Je remercie le groupe socialiste de m'avoir confié, une fois encore, le chef de fil pour l'examen de ce budget. Je souligne que non seulement je ne milite pas pour la notion d'outre-mer mais encore je m'y oppose. J'en parle en l'appelant « ladite outre-mer » et j'attends le moment où on décidera d'arrêter de nous enfoncer dans un frac, un habit qui n'a aucun sens. Je ne suis pas « ultramarine », je ne vis pas dans les « outre-mer » et par respect pour tous les territoires, je préfère que chacun des élus puissent en parler de façon spécifique. C'est, pour moi, un postulat et j'espère qu'un jour l'idéologie qui sous-tend cette perception de nos territoires changera car tout ceci se rattache à la persistance d'un ministère des Colonies. Je n'ai jamais eu l'occasion de me rendre sur un certain nombre de territoires du Pacifique et je ne connais pas leurs besoins et je ne me sens pas vraiment habilitée à parler au nom de ces peuples envers qui j'ai un profond respect. Parler de ce budget me met donc particulièrement mal à l'aise.
J'ai écouté très attentivement, pendant toute cette matinée, les problèmes industriels bancaires et de la politique de la ville qui ont été évoqués par nos rapporteurs budgétaires pour avis. Je vous laisse imaginer la taille XXL des difficultés que nous vivons sur nos territoires éloignés. En matière bancaire, par exemple, nous subissons une double contrainte avec des établissements de crédit qui prennent en compte non seulement le risque entrepreneurial mais aussi un risque territorial. Je vous laisse également imaginer la difficulté voire l'impossibilité de parler d'industrialisation.
Nous examinons aujourd'hui un budget qui se limite, en fait, à deux principaux sujets - les exonérations de charges sociales et le logement - même s'ils sont habillés dans une « tenue sexy », avec, par exemple, l'appellation « conditions de vie » du programme 123. Pour ma part, je ne loue pas le SMA : c'est mieux que rien mais j'estime que les jeunes de mon pays méritent mieux que six à huit mois de formation pour ensuite gagner des bribes de salaires dans des entreprises ou des chantiers d'insertion. Comme l'a rappelé notre rapporteur et président de la délégation de « ladite outre-mer », notre ministre se bat pour défendre nos intérêts et j'éprouve de la compassion pour tous ceux qui s'évertuent à trouver des solutions et changer le regard porté sur nos territoires.
L'exercice auquel nous devons nous livrer, en examinant ce budget, est extrêmement compliqué et plus encore cette année. C'est pourquoi, en plagiant le tire d'un célèbre film, j'ai demandé, en séance publique : « Mais qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu » ? L'année dernière tous les « bouts de gras » fiscaux dont nous pouvions bénéficier ont été décapités. Encore pire, cette année, on voit le prolongement du mécanisme par lequel, avec cette manne collectée par l'État, on semble dire aux outre-mer : « vous allez payer vous-même pour sortir de votre sous-développement ». Mais ce n'est pas en prélevant quelques millions d'euros sur nos contribuables et en les recyclant qu'on va pouvoir combler les énormes écarts par rapport à la moyenne que l'on constate, en particulier en Guyane et à Mayotte.
Je remercie une fois de plus la Présidente Sophie Primas et Mme Dominique Estrosi Sassone d'être venues en Martinique pour constater elles-mêmes que parfois, en croyant récupérer des sommes minimes, on fait tomber en cascade des processus nécessaires à l'amélioration de l'habitat. Je viens d'ailleurs d'alerter une nouvelle fois le Gouvernement sur la situation de l'habitat insalubre dans le quartier de la Petite-Rivière-Salée car on m'avait promis une réponse en octobre dernier.
Je remercie également tous mes collègues qui visitent de plus en plus nos territoires et reviennent pour témoigner de la situation inacceptable qu'ils constatent : hier, de retour de Guyane, mes collègues se sont étonnés que nous restions si modérés face aux conditions révoltantes dans lesquelles nous vivons. Je vous appelle donc à aller sur place : les voyages sont une cure de jouvence et permettent de ressentir personnellement l'ampleur des difficultés et à rester à nos côtés quand nous proposons des solutions ; c'est la meilleure forme de respect que vous puissiez nous accorder. Nous sommes français mais nous ne sommes pas vraiment la France compte tenu des écarts que nous connaissons et qu'aucune région hexagonale n'accepterait.
Je conclue mon propos en rappelant que « la relation qu'on a avec quelqu'un dépend du regard qu'on lui porte »