Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 novembre 2019 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Le budget pour 2020 ne comporte pas de mesures relatives aux travailleurs de plates-formes. En revanche, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel en comporte certaines.

Plus de 90 % de ces travailleurs veulent conserver un statut de travailleurs indépendants. Mais cela ne signifie pas qu'ils ne veulent pas de protection. Je mets la nuance !

Le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) porté par Mme la ministre de la transition écologique et solidaire comporte une partie relative à l'amélioration de la protection de ces travailleurs. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel contient pour sa part des dispositions relatives au droit à la formation. En effet, de nombreux travailleurs de plates-formes ont eu peu d'autres opportunités professionnelles et sont souvent peu diplômés. De plus, ils ne veulent pas forcément rester travailleurs de plates-formes toute leur vie. Dans le cadre du compte personnel de formation (CPF), directement accessible à l'ensemble des salariés à partir d'un smartphone dès le 22 novembre, ils disposeront de 500 euros par an, comme tous les travailleurs, ainsi que de 500 euros supplémentaires fournis à notre demande par les plates-formes, soit 1 000 euros par an de financement possible pour des formations.

Ces travailleurs bénéficient déjà de l'assurance accident du travail, payée par les plates-formes. En ce qui concerne l'assurance chômage, ils font partie des auto-entrepreneurs ou indépendants dont je disais plus haut qu'ils pourraient bénéficier d'une protection minimale.

Le fait de mettre en place dans la loi des possibilités de chartes définissant des sujets comme le droit à la déconnexion ou le droit de refuser des courses me semble également important. Nous ne sommes pas au bout de ce sujet.

Nous devons aussi le traiter au niveau européen. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire. Les plates-formes sont mondiales. Pour peser dans ce dossier, il faut être fort. Or si l'Europe définit des règles, elles auront un impact dans le monde entier. Nous faisons donc notre part du travail en France, mais cela fait partie du projet européen.

Il s'agit d'une nouvelle forme de travail, qui intéresse de nombreuses personnes, notamment des jeunes. Un système de protection adapté, digne, et similaire à celui appliqué aux autres catégories professionnelles doit donc être mis en place en conséquence.

En ce qui concerne les entreprises d'insertion par le travail indépendant, leur création répond à la demande de certains secteurs d'insertion pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, qui ne sont pas en mesure d'accepter le salariat, car elles ne peuvent assumer une responsabilité, même pour quelques jours. Je pense notamment à Lulu dans ma rue, qui travaille beaucoup avec des chômeurs de très longue durée et des SDF et qui souhaite pouvoir lancer une entreprise de travail temporaire d'insertion (ETTI) afin de leur proposer des « petits boulots » d'une à deux heures. L'idée est de mener cette démarche dans un but d'insertion, afin de les conduire progressivement, en augmentant petit à petit le nombre d'heures travaillées, vers l'emploi ordinaire et le salariat, par le biais d'une formule sur mesure adaptée à leurs besoins. Jusqu'à présent, de telles démarches étaient tolérées, mais le droit actuel ne permettait pas réellement ce genre d'expérimentation, même sous la forme de contrats courts, compte tenu du risque de licenciement auquel ces personnes s'exposent au moindre refus d'accomplir une tâche. Cette formule est réservée à ce type d'association, sous contrôle de l'État.

Par ailleurs, l'absence d'organisation des branches professionnelles en outre-mer a bien été prise en compte dans le travail mené avec les parlementaires pour l'adaptation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel aux spécificités des outre-mer. Ainsi, toutes les branches doivent être représentées dans les opérateurs de compétences (OPCO), mais un opérateur peut représenter plusieurs branches.

L'ordonnance du 28 août 2019 portant adaptation des dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon est publique. Le projet de loi de ratification a été adopté en conseil des ministres le 13 novembre et vous sera présenté courant 2020.

Cette adaptation, que nous avons bâtie ensemble, me semble pertinente et réaliste.

S'agissant des emplois francs, tous les territoires d'outre-mer sont éligibles à leur généralisation depuis le 1er avril 2019. De plus, ces emplois sont effectivement destinés aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui subissent une discrimination à l'embauche, mais ils ne sont pas censés être situés dans ces mêmes quartiers. Leurs bénéficiaires peuvent donc être embauchés partout, en métropole comme en outre-mer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion