Il nous revient de vous présenter les crédits du programme 146, structurant pour nos armées car il concerne l'équipement des forces et qu'il représente 27 % des crédits du ministère pour 2020.
Avec 12,6 milliards d'euros, il s'agit aussi du premier budget d'investissement de l'Etat.
Le fait majeur de ce deuxième budget de la nouvelle LPM, c'est naturellement la poursuite de la progression des crédits : + 1,7 milliard d'euros par rapport à 2019, soit une augmentation forte de 15,6 %. Nous sommes bien sur la trajectoire prévue par la LPM, et, globalement, nous pouvons en donner acte au Gouvernement.
Deux nuances doivent toutefois être apportées : d'une part, comme la ministre l'avait signalé lors de son audition, il y a un léger changement de périmètre, puisque certaines infrastructures nécessaires aux nouveaux matériels sont désormais rattachées au programme 146, et non plus au programme 212. Il s'agit de 320 millions d'euros qui sont désormais inscrits au programme 146. Même avec cette nuance, ce sont tout de même, à périmètre constant, près de 1,4 milliard d'euros de crédits qui viennent accroître l'effort d'équipement des forces.
Seconde nuance à apporter à cette hausse significative : les conditions de l'exécution de 2019. En effet, c'est une chose de majorer les crédits en loi de finances initiale. Encore faut-il tenir cet engagement sur l'exécution. Comme l'an passé, il y a, de ce point de vue, un bémol à apporter : d'une part, 70 millions d'euros sont annulés sur la mission défense : il s'agit d'une partie des crédits mis en réserve et qui sont supprimés. D'autre part, des transferts de crédits sont, une fois de plus, nécessaires pour financer le surcoût des OPEX. Comme le Président Cambon l'avait indiqué la semaine dernière, la part non financée du surcoût se montait à 400 millions d'euros. Une fois pris en compte une sous-consommation de 140 millions d'euros de crédits du titre 2 (dépenses de personnel) et le report d'un marché de MCO pour 57 millions d'euros, ce sont encore 284 millions qui restent à financer pour le surcoût des OPEX. Vous vous souvenez que nous avions rétabli dans la LPM le principe du financement interministériel du surcoût des OPEX. C'est ce principe, énoncé clairement dans l'article que le Sénat avait voté, qui n'est pas respecté aujourd'hui, comme l'an passé, puisque les différents programmes de la mission défense sont mis à contribution. C'est regrettable et il faut le dire. Pour le programme 146, ce sont 167 millions qui sont affectés au financement de ce surcoût.
Cela doit être un point de vigilance, car si l'épure est globalement respectée en 2019 et 2020, qu'en sera-t-il lorsque nous serons dans la seconde partie de la LPM, avec des marches à +3 milliards par an ?
Naturellement, ces transferts et annulation risquent de peser sur le report de charges. Le DGA nous assuré que l'impact devrait être limité cette année, mais là encore, la vigilance s'impose. Je rappelle que la LPM prévoit une trajectoire de réduction du report de charges, qui n'est finalement qu'une sorte de cavalerie budgétaire institutionnalisée.
Je voudrais maintenant m'attarder sur un dossier qui marque nécessairement la thématique de l'équipement des forces : le dossier de la coopération franco-allemande, et en particulier du SCAF (système de combat aérien du futur). Depuis l'audition du Délégué général pour l'Armement devant la commission début octobre, les dossiers franco-allemands ont bien avancé. C'est le cas pour le MGCS (Main Ground Combat System), système de combat terrestre du futur autour d'un char lourd. L'accord entre KNDS (la joint-venture de Nexter et KMW) et Rheinmetall, qui se dessinait lors de l'audition du DGA a été confirmé, et ce dossier semble désormais lancé, même s'il a pris un peu de retard. Naturellement, il conviendra de suivre dans la durée ce dossier complexe.
Par ailleurs, le dossier du SCAF a bien avancé. Reste la question du moteur, et plus particulièrement des rôles respectifs du français SAFRAN et de l'allemand MTU, qui travaillent à rapprocher leurs positions. Les points de vue des gouvernements des deux pays semblent converger. Lors de nos dernières auditions, on nous indiquait que le compromis proposé achoppait encore sur des réticences de MTU. Le problème devrait se régler avant la fin de l'année. Dans le pire des cas, si le blocage devait persister, le reste du projet pourrait être lancé, la question de la motorisation restant à définir. Pour ma part, je ne suis pas certain que cela se ferait au bénéfice de MTU, car il ne faut pas oublier qu'il demeure, à l'horizon, la question d'une éventuelle convergence avec le projet britannique Tempest. Or, parmi les domaines de prédilection des Britanniques, il y a, notamment, la motorisation, avec l'acteur majeur Rolls-Royce. Il n'est donc pas certain que l'industrie allemande serait gagnante à jouer les prolongations sur la motorisation...
Autre aspect fondamental de la coopération capacitaire franco-allemande : la question des exportations. L'accord conclu à Toulouse a désormais été publié. Il fixe un seuil de minimis en deça duquel un pays ne peut bloquer les exportations d'un produit. Ce seuil est de 20 %. Nous ne devrions donc plus rencontrer le problème des matériels dont l'exportation était bloquée parce qu'une petite pièce était fabriquée en Allemagne. Encore un exemple des convergences qui peuvent se dessiner progressivement.
Enfin, en ce mois où nous fêtons le neuvième anniversaire des accords de Lancaster House, et alors que les esprits se tournent vers les 10 ans de ces accords essentiels, il importe de rappeler l'importance que le partenaire britannique devrait conserver, quelle que soit l'issue du Brexit. L'année 2020 sera celle de l'actualisation de notre relation avec ce partenaire majeur, avec lequel nous partageons, entre autres, une culture opérationnelle. La France est prête à donner un nouvel élan à ces accords.
Au vu de ces différents éléments, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits du programme 146.