Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « défense » - programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, co-rapporteur :

Il me revient de vous présenter tout d'abord le cadre budgétaire du programme 144. Il est cohérent avec le reste de la mission défense, et la trajectoire définie en LPM, à savoir l'augmentation progressive des crédits d'ici 2025.

De fait, les autorisations d'engagement (AE) devraient progresser de 8,4 %, pour s'établir à 1,77 milliard d'euros. Les crédits de paiement augmenteraient, eux, de 4,9 % pour s'établir à 1,55 milliard d'euros, soit une hausse de 72 millions d'euros par rapport à 2019.

Cette hausse des crédits profite en particulier à l'action « Prospective de défense », qui regroupe les études amont, les études prospectives et les subventions. Cette action représente presque les trois-quarts (73,9 %) du programme 144, et elle voit ses crédits progresser de 6 %, soit 65 millions d'euros.

Au sein de cette action, je vais m'attarder sur les crédits d'études amont, car ils représentent à eux seuls un peu plus de la moitié des crédits du programme 144 (53 %).

Les crédits d'études amont progresseront de 62,5 millions d'euros, pour s'établir à 821 millions d'euros. Notre commission avait réclamé dans son rapport « 2% du PIB : les moyens de la défense nationale » la remontée de ces crédits jusqu'à un milliard d'euros par an. Nous avions obtenu gain de cause en LPM, mais encore fallait-il préciser la trajectoire de progression, ce que nous avions ajouté au texte par un amendement. Nous commençons donc à sentir les effets de cette progression, puisque qu'elle est presque deux fois plus importante que l'an passé (+ 35 millions d'euros l'an passé). Il faut noter que, comme l'an passé, cette progression sensible est légèrement inférieure à ce qui était prévu dans la LPM de 2018. On attendait en effet à l'époque 832 millions de crédits d'études amont pour 2020.

Plus fondamentalement, cette présentation rapide des crédits inscrits au PLF 2020 ne dispense pas de regarder attentivement les conditions de la fin de gestion 2019.

Or, comme cela a été dit, le PLFR prévoit 70 millions d'annulations de crédits sur la mission défense, soit environ 9,7 millions pour le programme 144.

Il nous a été indiqué par le Délégué général pour l'Armement que ces annulations n'auraient pas d'incidences matérielles concrètes, dans la mesure où certains programmes auraient connu des retards qui emportent aussi un décalage des études amont. C'est par exemple le cas du programme de char du futur MGCS (Main Ground Combat System), pour lequel les premières études n'interviendraient pas avant le printemps 2020.

Je voudrais enfin évoquer à nouveau avec vous la situation de l'ONERA, office dont la subvention est inscrite au programme 144. Nous vous avions présenté l'an dernier la situation fragile de cet établissement qui porte pourtant une forme d'excellence française en matière aéronautique. Nous appelions l'an passé à reconsidérer les moyens de l'ONERA, et en particulier la trajectoire quasi-plane de la subvention que lui versait l'Etat, dans le cadre d'un contrat d'objectif et de performance (COP). Cela nous semblait d'autant plus légitime que d'une part la LPM prévoyait le redressement de notre effort de défense, et que d'autre part la France s'engageait avec l'Allemagne dans l'ambitieux projet du SCAF.

Nous avons cru, en début d'année, avoir été entendus. En effet, lors de sa visite à l'ONERA en janvier, la ministre des armées a semblé ouvrir des perspectives favorables. Vous vous souvenez que cela nous avait d'ailleurs été confirmé ici même par le DGA début octobre. Malheureusement, il apparaît que la réalité du PLF pour 2020 est tout autre.

D'une part, la subvention n'évolue pas favorablement. En effet, elle passe de 104,7 millions d'euros à 105,7 millions d'euros, soit une hausse d'un million d'euros. Mais il faut savoir qu'en 2019 l'Etat apportait également 2 millions d'euros de dotation en fonds propres. L'effort de l'Etat pour l'Office diminue donc en réalité d'un million ! S'ajoute à cela le fait que l'ONERA, contrairement aux années précédentes, ne serait plus exemptée de la mise en réserve de crédits, ce qui diminuerait encore son budget disponible de 2 millions d'euros. Un autre indicateur pertinent, en cette période d'augmentation des crédits, est l'évolution des emplois : l'ONERA perdra en 2020 11 ETP (équivalents-temps plein).

Cette cure prolongée d'austérité budgétaire a des conséquences fortes sur les ressources humaines de l'Office, dont le niveau de rémunération est, toutes choses égales par ailleurs, inférieur par exemple à celui constaté à la DGA, et, bien évidemment, très inférieur à celui trouvé dans les entreprises privées du secteur aéronautique ou aérodynamique. Une étude de l'AID montre ainsi que, si l'on voulait payer les personnels de l'ONERA au niveau où ils seraient payés à la DGA, il faudrait 5 millions pour combler l'écart.

Autre exemple assez parlant : le budget de l'équivalent allemand de l'ONERA, dont nous avions évoqué déjà l'an passé le dynamisme : la subvention de l'Etat allemand au DLR est passée de 130 millions d'euros par an au début de la décennie à 180 millions en 2017, et elle continue d'augmenter rapidement. Il est évident que nous ne pourrons pas conserver longtemps notre position de référence européenne dans ce domaine si nous y mettons beaucoup moins de moyens que nos partenaires et concurrents allemands.

Très franchement, on a du mal à comprendre cette situation. Tout le monde en France, et même au niveau mondial, salue l'excellence de l'ONERA. Et dans le même temps, dans un budget de défense qui augmente de 1,7 milliard, le Gouvernement et la DGA ne trouvent pas les quelques millions qui redonneraient une bouffée d'air à cette pépite technologique.

Dans ces conditions, je me réjouis que nous ayons la possibilité d'entendre ici dans 15 jours le P-DG de l'ONERA, pour que vous ayez la possibilité de vous faire une idée par vous-même des enjeux de cette situation.

Voici donc les réserves et les nuances qu'il me paraissait utile d'apporter à ce budget du programme 144 qui reste, globalement, positif car marqué par un accroissement sensible des crédits. Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion