Intervention de Louis-Jean de Nicolay

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 26 novembre 2019 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « cohésion des territoires » - examen du rapport pour avis

Photo de Louis-Jean de NicolayLouis-Jean de Nicolay, rapporteur pour avis :

En 2020, l'ensemble des crédits concourant à la politique d'aménagement du territoire devrait représenter 8,5 milliards d'euros, répartis dans 29 programmes.

Comme chaque année, je vous parlerai plus spécifiquement des crédits portés par les programmes 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », et 162 « interventions territoriales de l'État », qui sont quasiment stables à 280 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 252 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) mais marqués par des évolutions importantes.

J'évoquerai brièvement les crédits du programme 119 « concours financiers de l'État aux collectivités et à leurs groupements » de la mission « cohésion des territoires », qui comporte les dotations de soutien à l'investissement local. Je vous signale également que le compte d'affectation spéciale consacré au « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » est stable à 355 millions d'euros, pour la 2ème année consécutive, après la baisse enregistrée en 2017 et 2018.

Mon impression générale est que l'évolution des programmes 112 et 162 demeure limitée dans ce budget pour 2020 en dehors de la traduction, sur le plan budgétaire, de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). La nette différence entre les CP et les AE témoigne d'une dynamique globale de décroissance, même s'il faut se réjouir que ces programmes soient épargnés par la baisse d'environ 1,4 milliard d'euros qui atteint la mission « cohésion des territoires » à périmètre constant et qui porte principalement sur l'aide à l'accès au logement du programme 109.

S'agissant du programme 112, la modification de la maquette budgétaire rend difficile l'évaluation de chaque action car les évolutions sont moins lisibles. En résumé, le programme est recentré sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), avec d'une part, une section locale dédiée au financement des CPER et à la politique contractuelle de l'État pour 60 % du programme, notamment à travers le nouvel outil des « pactes de développement territorial » et, d'autre part, une section générale à hauteur de 12 % du programme, pour financer des dispositifs non contractuels d'aménagement et de cohésion. Je partage cette volonté de redynamisation du FNADT.

On peut relever une hausse de 5 % en AE, à 209 millions d'euros et une hausse de 2 % en CP, à 245 millions d'euros, qui concernent deux éléments en particulier : d'abord, l'Agence nationale de la cohésion des territoires est dotée d'une subvention de 50 millions d'euros, de 331 personnels en équivalent temps plein et sa tutelle sera assurée par la direction générale des collectivités locales (DGCL). Ce montant résulte de l'agglomération des entités fusionnées dans l'ANCT - le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Agence du numérique et l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) - mais une ligne de crédits de 10 millions d'euros a été ouverte en complément pour financer l'ingénierie territoriale que l'ANCT devra apporter aux collectivités et il faut s'en réjouir.

Cette ouverture de crédits est toutefois compensée par des transferts sortants vers d'autres programmes budgétaires et je m'inquiète que le programme 112 soit ponctuellement vidé de certains dispositifs. Je pense par exemple à la gouvernance des pôles de compétitivité, désormais assurée par le ministère de l'économie et des finances, au financement des contrats de ruralité qui se fait sur le programme 119 depuis 2018 et dont le programme 112 ne comporte que des restes à payer ou encore à un transfert de crédits vers le programme 162 pour la création d'une nouvelle action dédiée à la Guyane. Cette ouverture de crédits est également compensée par la réduction des moyens accordés à certains dispositifs, soit par arbitrage budgétaire, comme la réduction de 4 millions d'euros qui porte sur la prime d'aménagement du territoire (PAT) ou celle de 1 million d'euros portant sur la subvention versée à Business France, soit du fait de l'arrivée à terme de certains programmes, comme les crédits finançant la revitalisation des centres-bourgs ou des générations passées des contrats de plan État-régions.

Le deuxième élément expliquant la hausse des crédits est un effort de près de 3 millions d'euros en 2020 consenti pour le développement des Maisons France Services. À l'heure actuelle, il y a 1 344 maisons de services au public (MSAP) mais un rapport de 2019 de la Cour des comptes a relevé une forte hétérogénéité de qualité et d'offres de services d'un territoire à l'autre ainsi que la nécessité de revoir le schéma de financement de ces structures. Aussi, en avril dernier, le Président de la République a annoncé son intention de créer un nouveau label baptisé « Maison France Services » et de voir chaque canton couvert par une telle structure d'ici la fin du quinquennat, soit l'équivalent de 2 000 maisons France Services au total. Le Premier ministre a annoncé le 15 novembre dernier la localisation des 460 premières maisons qui bénéficient du nouveau label sur les 760 structures proposées à la labellisation par les préfets. Le mouvement de labellisation doit se poursuivre et je partage cet objectif car l'accessibilité des services publics est un sujet essentiel d'équité territoriale.

Vous le voyez, certaines hausses masquent des baisses, même si globalement le programme 112 augmente de 5 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale 2019.

Concernant la prime d'aménagement du territoire (PAT), le budget pour 2020 n'est pas satisfaisant car les AE baissent encore de 4 millions d'euros pour atteindre 6 millions d'euros alors qu'il en faudrait 4 à 6 fois plus pour soutenir les territoires ruraux notamment ceux frappés par des fermetures de sites industriels et pour déployer un véritable effet de levier. Sur ce point, nous sommes sur la même ligne avec le rapporteur spécial Bernard Delcros et je vous proposerai un amendement de mouvement de crédits, pour rehausser la PAT à 10 millions d'euros en AE, comme en 2019.

Par ailleurs, parmi les 29 mesures fiscales rattachées au programme, pour un total de 511 millions d'euros, celle consacrée aux zones de revitalisation rurale (ZRR) doit faire l'objet d'une attention particulière cette année, comme l'ont récemment rappelé Rémy Pointereau, Frédérique Espagnac et Bernard Delcros dans leur rapport d'information et je tenais à insister sur la nécessité de proroger le bénéfice du classement pour les quelques 4 000 communes sortantes à l'été 2020 jusqu'au 31 décembre 2021. Cette prorogation doit également concerner les exonérations applicables à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu.

En première lecture à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du rapporteur général de la commission des finances pour maintenir les 4 000 communes qui sortiront du zonage cet été pour 6 mois de plus jusqu'au 31 décembre 2020 : c'est désormais l'article 48 octodecies du PLF pour 2020. Cette période de 6 mois me semble trop courte pour construire une réforme juste, équilibrée et efficace avec une vision partagée et au bénéfice des territoires les plus fragiles. C'est pourquoi nous devons encore repousser cette date d'un an et prévoir la même prorogation pour les dispositifs fiscaux.

S'agissant du programme 162, qui rassemble des actions territorialisées très diverses, les AE sont en hausse de 22 % à 43 millions d'euros et les CP sont également en hausse de 43 % à 36 millions d'euros. 4 éléments principaux à vous signaler.

D'abord, l'action dédiée à la restauration des écosystèmes du marais poitevin est arrivée à son terme et le bilan est positif. Des crédits de droit commun issus notamment du ministère de la transition écologique et du ministère de l'agriculture prendront le relais.

Ensuite, deux nouvelles actions sont créées. En premier lieu, un fonds interministériel pour la transformation de la Guyane doté de 16,8 millions d'euros en AE et 7,5 millions d'euros en CP. En second lieu, une nouvelle action concerne la reconquête de la qualité des cours d'eau dans les Pays de la Loire mais elle est très faiblement dotée aujourd'hui, environ 60 000 euros pour le lancement d'une étude et 700 000 euros pour couvrir les engagements contractés antérieurement dans le cadre du programme 149 qui porte sur la compétitivité et la durabilité de l'agriculture. Par ailleurs, le plan d'investissement exceptionnel en faveur de la Corse arrive à terme dans 2 ans et la question de son renouvellement se posera.

Enfin, le plan chlordécone voit ses moyens augmenter de 50 % à environ 3 millions d'euros, conformément à l'engagement pris par le Président de la République, lors de son déplacement de septembre 2018 aux Antilles. Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a créé une commission d'enquête sur le sujet le 18 juin dernier et une amplification de l'action de l'État pourrait être recommandée.

Avant de conclure, vous constaterez que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) sont stables en 2020. La DETR atteindra 1,1 milliard d'euros et la DSIL 570 millions d'euros dont 527 millions en crédits de paiement. Je note l'effort de renforcement de la DSIL à hauteur de 23 millions d'euros en crédits de paiement pour un total de 527 millions d'euros, même si cela reste inférieur à l'enveloppe de 45 millions d'euros qui accompagnait le transfert des contrats de ruralité en 2018.

Voilà pour ce panorama général, sur un grand nombre de sujets qui intéressent directement le développement des territoires. Vous l'avez compris, ce budget pour 2020 est marqué par certains éléments positifs et d'autres plus préoccupants et c'est pourquoi, sauf si la prime d'aménagement du territoire est relevée à 10 millions d'euros, je propose à la commission d'adopter un avis d'abstention sur les crédits des programmes dédiés aux politiques des territoires. Je vous remercie.

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