accéder à ces informations, conservées pour une durée maximale de dix ans.

Reste que la mise en place d’une telle carte biométrique pose un certain nombre de difficultés pratiques.

D’abord, le recueil des empreintes risque d’être coûteux pour les organismes sociaux et l’État. Certes, le texte prévoit d’y remédier par une taxe additionnelle sur le tabac ; mais il y a fort à parier que le relevé des empreintes sera assuré pour partie par les collectivités territoriales, avec des conséquences financières pour elles.

Ensuite, l’expérimentation en cours de la carte Vitale dématérialisée via le téléphone mobile, la e-carte, qui fait aussi intervenir des éléments biométriques, mais seulement sur la base du volontariat, doit être poursuivie, afin de mesurer l’adhésion de la population à un tel dispositif.

Enfin et surtout, inscrire des données biométriques sur la carte Vitale n’aura d’intérêt que si elles sont vérifiées au moment de l’utilisation de celle-ci, pour éviter toute usurpation d’identité. Or si l’on peut imaginer des lecteurs d’empreintes digitales dans les hôpitaux, cette solution semble difficilement applicable dans les cabinets de médecins de ville, surtout en milieu rural. Les médecins pourraient refuser de jouer les contrôleurs, le contrôle des droits des usagers n’ayant pas vocation à entrer dans les missions des personnels de santé, déjà surchargés de démarches administratives.

Il est vrai aussi que, si la carte Vitale donne un jour accès au dossier médical personnalisé du patient, la recherche de moyens utiles à la vérification de l’identité de ce dernier est primordiale.

C’est la raison pour laquelle l’amendement adopté par la commission sur l’initiative de la rapporteure, visant à expérimenter le nouveau dispositif sur un territoire donné, va dans le bon sens !

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