Intervention de Marc Fesneau

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Marc Fesneau :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au vu des aléas climatiques et face aux risques de crues et à l’intensité de leurs effets, la logique de la Gemapi est forte et solidaire.

La gestion des cours d’eau et celle du risque d’inondation sont liées. Elles nous obligent à penser de conserve la gestion des zones d’extension naturelle des crues et l’entretien des ouvrages de protection contre les inondations. Elle appelle à un défi technique, d’ingénierie et financier. C’est la raison pour laquelle la gestion de l’eau et la prévention des inondations devaient être rapprochées. Je suis donc heureux du débat que nous avons aujourd’hui sur ce sujet.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, avait introduit par la voie d’un amendement sénatorial la compétence Gemapi, et en avait confié la gestion, à titre exclusif et obligatoire, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Je le dis au passage, nous avions trouvé là une utilité aux établissements d’intercommunalité, car nous avions estimé à l’époque, ce qui ne peut pas être remis en cause aujourd’hui, que c’était dans cet espace que la solidarité pouvait s’exercer, et ce à compter du 1er janvier 2018 et au plus tard le 1er janvier 2020.

Vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, très vite, des problèmes – j’en ai été un des praticiens à l’époque ! – se sont fait jour – organisationnels, de gouvernance et financiers –, alors même que l’amendement sénatorial avait prévu l’introduction d’une taxe additionnelle pour financer cette compétence.

La proposition de loi, promulguée le 30 décembre 2017, que j’ai eu l’honneur de défendre et que je vous remercie d’avoir citée – nous avons il est vrai beaucoup travaillé sur ce texte avec l’ensemble des groupes Sénat –, visait à prévoir plusieurs assouplissements pour tenir compte des réalités vécues sur les territoires. Elle partait du constat qu’il fallait préserver ce qui fonctionne. Ainsi la loi dispose désormais que les départements et les régions assurant une ou plusieurs des missions attachées à la compétence Gemapi peuvent poursuivre leurs engagements en la matière au-delà du 1er janvier 2020 – je pense, en particulier, à la prévention des inondations sur les côtes. Un certain nombre de départements étaient très engagés. Le texte tel qu’il était rédigé initialement ne leur permettait plus de poursuivre les actions menées.

Par ailleurs, les cours d’eau, comme les crues, s’ordonnancent et se développent à une échelle qui leur est propre, celle des bassins versants. Elle échappe parfois à la logique des découpages administratifs.

Dès lors, les limites administratives des collectivités territoriales ne sont pas adaptées à la disposition géographique des bassins. C’est la raison pour laquelle elles se sont réunies dans des syndicats mixtes, des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Épage) ou des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). C’est au sein de ces établissements qu’elles ont appris à travailler ensemble dans le cadre d’une coopération territoriale visant l’efficacité des politiques de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

La loi a donc introduit la possibilité de transférer ou de déléguer à un Épage ou à un EPTB une partie seulement des actions relevant de la Gemapi. De même, elle étend cette possibilité en cas de transfert de la compétence à un syndicat mixte de droit commun.

Enfin, la loi étend désormais à la prévention des inondations les missions d’animation et de concertation, ainsi que l’assistance technique mise par les départements à la disposition des EPCI ne disposant pas des moyens techniques suffisants pour exercer leurs compétences. Nous avons souhaité en effet pouvoir conforter les collectivités et les aider à prévenir les inondations.

C’est ainsi que le décret du 14 juin 2019 relatif à l’assistance technique est venu relever le plafond d’éligibilité des intercommunalités à l’assistance technique de 15 000 à 40 000 habitants, conformément à l’arbitrage rendu par le Premier ministre.

Où en sommes-nous ?

La compétence Gemapi, vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, se structure progressivement et de manière différenciée : l’organisation de la compétence est aujourd’hui stabilisée ou en voie de l’être. Reconnaissons donc que la dynamique est enclenchée. Toutefois, nous constatons des disparités assez fortes entre territoires.

En matière financière, l’article 56 de la loi Maptam du 27 janvier 2014 a instauré la faculté, pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, d’instituer la taxe Gemapi pour assurer l’exercice de leur compétence en la matière. Cette compétence est obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018.

La taxe Gemapi est un outil de financement puissant, clairement identifiable par la collectivité et par le redevable – le montant que ce dernier acquitte est explicitement mentionné dans son avis d’imposition –, et qui contribue à la simplicité du financement de la compétence. La taxe Gemapi est affectée aux dépenses afférentes à la compétence et est plafonnée à 40 euros par habitant. J’entends ce que vous dites par ailleurs sur la question du financement, mais ce sont des moyens qui avaient été prévus par le législateur au Sénat.

Une simple délibération de l’EPCI à fiscalité propre permet d’instituer la taxe, qui lui garantit une source de financement fiable dans la mesure où, d’une part, il adopte un produit et non un taux et où, d’autre part, la taxe est assise sur des impositions directes locales émises par voie de rôles et recouvrées par les services de l’État.

La taxe Gemapi a connu une montée en puissance sensible depuis 2017. Son rendement est passé de 25 millions d’euros en 2017 – vous avez été parmi les précurseurs – à 155 millions d’euros en 2018. Il atteindra près de 190 millions d’euros en 2019. En théorie, plafonné à 40 euros par habitant, le rendement maximal de la taxe Gemapi – sans inciter à quoi que ce soit – pourrait atteindre plus de 2, 5 milliards d’euros. Par conséquent, cet outil reste mobilisable pour les intercommunalités.

En 2019, ce sont 556 EPCI à fiscalité propre qui ont adopté un produit de taxe Gemapi, soit 44 % du total. Ces EPCI regroupent une population de 32 millions d’habitants.

Pour conclure et avant de répondre aux différentes questions qui me seront posées, je voudrais dire que les orientations que nous avions prises avaient d’abord une visée pratique, sans renoncer à l’ambition de disposer d’un acteur unique chargé de conduire cette politique publique à travers les EPCI à fiscalité propre.

L’enquête lancée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) auprès des préfectures en novembre 2018 et le suivi de la compétence montrent que les acteurs souhaitent désormais une stabilité dans les textes et un accompagnement de la mise en œuvre de la Gemapi.

Il me semble primordial de faciliter et de simplifier la mise en œuvre de la Gemapi en tenant compte des réalités locales et en faisant preuve de pragmatisme.

Les collectivités locales se sont approprié de manières différentes ces compétences. D’abord, parce que certaines étaient directement et très régulièrement confrontées aux problèmes d’inondation. Ensuite, c’était un formidable outil, mais il s’agissait parfois d’une compétence « orpheline », pardonnez-moi l’expression, ou pas exercée par les communes – on savait qu’un jour ou l’autre on pourrait avoir à l’exercer. Malheureusement, les aléas climatiques de plus en plus nombreux, de plus en plus fréquents et de plus en plus répartis sur le territoire amènent les collectivités à se saisir davantage de la question.

Les services de l’État restent pleinement mobilisés pour accompagner les collectivités locales dans la prise de compétence Gemapi, en particulier dans les territoires où la gouvernance doit encore être confortée. Je pense, notamment, à la question des fleuves – j’en connais quelque chose ! – ou à la question du trait de côte.

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