Intervention de Jean-Marie Bockel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « défense » - programme 178 « préparation et emploi des forces » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel, co-rapporteur :

Les crédits de paiement du programme 178 augmentent de 13,8 % par rapport à 2019 pour s'établir à 10 milliards d'euros, soit 1,21 milliard supplémentaire en crédits de paiement (CP).

Le transfert d'une partie des crédits d'infrastructure depuis le programme 212, soit 879 millions d'euros, explique l'essentiel de cette progression. Il s'agit de redonner de la subsidiarité aux armées et aux commandements locaux en leur confiant la main sur la gestion des infrastructures opérationnelles.

Deuxième cause d'augmentation des crédits du programme : la progression des ressources dédiées au financement des opérations extérieures, soit 250 M€ pour atteindre 850 millions d'euros au programme 178 sur les 1,1 milliard d'euros désormais consacrés aux OPEX. Cette « sincérisation » du budget des OPEX nous évitera, espérons-le, les difficultés de fin de gestion connues en 2019 et dont Hélène Conway-Mouret a parlé à l'instant.

L'augmentation des dépenses de fonctionnement de 4 %, soit 350 millions d'euros supplémentaires, permettra notamment de financer des locations d'aéronefs pour l'instruction, -et ce n'est pas un luxe, nous connaissons tous les retard de formation dus à l'indisponibilité des équipements-, la hausse tarifaire des énergies et le plan famille. Est concernée en particulier l'accélération du déploiement des espaces ATLAS pour Accès en Tout temps et en tout Lieu Au Soutien. Le Directeur central du service du commissariat des armées, que nous avons auditionné, nous a présenté ces espaces multiservices qui rassemblent dans une pièce un maximum de prestations du commissariat, de l'institution de gestion sociale des armées (IGESA), mais aussi les prestations des services municipaux et de la CAF. Ils désengorgent les groupes de soutien des bases. De 26 espaces ATLAS aujourd'hui, on passera à 200 à terme, afin de rapprocher le soutenu du soutenant en veillant à renforcer le lien humain.

Ceci s'inscrit dans le cadre de la responsabilisation des commandements annoncée l'année dernière. Après avoir auditionné le major général des armées, deux constats s'imposent qui plaident en faveur de cette réforme.

Les armées sont confrontées à des générations plus exigeantes envers l'institution et plus mobiles dans leur vie professionnelle ; nos rapporteurs, Joël Guerriau et Gilbert Roger, en charge des ressources humaines, nous alertent d'ailleurs sur le défi que représente la fidélisation. Si les lieutenants quittent les rangs, qui seront les prochains colonels ? Dans ce contexte, les tracasseries administratives, les lourdeurs de mise en oeuvre des services de soutien sont plus sensibles que jamais.

Or, pour préserver les armées en temps de restriction budgétaire, les services de soutien ont été l'objet de grands sacrifices. Face aux réductions de personnels, ils ont été organisés selon une logique de « bout en bout » pour favoriser leur efficacité-métier qui a mis à mal la cohérence organique des armées. Réaffirmer la « militarité » des soutiens est indispensable au bon fonctionnement de nos armées qui doivent pouvoir ainsi accomplir leur contrat opérationnel, en temps de paix, de crise ou de guerre.

C'est bien ce que propose la réforme en oeuvre qui redonne des leviers au commandement opérationnel et aux armées sans pour autant remettre en question les structures organisationnelles qui prévalent actuellement dans les soutiens. L'instruction ministérielle sur les commandants de base de Défense (COMBdD) leur redonne des leviers budgétaires et le pouvoir de décider localement des priorités d'aménagement par exemple. Des dérogations aux modalités d'achats publics des armées visent également à apporter de la souplesse dans la gestion des bases de défense. Dans le même temps, le Commissariat central met en place des guichets uniques - nouvelle génération.

Enfin, l'évolution remarquable de 2020 concerne la contraction des moyens du programme 178 dédiés à l'entretien programmé du matériel (EPM), soit une diminution de 3,7 % par rapport à 2019. Cette évolution est due au retour à la normale après le pic de ressources exceptionnelles de 500 millions d'euros votées lors de l'actualisation de juillet 2015 de la LPM 2014-2019. La LPM 2019-2025 prévoit de consacrer 4,4 milliards d'euros par an à l'EPM, soit 22 milliards d'euros sur la période de programmation. J'ai en la matière deux recommandations.

Tout d'abord, nous devons rester particulièrement attentifs à la progression des coûts unitaires du maintien en condition opérationnelle qui augmentent. Aucune amélioration n'est à attendre, qu'il s'agisse d'entretenir des flottes ou parcs vieillissants ou neufs. Le risque d'une envolée exponentielle de ces lignes budgétaires doit nous alerter et inciter le ministère à prendre cette dimension en compte dans la réforme de la maintenance en cours. Réforme qui marque un vrai changement d'orientation de l'organisation du MCO au profit de l'externalisation de marchés d'entretien des équipements aéronautiques globaux et verticalisés sous la houlette de la Direction de la maintenance aéronautique (DMaé) que nous avons auditionnée. Désormais, pour un équipement, tous les contrats d'entretien sont regroupés, confié à un seul industriel en charge de l'entretien, de la gestion des stocks de rechange et de la disponibilité de l'équipement concerné. C'est un changement de paradigme. Il nous faut veiller à la réalisation des objectifs de la performance et à l'encadrement de l'évolution des coûts. C'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !

Deuxième recommandation, l'augmentation de la disponibilité technique opérationnelle doit être au rendez-vous. En 15 ans la disponibilité des aéronefs a baissé de 10 points et est globalement inférieure à 50 %, tandis que les coûts de maintenance ont augmenté de près de 40 %. La disponibilité technique de l'A400M était de 31 % du parc au 31 août 2019, celle du Caïman Marine de 29 %, celle du Rafale Marine de 41 %. Les progrès enregistrés sur la flotte FENNEC seront plus difficiles à obtenir pour les Rafale. Ce dossier requiert notre attention. Nos interlocuteurs ont bien conscience de notre vigilance et de nos attentes de résultats.

Enfin mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178.

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