Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 novembre 2019 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Il y aura 1 000 personnes physiques de plus à Pôle emploi. La numérisation fait aussi gagner beaucoup d'emplois administratifs. Au lieu de les supprimer, nous les transformons en emplois de conseil des entreprises. La capacité d'action supplémentaire dépasse donc les 1 000 personnes.

On entend tout un discours sur le risque qu'un nombre important de demandeurs d'emploi aillent vers les minima sociaux au lieu de l'assurance chômage. Nous créons pourtant des droits nouveaux pour les démissionnaires, c'est-à-dire les salariés qui ont travaillé cinq ans au moins, et veulent se reconvertir. Deuxièmement, nous créons un nouveau droit pour les indépendants. Actuellement, un agriculteur, un artisan ou un petit commerçant qui fait faillite n'a rien ! Avec la réforme de l'assurance chômage, depuis le 1er novembre, il touche pendant six mois une aide, certes modeste, puisqu'il n'y a pas de cotisation supplémentaire. Pour les demandeurs d'emploi qui gagnaient plus de 4 500 euros brut par mois, nous baissons les indemnités de 30 % au bout de six mois. Ils seront toujours à l'assurance chômage pendant deux ans, à un niveau élevé - l'un des plus hauts d'Europe, et pendant la plus longue durée. Mais le taux de chômage des cadres est aujourd'hui de 2,8 %, il n'y en a plus que chez les seniors, qui sont protégés dans la réforme.

Il faudra de nouveau, comme il y a dix ans, avoir travaillé six mois dans les deux dernières années pour entrer à l'assurance chômage au lieu de quatre mois. Mais les personnes qui ont déjà quatre mois de contrat ne sont pas les plus vulnérables. On revient, en somme, aux règles d'avant la crise, telles que les avaient définies les partenaires sociaux. C'est, aussi, un des systèmes les plus protecteurs d'Europe. Vu l'offre d'emplois actuelle, très peu de personnes seront en difficulté : beaucoup pourront trouver le mois de plus qu'il leur faut. Ce matin, par exemple, il y a 705 963 offres d'emplois disponibles à Pôle emploi. Ce n'est donc pas une précarisation.

Enfin, en avril seront adoptées des règles pour ceux qui alternent les contrats très courts et l'assurance chômage. Le but sera - et c'est une règle de bon sens - qu'on ne puisse jamais gagner plus à l'assurance chômage que la moyenne de ce qu'on a gagné en étant salarié. Cela ne concerne qu'un demandeur d'emploi sur cinq. Leur capital de droits ne diminue pas, puisqu'ils seront indemnisés plus longtemps.

Il faut donc être précis, car il y a un vrai halo, mais si l'on regarde la réalité de la réforme, on a une vision différente.

Il a été convenu que certains secteurs puissent être exonérés de CDDU, s'il y a un accord conventionnel. Il ne faut pas tout écrire dans la loi, afin de trouver le bon équilibre entre le conventionnel et le législatif sur ce sujet. L'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale fixe deux critères : une durée minimale du CDDU - un tiers des CDD en France couvrent moins d'une journée - et, au-delà d'une certaine durée, l'employeur sera tenu de proposer un CDI. La durée sera définie conventionnellement. Le but est de responsabiliser les partenaires sociaux. Et il y aura un avantage significatif pour les salariés, tout en correspondant à la réalité du terrain. J'ai tendance à faire confiance aux acteurs de la négociation sociale.

Sur la trésorerie des entreprises adaptées, je n'ai pas été alertée.

Sur l'OETH, nous n'avons pas fini le travail d'explication. La réforme responsabilise davantage les employeurs. Il y a toujours autant de sous-traitance, mais les entreprises sont responsabilisées sur les signatures de contrats à l'intérieur de l'entreprise. Beaucoup de chefs d'entreprises ne savaient pas qu'ils n'embauchaient aucun handicapé et pensaient qu'ils étaient en règle. Lorsque c'est entièrement sous-traité, ce n'est pas la société inclusive. Et entièrement à l'intérieur, quasiment aucune entreprise ne le fait. Il y a un équilibre à trouver, et un travail d'explication à conduire.

La loi d'urgence que vous avez votée le 24 décembre dernier a révélé l'existence de la prime d'activité à beaucoup de gens, ce qui a amélioré le pouvoir d'achat de beaucoup de travailleurs modestes. La forte augmentation de la prime d'activité résulte donc de deux effets : un effet de recours au droit des personnes qui avaient droit et ne le savaient pas, et un effet d'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Il faut tenir le coût du travail : on ne peut pas augmenter de 10 % les salaires les plus bas sans mettre en péril l'emploi. Et en même temps, il y a la question du pouvoir d'achat. La France a un système mixte, avec une économie de marché, mais régulée par un accompagnement social. Une prime d'activité, de retour à l'emploi, vaut toujours beaucoup mieux qu'une logique d'assistance, même si cette dernière est toujours nécessaire par défaut, car la prime d'activité relie le social et l'économique.

Sur le programme « Territoires zéro chômeur de longue durée », je suis allée sur le terrain, à Pipriac. La loi de 2016 limite l'expérimentation à cinq ans et à dix sites. Il y a beaucoup de demandes pour de nouveaux sites : il faut changer la loi ! Une loi pour élargir l'expérimentation ne peut se faire que si nous avons un diagnostic partagé sur la réussite du dispositif. L'essentiel du financement de ce programme repose sur le budget de mon ministère - à 90 %. Or nous parlons de 17 000 euros par ETP, auxquels s'ajoutent 5 000 euros pour contribuer à la structure. Un coût de 22 000 euros par ETP représente un investissement social important de la Nation.

Avec l'association, nous voulions d'abord un diagnostic partagé. Nous aurons le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et celui du comité scientifique indépendant, ainsi que l'auto-évaluation de l'association. Sur ces bases, nous verrons ce qui doit être amélioré, ce qui est précieux, ce qu'il faut amplifier. Le but est de proposer une feuille de route commune. En particulier, l'activation des dépenses passives fonctionne-t-elle ? La mobilisation territoriale, elle, fonctionne très bien, notamment dans les zones rurales. Quel est le taux de réinsertion dans l'emploi ordinaire ? Il y a donc des questions. Il faut aussi être sûr que nous ne faisons pas de concurrence aux artisans et aux TPE. Il n'y a que 811 salariés concernés, en tout. Nous avions prévu un budget pour 1 000 salariés. Je ne suis pas sûr que nous les trouvions. La loi avait prévu d'aller jusqu'à 1 700 ETP. Nous prévoyons 1 750 dès 2020.

Nous ne supprimons rien, madame Féret, nous fusionnons plusieurs instances, qui se recoupaient largement dans leur objet. Le Haut Conseil du dialogue social existait parallèlement à la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. Souvent, les mêmes personnes y siégeaient - en tout cas, les mêmes organisations. Nous les fusionnons, mais leurs missions seront reprises intégralement.

L'apprentissage est un sujet qui me tient à coeur. Le Premier ministre a annoncé aux régions que trois enveloppes, pour un total de plus de 500 millions d'euros, seraient transférées chaque année aux régions.

D'abord, une enveloppe de 180 millions d'euros, au titre de l'investissement. C'est ce qui existait déjà. Comme les régions ont également la compétence des investissements dans les lycées, il nous a paru important que ce soit le même décideur public qui soit aux commandes.

Une deuxième enveloppe de 138 millions d'euros sera déléguée aux régions. Le coût au contrat, qui est le nouveau système de financement, est plus favorable de 8 % à ce que faisaient les régions. Certains réseaux, qui étaient inquiets de la réforme, ont même demandé qu'on l'anticipe, tant elle est favorable ! Le résultat est une hausse de 8,4 % du nombre d'apprentis au premier semestre. Tous les CFA bénéficient de la réforme et peuvent se développer sans contrainte. Dans certains départements, la hausse atteint 50 %... En zone rurale, il peut y avoir de petits CFA utiles à maintenir parce que le prochain CFA est à 50 ou 100 kilomètres. L'enveloppe de 138 millions d'euros a été conçue à partir d'une analyse complète de tous les comptes d'exploitation de tous les CFA en France.

Enfin, 200 millions d'euros seront versés au titre de la compensation des régions qui n'utilisaient pas toute la taxe d'apprentissage pour l'apprentissage, mais pour un autre objet, comme prévu par la loi de décentralisation. Nous avons proposé que ce soit l'Assemblée des régions de France qui propose une clé de répartition. Nous attendons ses propositions.

Ces enveloppes figureront dans la discussion du budget chaque année. Ce que fait France compétences, c'est uniquement la discussion détaillée de la répartition de l'enveloppe. À son conseil d'administration siègent l'État, les régions et les partenaires sociaux.

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