Je souhaite commencer mon intervention en soulignant les conditions de travail difficiles auxquelles sont de plus en plus souvent confrontés les gendarmes. Ainsi, au 30 juin 2019, la gendarmerie enregistre par rapport au 30 juin 2018 une augmentation de +11,5 % des agressions physiques ; une augmentation de +3,7 % du nombre de blessés à la suite d'agressions armées et une augmentation de 11,4 % du nombre de blessés à la suite d'agressions sans arme. Ces augmentations sont inquiétantes et doivent être condamnées fermement. Nous savons que la gendarmerie a eu affaire à forte partie au cours des deux années passées en matière de maintien de l'ordre. Certaines mesures ont été prises. Ainsi, en 2019, la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction générale de la police nationale et la préfecture de police se sont réunies pour élaborer un schéma national de maintien de l'ordre (SNMO), sur la base des enseignements tirés des engagements des derniers mois, avec notamment un accent mis sur la formation des unités spécialisées comme des unités territoriales. Ce travail crucial toujours en cours doit absolument aboutir à un cadre juridique clarifié, adapté à la diversité des situations rencontrées. Autre sujet d'inquiétude pour les gendarmes, la réforme des retraites. En effet, alors qu'il était entendu qu'ils seraient traités comme les autres militaires, donc dans une logique statutaire, une déclaration récente du Président de la République a pu faire craindre que ce ne soit pas le cas. Le général Lizurey a indiqué pour sa part lors de son audition qu'il n'y avait pas d'inquiétude particulière à avoir sur ce sujet. Nous devrons en tout cas rester vigilants sur ce point. Par ailleurs, nous devons certes nous féliciter que le nombre de gendarmes augmente encore en 2020 avec 527 postes créés dans le cadre du plan mis en oeuvre depuis 2017. Toutefois, il faut noter que les gendarmes n'ont pas apprécié que sur les 10 000 postes créés, seulement 2 500 le soient pour la gendarmerie nationale. Une telle différence de traitement ne semble pas vraiment justifiée. En outre, augmenter les effectifs n'a de sens que si les équipements, les matériels et les véhicules permettent à ces nouveaux militaires d'exercer leurs missions. Avec la stagnation des moyens de fonctionnement et la diminution des crédits d'investissement, cela ne sera malheureusement pas le cas. Enfin, mon collègue ayant plus longuement évoqué les crédits de fonctionnement, je souhaiterais évoquer la situation de l'investissement. Alors que la situation n'était déjà pas brillante l'année dernière, on observe encore une diminution de ces crédits, puisque l'on passe de 174 millions d'euros en 2019, montant déjà en forte baisse par rapport à l'année précédente, à 165 millions d'euros dans le PLF 2020. Arrêtons-nous par exemple sur la situation du parc automobile de la gendarmerie. Au 1er janvier 2019, la gendarmerie nationale dispose de 30 350 véhicules dont 26 992 véhicules opérationnels. Le parc automobile présente un âge moyen de 7 ans et un kilométrage moyen de 110 000 km. Le parc deux-roues a un âge moyen de 5,7 ans et un kilométrage de 57 000 km. Un léger rajeunissement du parc a certes pu être constaté depuis 2018 grâce à la sortie prioritaire des véhicules atteignant les critères de réforme. Cela reste toutefois nettement insuffisant. De l'aveu même du ministère, le remplacement idéal serait de de 2 800 véhicules par an, soit environ 60 M€. En réalité, sur la période 2010-2019, en moyenne annuelle, environ 2 000 véhicules ont été acquis. En 2019, l'année en cours, on est à environ 1 950 véhicules. Loin de redresser la barre, au sein du PLF 2020, le budget consacré au renouvellement du parc de véhicules est de 43,6 M€, ne permettant que l'acquisition de 1 550 véhicules légers et 48 véhicules de commandement et de transmission pour la gendarmerie mobile. C'est évidemment très nettement insuffisant, d'autant que les habituels gels de crédit risquent de nous faire descendre bien en-dessous de ces 1 550 véhicules prévus ! J'en viens à présent à la question des investissements immobiliers. Le rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité évaluait à environ 300 millions d'euros la dépense annuelle nécessaire pour entretenir un parc domanial tel que celui de la gendarmerie nationale selon les standards généralement admis. Les services du ministère eux-mêmes confirment cette évaluation qui recouvre deux aspects : 200 M€ seraient dédiés à la reconstruction de casernes et aux réhabilitations et restructurations de grande envergure ; 100 M€ seraient destinés aux travaux de maintenance. Or, qu'observe-t-on au sein du PLF 2020 ? Le plan de réhabilitation du parc immobilier domanial de la gendarmerie est certes poursuivi, mais avec des crédits en baisse. Ainsi, un montant d'engagements de seulement 83,1 millions, contre 90 M€ en 2019, est prévu. Même en y ajoutant les 15 millions d'euros prévus pour continuer à sécuriser les casernes, c'est 3 fois moins que ce qui serait nécessaire ! Comme nous l'ont clairement dit les membres du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG), le moral des gendarmes est profondément affecté par l'état de l'immobilier, par les conditions dans lesquelles vivent leurs familles. Dans les casernes, les problèmes de sécurité, les fuites d'eau, les pannes d'ascenseurs sont permanentes. À Nantes, le GIGN a été forcé de réinvestir de vieux locaux qui doivent être vendus. Les travaux sont attendus depuis 2016. Devant la dégradation de la situation, une généralisation de la location est désormais évoquée. Ça ne serait sans doute pas de la très bonne gestion à long terme : mieux vaudrait faire l'effort d'investissement nécessaire et gérer le parc domanial, comme on dit traditionnellement en bon père de famille ! Au total, il ne me paraît pas acceptable que nos gendarmes soient nettement moins bien traités que leurs homologues des pays comparables à la France, comme c'est malheureusement le cas. En conséquence, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits du programme « Gendarmerie nationale ».