Intervention de André Reichardt

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Carte vitale biométrique — Discussion générale

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons certainement tous à l’esprit des exemples d’utilisation frauduleuse de cartes Vitale racontés par des personnels soignants de notre connaissance. La fraude plus fréquente et assurément la plus visible depuis qu’une photo figure sur cette carte concerne les personnes soignées qui ne sont pas réellement les titulaires de la carte Vitale présentée.

L’objectif de ce nouvel outil, la carte Vitale biométrique, est donc louable. Il s’agit de remédier à ces abus avec un dispositif plus sécurisé intégrant des données d’identification supplémentaires à celles qui existent, plus précisément les empreintes digitales et certaines données morphologiques : couleur des yeux, taille et sexe.

Ce dispositif m’inspire, à titre personnel, quelques inquiétudes et quelques questionnements.

D’une part, la mise en œuvre de la carte Vitale biométrique ne répondra naturellement qu’à une petite partie de la fraude actuellement constatée : la fraude ayant trait à l’identité du patient. Or ce type de fraude, d’après le récent rapport de Nathalie Goulet et Carole Grandjean, ne représente qu’une partie infime des fraudes à la sécurité sociale.

D’autre part, la généralisation d’un tel outil biométrique représentera indubitablement un coût important. Il convient de s’interroger sur le rapport entre ses bénéfices et son coût, au regard notamment du ré-enrôlement de l’ensemble des bénéficiaires qu’il impliquerait. La commission y a réfléchi et nous fait une proposition.

Enfin, la mise en place de cet outil ne saurait être efficace que si le contrôle de l’identité se fait réellement. Concrètement, y aura-t-il des scanners d’empreintes digitales chez les médecins, dans les hôpitaux, les pharmacies et les autres lieux d’utilisation de la carte Vitale ? Alors que l’adhésion du personnel médical est indispensable pour rendre efficace ce nouvel outil, les médecins, nous le savons, préfèrent soigner plutôt que de procéder à des vérifications d’identité.

Serait-ce aux caisses seules qu’il reviendrait de contrôler la fraude ? Ce type de contrôle ne pourrait être que partiel, les caisses n’étant pas en contact physique avec les patients. Si donc les personnels de santé considèrent qu’il n’est pas de leur ressort de vérifier l’identité d’un patient, ne conviendrait-il pas d’aller plus loin en créant un document unique, une forme de « super carte d’identité », incluant les informations de la carte d’identité et de la carte Vitale, bref, du deux en un ?

Attentatoire au principe de solidarité qui fonde notre système de protection sociale depuis l’après-guerre, la fraude sociale doit naturellement être combattue. Par ailleurs, dans le contexte économique et social difficile que nous connaissons depuis plusieurs années, nous avons l’obligation de nous atteler à éliminer toutes les formes de fraude qui réduisent nos capacités budgétaires.

Toujours est-il que le rapport Goulet-Grandjean décrit une fraude désormais variée, généralisée, parfois organisée. À cet égard, si la prévention reste l’une des meilleures armes pour lutter contre la fraude, les fraudeurs sont de plus en plus inventifs et ne cessent de repousser les limites de leurs pratiques. Dans ce contexte, jusqu’où les informations d’authentification devront-elles aller pour éliminer toute fraude ?

Pour qu’elle soit toujours plus sécurisée, mes chers collègues, faudra-t-il un jour adjoindre à la carte Vitale des informations relatives à la reconnaissance faciale, à la voix et à l’ADN, voire aux caractéristiques comportementales, puisqu’il semblerait que nos attitudes aussi composent pour chacun d’entre nous une signature unique ?

Pour l’heure, je suis bien entendu favorable à cette proposition de loi, que j’ai cosignée. Je souhaite vivement, madame la secrétaire d’État, si tant est que vous changiez d’avis, que le décret retienne l’Alsace comme terre d’expérimentation, en raison à la fois de son caractère frontalier, qui favorise une fraude transfrontalière forte, dont le rapport Goulet-Grandjean fait état, et du fait qu’elle accueille nombre de migrants en provenance de tous les pays d’Europe et que nous renvoient gentiment nos amis d’outre-Rhin.

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