Je peux attester de la qualité des gendarmes en Guyane, ayant moi-même servi quatre ans à Kourou. La gendarmerie est un corps d'élite, qui trouve ses origines dans une décision de François 1er de regrouper les différents corps d'armes au sein de la toute nouvelle Maréchaussée. Napoléon a élevé la gendarmerie au rang des corps d'élites, défilant à la droite de toutes les armées. Ce n'est pas pour rien qu'il en a fait un des deux corps d'élite, avec la légion étrangère, même si cette dernière est semi disciplinaire.
Mme Tetuanui, les règles d'affectation outre-mer des gendarmes sont plutôt à l'honneur des territoires concernés puisque les gendarmes qui sont affectés outre-mer sont les meilleurs. Il faut une notation au moins égale à 8 sur 10 pour avoir une chance d'être affecté outre-mer. Dans les faits, ce sont bien souvent des gendarmes anciennement affectés aux Antilles, en Guyane ou à la Réunion, c'est-à-dire les territoires de la République les plus sanglants en matière criminelle, qui obtiennent une affectation en Polynésie pour les récompenser de leurs états de service. Vous pouvez donc être assurée de la qualité des gendarmes qui y sont affectés et qui y exercent d'importantes responsabilités : ils doivent faire preuve de beaucoup d'autonomie et prendre des décisions rapidement et seuls, donc y sont affectés les meilleurs.
Je confirme, dans la lignée des propos de Thani Mohamed Soilihi, la viabilité de l'expérimentation conduite à Mayotte, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie afin de regrouper outre-mer la police aux frontières et la sécurité publique en une même direction. Je pourrais vous faire visiter en Guyane des endroits, à Saint-Laurent du Maroni comme à Mana, où le gendarme est aussi un peu huissier, assistante sociale et infirmier. Le volet social de leur mission est indéniable.
Je partage les inquiétudes de nos collègues sur la qualité du recrutement. Je confirme que la sélectivité aux concours de police et de gendarmerie décline. Dans la gendarmerie, mais surtout dans la police, le nombre de candidats aux concours par poste offert se réduit d'année en année. Le vivier beaucoup moins large de candidats, combiné à une hausse des effectifs, induit mécaniquement le recrutement de profils inadéquats, ce qui conduira forcément à des dérapages si le profil des personnes recrutées n'est pas celui qu'on est en droit d'attendre et si les personnels sont insuffisamment formés. Concrètement, on se contente parfois de vérifier qu'ils sont alphabétisés pour les recruter. Face à l'adversité, la qualité du recrutement est pourtant un aspect essentiel.
C'est un métier qui n'intéresse plus personne. Entre les conditions qui amènent à subir des agressions, des incivilités, l'image donnée par les médias et les conditions de vie liée à un immobilier dégradé et à des mobilités fréquentes, il n'est pas difficile d'expliquer la crise des vocations. La loi de programmation est attendue par toute la profession. Le suicide, au 15 novembre 2019, de 51 policiers et 14 gendarmes depuis le début de l'année est assez symptomatique. Je me suis rendu à Dijon pour visiter l'école de gendarmerie créée en 2017. L'encadrement présent - État-major, officiers, etc. - m'a confirmé que les conditions de travail avaient une incidence sur leur vie personnelle, d'où un désengagement des jeunes. L'uniforme ne suffit plus à susciter des vocations.
Le problème de la qualité du recrutement est d'autant plus dommageable que la formation continue au sein de la police n'est pas satisfaisante. Au sein de la gendarmerie, des avancées ont été conduites pour améliorer la formation continue : tous les cinq ans, les gendarmes sont obligés de repasser en école pour une remise à niveau.
Pour répondre à Philippe Bonnecarrère, la police avait mis en place un nouveau cycle de travail dit « cycle fort », qui était très coûteux en personnels : 4 000 ETP, ce qui a conduit depuis 2019 à expérimenter un nouveau cycle. En mars prochain, une première évaluation sera conduite et on pourra mesurer plus précisément l'impact sur les effectifs.
Il y a eu un engagement sur le nombre de recrutements, que le Gouvernement veut tenir, mais le problème des forces de sécurité n'est pas tant quantitatif. Je vais peut-être vous surprendre, mais ce fut une bonne chose à une période de baisser les effectifs. Il vaut mieux cinq agents de qualité que dix personnes qui présentent des insuffisances. J'ai pu constater à Dijon les dysfonctionnements provoqués chez les gendarmes par l'affectation de personnels supplémentaires, avec deux nouvelles compagnies qu'il faut loger et nourrir sans aucun moyen de fonctionnement supplémentaire.
Pour répondre à une autre de vos questions, les mesures catégorielles auront un impact sur les prochains exercices, puisqu'elles prévoient des augmentations salariales pérennes. L'augmentation salariale, qui n'est vraiment pas superflue sur le plan humain et social, pèse toutefois sur les dotations d'investissement, qui sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie et de travail.
Madame Costes, effectivement, la nuit, dans certaines zones, les brigades sont fermées et c'est le centre opérationnel de la gendarmerie, autrement dit le commandement du département, qui prend le relai dans le traitement des appels et qui redistribue ensuite. Ce redéploiement a été décidé en fonction de la nature et de la fréquence des interventions. Cela augmente donc les délais d'intervention.
Pour finir, j'ajouterai que nous avons un problème d'attractivité de certains territoires, notamment en Île-de-France. Tous les personnels en sortie d'école y sont affectés pour combler les vacances de postes, mais la plupart veut en partir dès que possible. Cela crée des difficultés car seuls des jeunes, avec peu d'expérience, travaillent dans ce territoire.
Je vous propose en tout cas un avis défavorable au regard des insuffisances de ce budget.