Intervention de Michel Boutant

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « défense » - programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel BoutantMichel Boutant, co-rapporteur :

L'ONERA est effectivement une pépite technologique. Il faut avoir conscience que nous nous dirigeons vers un rôle important confié au DLR allemand pour les études du SCAF. On ne comprend pas bien pourquoi l'ONERA n'a pas été retenu.

J'en viens à l'examen des crédits inscrits au programme 144, pour les services de renseignement relevant du ministère des armées, c'est-à-dire la DGSE et la DRSD, comme d'ailleurs ceux inscrits pour la rémunération de leurs personnels au programme 212.

Le niveau des menaces auxquelles notre pays est confronté, tel qu'il a été décrit par la LPM 2019-2025 n'a pas diminué. Il justifie les efforts conduits dans le domaine du renseignement. Le PLF 2020 est, de ce point de vue, en phase avec la loi de programmation et se traduit par un renforcement des moyens des services.

Je formulerai deux observations.

Première observation : le PLF 2020 traduit, en autorisations d'engagement, le lancement de programmes d'investissements capacitaires.

Hors titre 2, les crédits attribués à la DGSE progressent de 13 % en autorisations d'engagement : 375,75 millions d'euros dont 329,49 pour l'agrégat équipement. Les CP ne progressent que de 2 % (348,3 millions d'euros), ce qui correspond à un point bas du cycle des investissements techniques. Mêmes éléments, s'agissant de la DRSD dont la dotation progresse de 4,46 % en CP (16,4M€) et de 49 % en autorisations d'engagement (23,4 M€).

Les crédits de fonctionnement sont maîtrisés et progressent à un rythme modéré mais nécessaire à l'accueil des nouveaux personnels et à raison d'un niveau élevé d'engagement opérationnel.

S'agissant des équipements, pour la DGSE cela concerne principalement l'intensification et la consolidation capacitaire des grands programmes interministériels et de la cyberdéfense, qui font également l'objet en cours d'exercice de transferts de crédits complémentaires des services du Premier ministre et du ministère des Armées. En effet, la France ne s'est pas dotée d'un service technique de renseignement, comme la NSA aux États-Unis et le GCHQ en Grande-Bretagne. Les grands programmes sont donc développés par la direction technique de la DGSE au profit de l'ensemble des services de la communauté du renseignement et certaines capacités cyber sont partagées avec les Armées. Il est donc logique que le financement de ces programmes soit mutualisé.

Pour la DRSD, il s'agit de renforcer les capacités de ce service tant pour la mise en oeuvre de ses missions de contre ingérence d'une part, de détection et de réduction des vulnérabilités dans la sphère de la défense d'autre part. Je rappelle que c'est la DRSD qui, dans la sphère de la défense, réalise les enquêtes préalables aux habilitations et les contrôles élémentaires pour l'accès à des zones protégées ou à régime restrictif, comme pour le recrutement des militaires. Pour l'une et l'autre de ces missions, elle a besoin d'outils plus modernes afin d'automatiser certains traitements des données pour améliorer son efficacité.

Ses nouvelles orientations montrent que dans un monde où la collecte des données, notamment en source ouverte, est massive, la performance d'un service se mesurera par ses capacités à exploiter intelligemment l'information recueillie.

Dans l'un et l'autre service, un accent est également mis sur les capacités de cyberdéfense.

S'agissant des infrastructures immobilières, les programmes, que j'avais détaillés l'année dernière, se poursuivent, financés sur les crédits du programme 144 s'agissant de la DGSE, sur le programme 212 pour la DRSD puisque c'est le service des infrastructures de la défense (SID) qui réalise les travaux. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit de construire de nouveaux bâtiments permettant d'accueillir plusieurs centaines de collaborateurs et de consolider les réseaux d'alimentations des capacités techniques.

Deuxième observation : des améliorations en matière de gestion des ressources humaines doivent être soulignées.

La DGSE bénéficie sur la période 2019-2025 de 722 créations d'emplois, 89 en 2019 et 65 en 2020. Hors service action et renforcement cyber des Armées, elle emploiera 5 754 agents fin 2020. Le montant des crédits de titre 2 progressent en conséquence pour atteindre 358,89 millions d'euros en 2020 (hors CAS pensions). Compte tenu de sa notoriété et de son autonomie, la DGSE ne rencontre pas de difficultés majeures de recrutement. La DRSD devrait connaître cette année encore un renforcement de ses effectifs qui atteindront 1 523 fin 2020. La création de 30 emplois est programmée. Ces dernières années, elle ne parvenait pas à pourvoir tous les emplois créés : elle avait un retard de 128 unités fin 2018 sur son schéma d'emploi. Les dispositions prises, tant pour améliorer la communication et le recrutement, que pour fidéliser certains agents, y compris par un assouplissement des règles de rémunération, commencent à porter. La DRSD a réduit cet écart de moitié en 2019. Elle devrait l'avoir comblé en 2020. En conséquence, les crédits du titre 2 progressent de 1,4 % à 121,76 M€.

On observe toutefois, dans les deux services, une baisse significative des personnels militaires surtout au niveau des sous-officiers en raison de la difficulté des armées à fournir les personnels nécessaires suite aux années de déflation et à leur difficulté actuelle de remontée en puissance. Cela est compensé dans la plupart des cas par le recrutement de civils, principalement des contractuels, mais cela n'est pas toujours possible dans certaines spécialités et pour pourvoir certains postes déployés à l'extérieur dans les zones de guerre.

En outre, les difficultés de recrutement et de fidélisation dans les spécialités à viviers limités demeurent. C'est une préoccupation pour l'ensemble des services de renseignement que le dernier rapport de la délégation parlementaire au renseignement a mise en exergue. Elle est prise en compte par le Coordonnateur national du renseignement qui a défini un cadre d'action entre les services. Ajoutons que des assouplissements sont désormais possibles s'agissant des niveaux de rémunération et la durée des contrats.

Le problème n'en demeure pas moins structurel, dans certaines spécialités. Il me paraît nécessaire que des politiques d'orientation et d'incitation soient mises en oeuvre pour réduire ces tensions notamment dans les filières de formations scientifiques, à défaut la France aura, à terme, des difficultés à suivre les pays concurrents ou adversaires dans le domaine du renseignement technique, de la cyberdéfense et de l'intelligence artificielle, et ne sera pas à l'abri d'un décrochage dans les technologies avancées.

Sous le bénéfice de ces observations, et pour ce qui concerne spécifiquement le programme 144, mon appréciation est favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.

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