Intervention de Arnaud Bazin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 novembre 2019 à 16h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « solidarité insertion et égalité des chances » et article 78 octodecies à 78 vicies - examen du rapport spécial

Photo de Arnaud BazinArnaud Bazin, rapporteur spécial :

La mise en oeuvre du budget de la mission pour 2020 est entourée d'incertitudes, qui sont source d'inquiétudes.

D'abord, la montée en charge extrêmement dynamique des dépenses de prime d'activité, dont le montant frôle aujourd'hui les 10 milliards d'euros, a occasionné des difficultés de gestion dans les caisses d'allocations familiales (CAF).

Je m'arrête un instant sur ce sujet de la revalorisation de 90 euros du bonus de la prime d'activité, votée lors de la dernière loi de finances. Un premier bilan peut être fait : on constate ainsi, comme nous avons pu le voir lors de nos déplacements dans les CAF du Nord et du Val-d'Oise, une montée extrêmement rapide du dispositif. Le nombre de foyers allocataires a ainsi augmenté de 47 % entre septembre 2018 et mars 2019, pour atteindre 4,1 millions de foyers bénéficiaires. Du 1er janvier au 30 avril 2019, les CAF ont enregistré plus d'1,4 million de demandes, contre 276 000 à la même période en 2018. Le nombre de foyers allocataires supplémentaires liés à la réforme est estimé par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) à 1 250 000, dont 700 000 étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme, mais n'y recouraient pas et 550 000 sont devenus éligibles avec le relèvement du barème d'éligibilité.

Outre le nombre de bénéficiaires, il est intéressant de noter - voir de se questionner - sur l'évolution du profil des bénéficiaires. D'après un rapport remis au Parlement, 55 % des foyers bénéficiaires ont des revenus compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois en mars 2019 contre 39 % en mars 2018. A contrario, le pourcentage de foyers dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros passe de 41 % à 30 %. Par ailleurs, autre observation qui interroge : la revalorisation de la prime d'activité a fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point, tout en s'accompagnant d'une hausse de 0,5 point de l'intensité de la pauvreté. Ces évolutions s'expliquent ainsi par le ciblage de la réforme sur les travailleurs dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic.

Outre, la prime d'activité, nous souhaitions, par ailleurs, dire un mot du revenu universel d'activité (RUA), piloté par un rapporteur et le délégué interministériel à la pauvreté que nous avons rencontrés. Plusieurs flous s'agissant de ce dispositif demeurent et pas des moindre : d'abord, son périmètre, avec notamment la question de l'intégration de l'AAH. Le Gouvernement a fixé, sur ce sujet, deux lignes rouges, sur lesquelles nous serons extrêmement vigilants : 1) aucune conditionnalité en termes d'activité ne sera exigée pour le versement du revenu minimum s'agissant du handicap, et 2) les moyens mobilisés aujourd'hui pour le handicap lui resteront affectés. Par ailleurs, outre son périmètre, des incertitudes entourent son financement : les départements s'inquiètent ainsi des modalités de reprise du RSA par l'État ;

Autre sujet d'inquiétude pour les départements et pour vos rapporteurs : le financement des mineurs non accompagnés (MNA), dont l'enveloppe prévue n'est toujours pas à la hauteur des enjeux. L'ADF estime aujourd'hui à 2 milliards le coût induit par l'évaluation et la prise en charge de ces mineurs, quand le budget de l'État atteint péniblement les 162 millions d'euros. À terme, nous considérons, comme l'État s'y était d'ailleurs engagé, qu'une partie du dispositif doit être pris à sa charge, au titre de ses missions régaliennes.

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