Intervention de Michel Vaspart

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « écologie développement et mobilité durable » - programmes « transports ferroviaires collectifs et fluviaux » « transports routiers » « transports maritimes » « transports aériens » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart, rapporteur pour avis sur les transports maritimes :

La politique maritime de la France mobilise six ministères et les services du Premier ministre, dont le secrétaire général de la mer (SG Mer), les trois préfets maritimes et des délégués outre-mer, pour un budget total d'environ 2,15 milliards d'euros.

Je commencerai d'abord par présenter le budget plus spécifiquement consacré aux affaires maritimes et portuaires en 2020, avant d'évoquer trois sujets qui me tiennent à coeur : la situation du sauvetage en mer en métropole et en outre-mer, la compétitivité des ports maritimes et la transition énergétique dans le secteur du transport maritime.

En 2020, les fonds consacrés aux affaires maritimes et portuaires représentent 258,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en légère hausse de 1,2 million d'euros par rapport à 2019, et 257 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), en baisse d'environ 5 millions d'euros.

La stabilisation, pour ne pas dire la stagnation de ce budget, s'inscrit dans la continuité du budget 2019 : pour la deuxième année consécutive, l'État compensera à 100 % les dépenses de dragage des grands ports maritimes et l'administration des affaires maritimes poursuit son programme de modernisation.

Ce budget se répartit en deux volets :

D'une part, l'action 43 du programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui est dédiée aux infrastructures portuaires, pour 100,9 millions d'euros.

D'autre part, le budget des affaires maritimes, porté par le programme 205, qui est stable à 157 millions d'euros en crédits de paiement et en baisse en autorisations d'engagement, à 156 millions d'euros.

S'agissant des grands ports maritimes, des gains de productivité en matière de dragage ont conduit à dégager un solde de 6,2 millions d'euros en gestion, permettant à l'État de financer d'autres dépenses non commerciales des GPM comme certains frais de capitainerie et des frais d'équipement et de personnel pour la sécurité et la sûreté portuaire.

En 2020, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) devrait apporter aux ports des fonds de concours à hauteur de 32 millions d'euros en autorisations d'engagement et 43 millions d'euros en crédits de paiement, principalement dans le cadre des contrats de plans État-régions (CPER). Ces fonds sont passés de 42 millions d'euros par an en autorisations d'engagement en 2016 à 32 millions d'euros aujourd'hui et je considère que leur trajectoire devra être rehaussée pour la nouvelle génération de CPER sur la période 2021-2027 car ils sont insuffisants pour aider les ports à conquérir des parts de marché, sans parler de la perspective d'un transfert de certains GPM aux collectivités territoriales.

S'agissant des affaires maritimes : le programme 205 comporte des crédits « fixes » d'environ 150 millions d'euros chaque année et les 5 % de crédits restants correspondent au plan de modernisation de l'administration des affaires maritimes, qui déploie des mesures spécifiques. Le montant des crédits est quasiment identique par rapport à 2019 mais la ventilation par action est légèrement modifiée.

La moitié du budget demeure dédiée au soutien à la flotte de commerce, avec les exonérations sociales prévues pour le netwage. Les 50 % restants sont répartis entre la sécurité maritime (phares, balises, CROSS) pour 18 %, le financement de la protection sociale et de la formation initiale et continue des gens de mer pour 17 % et le fonctionnement de l'administration centrale et déconcentrée pour 4 %. Enfin, l'action de l'État en mer représente 11 %, en légère augmentation en 2020 pour le paiement du nouveau patrouilleur en Méditerranée acheté en 2019, et de deux nouveaux baliseurs.

Par ailleurs, je rappelle que le schéma d'emploi des affaires maritimes sur la période 2018-2022 prévoit une diminution de 203 équivalents temps plein (ETP), un objectif ambitieux au regard de l'activité des services et du volume total du programme. Les baisses se déclinent à un rythme annuel d'environ 40 à 50 ETP.

Si des innovations technologiques permettent de compenser la suppression de certains postes et d'engendrer des gains de productivité, le point bas est proche d'être atteint. La surveillance de la zone économique exclusive (ZEE) française, le soutien à la compétitivité de la flotte de commerce et le renforcement des contrôles en matière de respect de la réglementation environnementale justifieraient une plus grande mobilisation de crédits et une stabilisation des effectifs.

J'en viens maintenant aux trois sujets spécifiques que je souhaitais aborder en complément.

D'abord, la situation du sauvetage en mer en métropole et en outre-mer. S'agissant de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), le contexte est particulier, avec le drame des Sables d'Olonne cet été et le récent rapport de notre mission commune d'information, présidée par Mme Corinne Féret et dont le rapporteur était M. Didier Mandelli.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement abondant à hauteur de 4,5 millions d'euros les crédits du programme 205 au profit de la SNSM. Ces crédits proviennent du budget général de l'État pour 2 millions d'euros et du budget du ministère de la transition écologique et solidaire pour 2,5 millions d'euros par redéploiement de versements à SNCF Réseau pour la compensation fret.

En lien avec ce sujet, je souhaitais évoquer la situation de la Fédération d'entraide polynésienne des sauveteurs en mer (FEPSM) car nous avons fini par obtenir gain de cause avec notre collègue Lana Tetuani puisque l'État s'est engagé pour l'acquisition d'un nouveau navire de sauvetage. Un versement à parts égales d'une subvention d'un million d'euros est prévu, soit 500 000 euros côté État et 500 000 d'euros pour le gouvernement polynésien.

Deuxième sujet : la compétitivité des ports. Malgré une dynamique positive pour le trafic de fret, nos ports restent très exposés à la concurrence internationale.

Les ports de l'axe Seine (Le Havre, Rouen, Paris) seront fusionnés d'ici le 1er février 2021. Il faut désormais attendre le plan de la préfiguratrice nommée par le Premier ministre qui remettra son rapport d'ici le mois de décembre. Cette décision intervient au bon moment puisque les ports d'Anvers et de Zeebruges ont récemment annoncé leur intention de s'engager dans une fusion. Par ailleurs, le Premier ministre devrait présenter la « nouvelle stratégie portuaire » du Gouvernement au comité interministériel de la Mer de décembre prochain, après l'avoir annoncée en 2017. À ma connaissance, les Sénateurs n'ont pas été associés à la démarche.

L'an dernier, dans notre rapport d'information sur la compétitivité des ports, nous avions d'ailleurs insisté avec le président Maurey sur l'urgence d'établir une stratégie portuaire digne de ce nom face au Brexit, pour la nécessaire transition écologique et numérique du secteur maritime et face aux « nouvelles routes de la soie » chinoises, qui représentent un défi posé à l'ensemble du continent européen, en termes de souveraineté et d'ambition en matière d'investissements.

Je rappelle également que nous engagerons bientôt un travail sur ce sujet, avec une mission d'information dont la composition sera déterminée à la fin de notre réunion. Nous pourrons voir si cette stratégie répond aux enjeux.

Sans trop anticiper sur nos travaux, qui débuteront prochainement, je considère qu'il est indispensable de restaurer un lien de confiance dans ce secteur, entre tous les acteurs : armateurs, fonctionnaires de l'État, opérateurs de terminaux, collectivités.

Troisième sujet que je souhaitais aborder : la transition énergétique dans le secteur maritime. En 2019, j'avais apporté mon soutien à un dispositif de suramortissement fiscal pour les investissements réalisés par les armateurs dans le cadre de l'achat de navires neufs fonctionnant à l'hydrogène et au gaz naturel liquéfié (GNL) ainsi que pour l'achat de biens permettant de traiter les gaz d'échappement (les « scrubber ») et d'alimenter les navires en escale par l'électricité. Une notification à la Commission européenne a rendu nécessaire un ajustement de l'assiette du dispositif, que la Commission a jugé trop large au regard du droit des aides d'État et cette mesure a été inscrite à l'article 13 bis du PLF pour 2020. J'y souscris totalement comme l'ensemble de la profession.

Je salue par ailleurs l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, qui constitue désormais l'article 16 ter du PLF, pour appliquer à l'électricité fournie aux navires stationnés à quai dans les ports, un tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Cette mesure doit soutenir le développement de l'électricité à quai et l'amélioration de la qualité de l'air dans les villes portuaires. Les collectivités territoriales sont déjà mobilisées et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, très exposée, a par exemple annoncé un plan d'investissements de 30 millions d'euros pour électrifier les quais des ports de Marseille, Nice et Toulon.

En conclusion, je propose à la commission de donner un avis d'abstention pour les crédits des affaires maritimes et portuaires en 2020. En 2019 j'avais proposé un avis défavorable en considérant que le budget ne permettrait pas de valoriser le deuxième territoire marin qui est le nôtre. Cette année, les manques sont hélas les mêmes mais pour saluer les efforts réalisés dans l'urgence pour la SNSM et les sauveteurs de Polynésie française et marquer une bienveillance à l'égard des futures annonces du Premier ministre sur la stratégie nationale portuaire, c'est un avis d'abstention que je vous propose.

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