Madame la Présidente, Mes Chers Collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission cohésion des territoires.
Si je voulais être lapidaire dans cette présentation, je pourrais vous dire que les crédits sont reconduits de 2019 à 2020 dans leur globalité à l'exception des crédits pour l'ANRU aux sujets desquels, malgré ses dénégations, le Gouvernement ne tient pas ses engagements. C'est le point principal de ce budget. Je l'ai dit à Julien Denormandie lors de son audition. Cela me conduira à vous proposer un amendement de principe.
Évidemment, vous vous en doutez, les choses sont un peu plus compliquées. Derrière cette apparente continuité se cache un changement de paysage qu'on pourrait facilement oublier si on n'avait pas un peu de mémoire. Souvenons-nous qu'il y a 18 mois, le rapport Borloo était enterré, le Gouvernement relançait néanmoins la politique de la ville avec une augmentation substantielle des moyens, + 20 % en crédits de paiement et + 57 % en autorisations d'engagement. Mais, un an après, nous subissons toujours le coup d'arrêt qui a été donné à cette politique. Plus encore peut-être que les moyens, c'est la philosophie même du projet qui manque cruellement. Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport « Vivre ensemble, pour une réconciliation nationale ». Il écrivait : « si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et plus loin « à défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ». Entre les expressions identitaires et les revendications des Gilets jaunes, nous sommes, je crois, au coeur du sujet, notamment dans les quartiers où la tension est forte.
Selon moi, le budget que nous examinons n'est pas à la hauteur de cet enjeu.
Je vais vous présenter les grandes lignes des crédits et vous faire part de deux remarques principales sur l'Epareca et l'ANRU.
Les crédits sont en légère diminution. Les crédits de paiement baissent de 2,07 %. Les autorisations de programme connaissent une évolution plus marquée de - 29,23 % mais cela est dû au fait que toutes les autorisations du quinquennat pour l'ANRU ont été inscrites en 2018 et surtout 2019 (185 millions d'euros) et qu'aucune autorisation n'est prévue cette année. Les crédits sont donc en légère baisse avec des ajustements à la marge.
En matière d'éducation, les crédits s'élèvent à 125 millions d'euros. Au sein de ceux-ci des redéploiements sont opérés pour financer les cités éducatives à hauteur de 31 millions d'euros. Il n'y a donc pas de crédits à proprement parler nouveaux pour ce programme. C'est bien entendu une bonne initiative puisqu'il s'agit de généraliser une expérimentation qui avait réussi à Clichy-sous-Bois notamment et qui figurait dans le rapport Borloo. Il s'agit de construire un projet local pour fédérer les différents acteurs autour de l'école, y impliquer les parents et suivre les enfants jusqu'à 25 ans et leur insertion professionnelle.
Les moyens dévolus au lien social et à la participation citoyenne sont stables à hauteur de 87,4 millions d'euros. Au sein de cette action, j'avais relevé l'an passé le doublement et la revalorisation des postes Fonjep. J'avais exprimé mes doutes sur la possibilité d'y parvenir puisque l'essentiel du coût de ces postes restait à la charge des collectivités et des associations concernées. J'ai eu toutefois des informations encourageantes à l'occasion de mes auditions. Tous les postes devraient être pourvus d'ici la fin de l'année. Cependant, pour une large part, il ne s'agira pas de postes nouveaux. Mais il ne faut pour autant pas voir les choses négativement. Les postes Fonjep sont des postes d'encadrant et d'animateur d'associations. Ils donnent un label de qualité, une reconnaissance et une aide, même limitée, à un tissu associatif qui en a le plus grand besoin.
Concernant l'emploi, ce sont 49,3 millions d'euros qui y sont consacrés, là aussi stables par rapport à 2019. Parmi les actions menées, je voudrais mettre le projecteur sur les Écoles de la deuxième chance. Un peu plus de 15 000 jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ni formation, sont pris en charge avec un taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation de 60 %. Cet effort sera significativement amplifié d'ici 2022 avec la création de 2 000 places supplémentaires. C'est un dispositif à développer.
Je regrette, enfin, la suppression de huit postes de délégué du préfet pour la politique de la ville. Cela me paraît aller à l'encontre de ce que nous vivons sur le terrain.
Je voudrais aborder maintenant deux points qui me semblent importants : le sort de l'Epareca et celui de l'ANRU.
Concernant l'Epareca, comme ce n'est pas un sujet budgétaire, je ne veux pas m'y étendre trop longuement mais je souhaite vous sensibiliser aux conséquences de l'absorption de cet établissement au sein de l'ANCT à partir du 1er janvier. L'Epareca insufflera, paraît-il, à la nouvelle agence sa culture du terrain, du projet et du monde économique. Je voudrais y croire ! Ceci étant les professionnels du commerce ne seront pas représentés au conseil d'administration de l'ANCT et pour l'instant aucune procédure n'est prévue pour les inclure dans le processus de décision. Or, je peux témoigner, en tant qu'ancienne présidente de l'Epareca mais aussi avec toute mon expérience des quartiers, qu'en matière d'implantation des commerces dans les quartiers difficiles, les professionnels ont toujours été précieux dans la conduite des projets et participaient étroitement aux décisions de l'Epareca pour sélectionner les projets les plus pertinents. Si on n'y porte pas remède, ce sont les maires qui se retrouveront en première ligne, sans aucun appui.
Enfin sur la situation de l'ANRU comme l'écrivait crument Jean-Louis Borloo en 2018 : « depuis quatre ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ». C'est vrai que depuis juillet 2018, beaucoup d'efforts ont été déployés pour relancer la machine. L'ANRU s'est remise à travailler. Sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leur projet validé. Cela correspond à huit milliards d'engagements sur les dix milliards du programme. Concrètement, ce sont : 65 000 démolitions, 53 000 reconstructions, 85 000 réhabilitations et 650 équipements, dont 180 écoles rénovées. Je salue bien volontiers ce résultat et le travail considérable qui a été accompli pour rattraper le temps perdu. Cependant, très peu de choses auront été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal alors que la situation est extrêmement difficile. On finance encore de nouvelles études dans des quartiers où l'ANRU intervient depuis plus de quinze ans alors que les habitants attendent des réalisations. C'est un sujet sur lequel Mme Valérie Létard se souviendra que nous avions déjà attiré l'attention.
D'autant que je trouve grave que l'État ne respecte pas son engagement de financement de l'ANRU. Le Président de la République avait affirmé que l'État apporterait un milliard d'euros d'ici à 2031 dans le cadre du doublement du NPNRU et a promis 200 millions d'euros durant son quinquennat. Cette année, l'État aurait dû inscrire 35 millions d'euros, seuls 25 sont au rendez-vous. Au regard du programme c'est peu, mais le signal est extrêmement négatif. Comment imaginer que l'État rattrapera son retard et tiendra sa promesse l'an prochain d'apporter 50 millions d'euros puis 75 millions d'euros l'année suivante ?
À titre personnel, je pense que c'est un véritable plan d'urgence en faveur des quartiers qui serait nécessaire pour améliorer le cadre de vie et rénover des écoles, des collèges ou des centres sociaux. L'État se devrait d'être moteur en avançant sa participation financière. Cela avait été fait par le Président Sarkozy lors du plan de relance.
Dans le cadre de notre commission, je vous propose un amendement moins ambitieux consistant à réinscrire au budget les 10 millions d'euros manquants.
En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 assorti de l'amendement proposé.