Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 novembre 2019 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Je tiens à rappeler, tout d'abord, que le taux de chômage a baissé de 0,5 % et 150 000 demandeurs d'emploi ont retrouvé un travail depuis un an, qui s'ajoutent aux 300 000 personnes qui en avaient déjà retrouvé un depuis le début du quinquennat.

Les emplois francs ont mis du temps à décoller, mais durant le précédent quinquennat, seuls 300 contrats ont été signés au total, même si le dispositif était un peu différent. Le dispositif est maintenant bien lancé : entre 15 000 et 18 000 contrats devraient avoir été signés avant la fin de l'année. Le décollage a été lent, car l'expérimentation était initialement limitée à certains quartiers et nous avons eu du mal à faire connaître le dispositif, tant aux entreprises qu'aux personnes visées. L'élargissement à des départements entiers lui a donné un nouveau souffle. Dans un monde idéal, un tel mécanisme ne devrait pas exister, je vous l'accorde, car on ne devrait recruter qu'en se fondant sur la compétence, mais la réalité est qu'à qualification ou expérience égales, les personnes des quartiers prioritaires de la ville ont 2,5 fois moins de chances d'être embauchées. Il est un peu étrange de devoir intéresser financièrement les entreprises, mais si cela permet de casser des stéréotypes et de faciliter l'accès à l'emploi, pourquoi pas ! D'ailleurs, les retours sur les premières cohortes montrent un taux de 80 % de CDI ; une fois passée la barrière de l'embauche, la carrière se poursuit avec succès. J'espère qu'un jour les discriminations auront cessé et qu'un tel dispositif n'aura plus de raisons d'être.

En ce qui concerne l'Acre, nous avions expérimenté le passage à trois ans : on a constaté des effets d'aubaine et des effets de distorsion importants, relevés par les artisans, car des salariés devenaient micro-entrepreneurs pour baisser le coût du travail. Donc nous avons réduit l'aide à la première année d'installation, où les coûts sont les plus importants, pour soutenir vraiment le démarrage, et on a aligné les régimes des micro-entrepreneurs et des indépendants pour supprimer les formes de concurrence déloyale, comme celles observées dans le bâtiment.

Les maisons de l'emploi doivent évoluer, elles avaient été créées à une époque où le service public de l'emploi et Pôle emploi n'existaient pas. Elles offrent une palette de services différents d'un lieu à l'autre, ce qui est très bien, car elles répondent à des initiatives locales. Leur diversité constitue leur richesse et je ne crois pas qu'il faille faire un jardin à la française en la matière. Mais le réseau reconnaît que des évolutions sont nécessaires pour mieux s'insérer dans tous les dispositifs. Le montant de 5 millions d'euros paraît adapté à cet égard. De plus, nouveauté, des maisons de l'emploi ont remporté des appels d'offres dans le cadre du PIC, ce qui leur fournira des ressources supplémentaires.

Les CDD d'usage ont été créés pour des secteurs où l'activité est très fluctuante, difficile à prévoir, mais il y a eu une dérive. Alors que le décret ne vise que treize secteurs, ils sont plus du double à y recourir. De plus, ces CDD sont devenus une solution de facilité pour certaines entreprises qui se dispensent de mener une vraie gestion de ressources humaines, si vous me permettez de rappeler un épisode de ma vie professionnelle, préférant recruter des personnes dans le cadre de CDD d'usage, sans prime de précarité ni priorité à l'embauche et sans délai de carence. Certaines entreprises embauchent pendant 100 jours, voire davantage, la même personne en CDD d'une journée ou de plusieurs demi-journées ! Il y a des abus manifestes. C'est pour cela que nous avons décidé d'instaurer une taxe de 10 euros par contrat. Cela n'aura guère d'incidence pour un contrat de six mois, mais cela sera dissuasif pour ceux qui embauchent la même personne en multipliant les contrats à la journée. Il est vrai que cette mesure peut soulever des difficultés dans certains secteurs, comme le transport. C'est pourquoi l'amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que les secteurs qui auront négocié un accord paritaire, comme l'ont fait les déménageurs, pour éviter les abus, en garantissant un minimum d'heures ou en prévoyant une proposition de CDI si la durée de travail s'allonge, seront exonérés de la taxe. C'est donc un encouragement à la négociation collective, en alliant sécurité et flexibilité.

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