Mes chers collègues, cette année encore, le budget de la gendarmerie nationale nous paraît préoccupant à plus d'un titre. Certes, le Général Lizurey nous a présenté la situation sous un jour plutôt positif, conformément à l' « esprit gendarmerie », qui est de chercher à remplir la mission le mieux possible avec les moyens disponibles. Pour notre part, nous ne sommes pas tenus par la même réserve ! Si les crédits de paiement du programme augmentent de 1,7 % par rapport au PLF 2019, cette augmentation provient essentiellement d'une hausse des dépenses de personnel de 2,5 %. Rappelons que le Président de la République a annoncé la création de 10 000 emplois sur la période 2018-2022 au sein des forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la gendarmerie nationale bénéficie de 527 emplois au titre de 2020. Du fait de cette augmentation, les dépenses de personnel représentent désormais presque 86 % des crédits du programme. Avec un tel ratio, les effets des gels budgétaires sont particulièrement handicapants puisqu'ils impactent d'autant plus fortement les crédits de fonctionnement et d'investissement. Concernant justement ces crédits de fonctionnement, ils stagnent encore cette année. Je rappelle qu'entre 2006 et 2019, les dépenses autres que de personnel de la gendarmerie ont déjà connu une baisse de 6,5 %, pendant que les dépenses de personnel ont augmenté de 35 % ! Le budget de fonctionnement prévu au PLF 2020 permettra ainsi seulement de reconduire les dotations de fonctionnement courant des unités, les loyers de droit commun, le maintien en condition opérationnelle des systèmes d'information et de communication et des hélicoptères, ainsi que l'équipement des unités. Il n'y aura aucune amélioration des moyens dont disposent des gendarmes pour accomplir leurs missions quotidiennes. S'agissant par ailleurs de la réserve opérationnelle, désormais essentielle au fonctionnement quotidien de la gendarmerie, le constat est le même. Il y avait déjà eu de grandes difficultés en 2019. En 2020, il est prévu une réduction de 28 millions d'euros des crédits, ramenés de 98,7 M€ à 70,7 M€. Cette diminution va nécessairement peser sur les capacités opérationnelles. Je laisserai mon collègue Yannick Vaugrenard évoquer plus en détail la faiblesse tout aussi inquiétante des crédits d'investissement, notamment en ce qui concerne les véhicules légers. En effet, sur ce plan également, on est loin du compte avec seulement 1 600 nouveaux véhicules prévus en 2020. Pour ma part, je souhaite évoquer certains résultats de ces « ateliers d'idéation » qui ont permis au cours de l'année 2019 à la gendarmerie de réfléchir à son avenir avec l'appui de 1 500 réservistes citoyens. Le premier atelier portait sur le thème : « dégager des marges nouvelles pour investir ». L'une des propositions qui s'en est dégagée est assez radicale : « contracter significativement le maillage territorial par regroupements d'unités et fermer les brigades de moins de 10 gendarmes ». C'est en fait un sujet qui « est dans l'air » depuis plusieurs années à cause de la baisse des crédits destinés à l'entretien du parc immobilier, réductions qui font désormais craindre des fermetures de locaux pour des raisons de sécurité ou de salubrité. Une telle contraction du maillage territorial permettrait certes peut-être d'obtenir une meilleure rationalisation des moyens. Toutefois, elle signifierait surtout un recul des services publics de proximité, qui semble particulièrement peu pertinent dans le contexte actuel ! Relancer la fonction contact dans les brigades, comme l'a souvent évoqué le Directeur général, c'est une bonne chose, mais encore faut-il qu'il reste des brigades ! L'une des pistes alternatives envisagées pour maintenir une certaine présence territoriale tout en réalisant des économies est de s'appuyer sur la création des maisons « France service », dont 300 doivent ouvrir d'ici janvier 2020. Il s'agirait ainsi de profiter de la densité du maillage des brigades de gendarmerie et des plages horaires larges des gendarmes qui y travaillent pour y installer d'autres services publics. Dans l'esprit de ceux qui la soutiennent, une telle démarche permettrait de mieux rentabiliser la présence d'emprises foncières gendarmiques parfois sous-employées. Pour intéressante qu'elle paraisse, cette solution marquerait une forme de renoncement devant les efforts à fournir pour maintenir le maillage territorial qui fait la spécificité de cette force de sécurité en zone rurale et périurbaine. Il existe en effet une autre possibilité, celle défendue par le rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de police et de gendarmerie de nos collègues Michel Boutant et François Grosdidier : un renforcement des moyens planifié de manière pluriannuelle, via une nouvelle loi de programmation de la sécurité intérieure. La gendarmerie nationale se trouve ainsi en quelque sorte à la croisée des chemins : Soit les prochaines années verront une forte remise en cause de son modèle territorial, en partie compensée par des efforts drastiques de mutualisation avec d'autres services de l'Etat ; soit la Nation décide d'un effort d'ampleur en faveur du service public de la sécurité afin de remettre à niveau l'ensemble des moyens matériels sur lesquels s'appuient la gendarmerie nationale (et la police nationale) - pour remplir leurs missions au service de nos concitoyens. En conclusion, compte tenu de la nette insuffisance des crédits prévus pour le fonctionnement et l'investissement, je vous propose de donner un avis défavorable au programme « Gendarmerie nationale ». Je vous remercie et je passe la parole à Yannick Vaugrenard.