Conforme à la programmation, ce budget suscite quelques inquiétudes que nous avions pointées lors de la préparation de la LPM dans un contexte de suremploi des équipements et de dépassement des contrats opérationnels.
Le programme 178 est au coeur de la mission défense car il porte les crédits de la préparation opérationnelle de nos armées, gage de notre réactivité, de notre efficacité et de la sécurité des personnels. Or l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 %. La situation est préoccupante pour les trois armées.
Ainsi, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle pour l'armée de terre n'a plus été atteinte depuis 2015, elle est de 81 jours depuis 2017 et aucun progrès n'est prévu en 2020. Ceci induit l'allongement de la durée de mise en oeuvre du contrat opérationnel ! Pour 2019 le contrat d'intervention ne peut être tenu que moyennant une adaptation du dispositif de gestion de crise et un accroissement du délai de montée en puissance de 9 à 12 mois des 15 000 hommes prévus par le contrat opérationnel. De même, les nouvelles normes d'entraînement sur cinq matériels majeurs en service dans les forces : dont notamment le Leclerc, le VBCI et le VAB, ne seront réalisées qu'à 57 % en 2020.
Pour l'armée de l'air, le défaut d'entraînement se traduit par la perte progressive de certaines compétences, des difficultés dans la formation des jeunes équipages et l'abandon de l'entraînement des équipages aux savoir-faire non sollicités en opération. Cela pourrait se traduire à terme par la perte de savoir-faire indispensables, notamment pour la capacité d'entrer en premier. La capacité de l'Armée de l'air à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France a été revue à la baisse dans le cadre du PLF pour 2020, passant de 75 % à 70 %. C'est bien sûr l'indisponibilité des Mirage 2000D et des avions de transport tactique qui pertube la préparation opérationnelle.
Enfin, pour la marine, les niveaux de préparation sont tributaires de la régénération des potentiels humain et technique. Malgré le retour du porte-avion Charles de Gaulle dans le cycle opérationnel, la disponibilité insuffisante des équipements, tels que les frégates d'ancienne génération, les bâtiments de commandement et de ravitaillement ainsi que les flottes d'ATL2 (avion de patrouille maritime) et les hélicoptères, plafonne les capacités d'entraînement des marins.
Nous avons fait adopter dans la cadre de la LPM des amendements pour que l'urgence de la remontée de la préparation opérationnelle soit affirmée. Il nous faut continuer d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce sujet essentiel.
Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, nous avons poursuivi l'examen attentif de l'exercice de leur mission par les grands services de soutien, éternels sacrifiés du ministère ayant subi de plein fouet les déflations de personnels puis la remontée en puissance de la FOT qui les a mis sous tension.
Depuis 2014, le SSA a perdu 1 600 hommes soit 8 % de ses effectifs. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque toujours 100 ! La stabilisation des effectifs du SSA jusqu'en 2023 et leur remontée modérée au-delà ont amélioré les perspectives, notamment dans la relation du service aux réservistes. Vous m'avez entendue vous alerter ces dernières années sur l'importante contribution de ces derniers à la projection en OPEX du SSA. Entre 10 % et 20 % du contrat opérationnel du SSA en OPEX est en effet assuré par des réservistes. Cette tendance était inquiétante dans une trajectoire de déflation des effectifs du SSA, elle ne l'est plus dans la nouvelle perspective dessinée par la LPM. Au contraire, les relations entre le SSA et les réservistes me semblent fructueuses. Elles permettent de pourvoir le service en tant que de besoin en attendant que des médecins et infirmiers supplémentaires soient formés, et les besoins sont réels chez les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes. Elles garantissent également l'irrigation des savoir-faire du SSA au sein de notre société lorsque les réservistes retournent à leur pratique.
En compagnie de la Générale Maryline Gygax Généro, directrice centrale et Médecin général des armées, que notre commission a entendue à votre initiative, Monsieur le président en janvier dernier, la visite du centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) la semaine dernière, m'a permis une fois encore de rencontrer des personnels de très haute qualité dont l'engagement et le dévouement sont exemplaires. Nous devons soutenir la modification des décrets permettant la prise en compte de la spécificité des missions du SSA : notamment l'abaissement de l'ancienneté requise des infirmiers menant les entretiens préparant les dons du sang de deux ans à un an, et les conditions de dépôt d'urgence de plasma lyophilisé universel. C'est un domaine dans lequel le SSA excelle, produisant ce plasma pour d'autres pays, notamment les États-Unis, sur fourniture de leur propre plasma et contre paiement naturellement. N'oublions pas que la recherche et l'innovation font partie des missions du CTSA.
Cette nouvelle trajectoire positive se traduit enfin par la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire, la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces, avec notamment la mise en oeuvre des nouvelles antennes de réanimation, de chirurgie et de sauvetage. Nous devrons rester attentifs car ces antennes, indispensables à notre capacité à entrer en premier sur les nouveaux théâtres d'opération, sont financées au prix de renoncement sur d'autres équipements.
Mes chers collègues, ces services de soutien sont une des raisons pour laquelle je ne voterai pas contre l'adoption des crédits du programme 178. Sur ce programme, je m'abstiendrai.