Je souhaite évoquer trois points au cours de ma présentation : les effectifs de l'État, le programme 148 « Fonction publique » et les concours administratifs.
Je rappelle qu'un comité « Action publique 2022 » a été créé en début du quinquennat pour réfléchir sur le rôle de l'État et de la sphère publique. Trois ans plus tard, force est de constater l'échec de cette démarche, les mesures proposées n'ayant pas été suivies d'effets.
Plus pragmatique, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique donne de nouveaux outils aux employeurs pour optimiser la gestion de leurs ressources humaines. Le Gouvernement travaille actuellement à sa mise en oeuvre, qui nécessite la publication de 140 mesures réglementaires.
Initialement, le Gouvernement s'était fixé l'objectif de supprimer 120 000 équivalents temps plein (ETP) en cinq ans, dont 70 000 dans la fonction publique territoriale et 50 000 dans la fonction publique d'État.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 semble acter l'abandon de cet engagement : alors que l'État emploie plus de 2,45 millions d'agents, seuls 47 ETP seraient supprimés en 2020, soit beaucoup moins qu'en 2019. Ce très mince effort portera d'ailleurs sur les opérateurs, alors que les effectifs des ministères progresseront.
Dans le PLF pour 2020, la masse salariale de l'État s'établit à près 90 milliards d'euros, soit 19 % du budget général. Elle a augmenté de 4,66 milliards d'euros depuis 2017, malgré le gel du point d'indice de la fonction publique.
Je m'inquiète également de l'évolution de l'apprentissage : l'État a recruté moins d'apprentis en 2018 qu'en 2017 et n'a toujours pas atteint son objectif d'accueillir 10 000 apprentis dans ses effectifs. Il recrute moins d'apprentis que les collectivités territoriales, alors qu'il compte 550 000 agents de plus. Parmi les apprentis de l'État, seuls 3,4 % sont en situation de handicap, contre 6,4 % dans le versant territorial.
Je regrette aussi la suppression de la dotation interministérielle pour le financement de l'apprentissage. Depuis 2019, la rémunération et la formation des apprentis sont directement prises en charge par le budget des ministères, ce qui ne les incite pas à agir.
Conscient de ces difficultés en matière d'apprentissage, le Premier ministre a fixé de nouveaux objectifs aux ministères. Nous verrons l'année prochaine si l'État a été au rendez-vous de ses engagements !
Le programme 148 « Fonction publique » finance les priorités interministérielles concernant la formation, l'action sociale et la gestion des ressources humaines.
Ce programme n'intervient qu'à titre subsidiaire, en complément des actions ministérielles. Il est doté de 211,21 millions d'euros dans le PLF pour 2020, soit une augmentation de 2,74 % par rapport à l'an dernier.
Concernant la formation, une réforme des Instituts régionaux d'administration (IRA) a été mise en place à la rentrée 2019. Elle permet de réduire les coûts de formation en allongeant la durée des stages en administration. Pour le Gouvernement, cette réforme doit permettre d'envisager des évolutions similaires pour d'autres écoles de service public.
De son côté, l'École nationale d'administration (ENA) poursuit la mise en oeuvre de son plan de transformation, qui a pour but de revenir à l'équilibre budgétaire d'ici à 2020. L'ENA a ouvert une nouvelle classe préparatoire intégrée (CPI) à Strasbourg pour aider les élèves les plus modestes à préparer les concours administratifs.
Prévu pour novembre, le rapport de Frédéric Thiriez sur l'avenir de la haute fonction publique a été reporté à janvier, pour des raisons que nous ignorons.
Le budget de l'action sociale interministérielle est en progression de 6,23 % par rapport à l'année dernière. On peut toutefois regretter que ses coûts de gestion soient toujours aussi élevés. Sur 100 euros d'aide, 5,18 euros servent à rémunérer les prestataires de l'administration.
Sur la base de ces considérations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148 « Fonction publique ».
J'en viens désormais au thème transversal que j'ai souhaité aborder dans mon rapport : les concours administratifs.
Les concours restent la voie d'accès traditionnelle à l'emploi public, notamment parce qu'ils garantissent une égalité de traitement entre les candidats. Pour la seule année 2017, 47 596 candidats ont été lauréats d'un concours de la fonction publique de l'État et 15 751 d'un concours de la fonction publique territoriale
L'attractivité des concours semble toutefois s'éroder dans chaque versant de la fonction publique.
À titre d'exemple, le nombre de candidats présents aux concours organisés par les centres de gestion a chuté de près de 33 % entre 2014 et 2017. Hors concours interne, le nombre de candidats présents aux concours de l'État a diminué de 16,5 %. Signe des difficultés rencontrées par la fonction publique hospitalière, le nombre de candidats au concours d'attaché d'administration hospitalière ne cesse de diminuer, alors que le nombre de postes à pourvoir a augmenté...
Les concours sont également concurrencés par d'autres voies d'accès à l'emploi public, notamment avec le recrutement sans concours des agents de catégorie C et le recours croissant aux agents contractuels. Entre 2007 et 2017, le nombre de contractuels a augmenté de 2,2 % chaque année, alors que le nombre de fonctionnaires s'est stabilisé.
L'organisation des concours administratifs procède d'un processus long et coûteux pour les employeurs publics. Il faut par exemple compter 1 400 euros pour recruter un rédacteur territorial, 1 900 euros pour un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) et jusqu'à 7 000 euros pour un agent de la filière artistique.
Le concours interne d'ATSEM ne comporte plus qu'une seule épreuve d'entretien individuel avec le jury. Ce dernier doit parfois recevoir 600 personnes pour 30 postes... Et compte tenu de l'expérience des candidats, beaucoup d'entre eux obtiennent une note de 18/20, sans que cela suffise pour réussir le concours !
Sur le plan opérationnel, les organisateurs rencontrent des difficultés pour composer les jurys, qui doivent compter au moins 40 % de femmes et 40 % d'hommes.
Une autre difficulté majeure tient aux taux d'absentéisme des candidats, qui restent extrêmement élevés dans les trois versants de la fonction publique. En 2017, 61 % des candidats inscrits ne se sont pas présentés à la première épreuve du concours de professeur des écoles.
Cette difficulté s'explique, notamment, par un phénomène de « multi-inscriptions » : les candidats s'inscrivent à un maximum de concours pour optimiser leurs chances de réussite, même s'ils ne peuvent pas se présenter à toutes les épreuves.
La gestion des lauréats est un autre souci : dans la fonction publique territoriale, les lauréats sont inscrits sur une liste d'aptitude, sur laquelle ils peuvent figurer pendant quatre ans. S'ils ne trouvent pas de poste dans ce délai, ils sont considérés comme des « reçus-collés » et perdent le bénéfice de leur concours.
Lorsque les concours de la fonction publique hospitalière sont organisés par plusieurs établissements, les candidats sont affectés selon leur rang de classement, ce qui ne correspond pas toujours à leur souhait. Or, tout candidat qui refuse son affectation dans un établissement perd le bénéfice de son concours.
Pour remédier à cette situation, je souhaite formuler huit préconisations afin de renforcer l'attractivité des concours.
Il faut, tout d'abord, passer en revue l'ensemble des concours dans un délai de deux ans afin d'optimiser leurs conditions d'organisation et d'adapter le contenu des épreuves. Une priorité devrait être donnée aux concours soulevant le plus de difficultés, à l'instar des concours d'ATSEM et des filières artistiques.
Il est également nécessaire de poursuivre les efforts de coordination entre les organisateurs de concours. Je salue, d'ailleurs, la signature lors du dernier congrès des maires d'une convention entre les centres de gestion et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Pour plus de clarté, les calendriers des concours des trois versants de la fonction publique devraient être publiés de manière centralisée. Ils pourraient figurer sur la Place de l'emploi public, site Internet qui réunit déjà les offres d'emplois publics.
En outre, il faut rapidement créer un outil pour lutter contre les « multi-inscriptions » dans le versant territorial, comme le prévoit la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Sur le plan logistique, des épreuves écrites pourraient être mutualisées entre plusieurs concours, ce qui permettrait de simplifier leur organisation. La correction des copies pourrait être dématérialisée. Dans la fonction publique de l'État, des services concours pourraient être créés au sein des préfectures.
Il convient, enfin, de diversifier le profil des fonctionnaires en poursuivant les efforts d'adaptation des épreuves, sans en réduire le niveau d'exigence, en développant les épreuves collectives de mise en situation et en étendant le recours aux concours sur titre.